Tout le piano (ou presque) de Clara Schumann par Sophia Vaillant
En trois disques réunis en coffret, Sophia Vaillant propose la quasi intégrale de l'œuvre pour piano solo de Clara Schumann. Pianiste acclamée, Clara était bien plus que la muse du grand Robert Schumann, mais également une compositrice sensible.
Pas facile d'exister en tant que compositrice quand on est la femme de l'un des plus grands musiciens de son temps. Et encore plus quand on vit au XIXe siècle, époque où l'on pense que la composition n'est qu'une affaire d'homme.
Clara Schumann, née Clara Wieck (1819-1896), est donc restée dans l'histoire de la musique avant tout comme une pianiste talentueuse, acclamée sur les scènes du monde entier, admirée de Liszt, de Chopin, de Brahms, et muse éternelle de Robert Schumann, qu'elle fréquente depuis l'âge de ses 8 ans, avant de l'épouser, contre l'avis de ses parents, à 21 ans. Ce n'est que depuis quelques années que l'on s'intéresse véritablement à l'autre versant, celui de compositrice, de ce « destin romantique » selon le sous-titre du triple album que la pianiste Sophia Vaillant consacre à Clara Schumann.
Un coffret quasi exhaustif de l'œuvre pour piano solo de Clara Schumann, où il ne manque que deux Scherzi (enregistrés précédemment sur un autre album) et surtout la grande Sonate en sol mineur, redécouverte il y a quelques années et enregistrée par Isata Kanneh-Mason chez Decca. Malgré cela, le coffret de Sophia Vaillant vient compléter avec beaucoup de finesse, l'unique intégrale réalisée il y a près de 20 ans par Suzanne Grützmann chez Hänssler. Elle permet surtout de reconsidérer une œuvre beaucoup plus profonde, sensible et personnelle qu'il n'y paraît, présentée intelligemment de manière chronologique. Ce qui permet de voir l'évolution stylistique impressionnante de Clara Schumann.
Nous n'épiloguerons pas sur les aimables Polonaises, Caprices et autres Valses romantiques, juvéniles et naïves pièces composées par une fillette de dix ans, totalement influencée par Chopin. Mais dès son opus 5, Quatre pièces caractéristiques composées à l'âge de 15 ans, Clara Schumann révèle une personnalité plus affirmée. Il y a aussi du Florestan et de l'Eusebius dans ces pages contrastées que Sophia Vaillant interprète avec beaucoup de sincérité.
Il faut cependant attendre le deuxième disque du coffret pour voir réellement l'écriture de Clara Schumann s'affermir et s'intensifier le dialogue avec Robert. Les Soirées musicales op.6 (1836) sont des scènes de caractère proches des Davidsbündlertänze ou des Novelettes de son mari. A noter un magnifique Notturno chopinien que Sophia Vaillant déploie avec beaucoup de grâce et de concentration. Les Variations de concert op. 8 et le Souvenir de Vienne op.9 sont des pages de pure virtuosité. On sent Sophia Vaillant moins convaincue par ces pièces brillantes mais plus futiles.
Le troisième disque est consacré aux pages de la « maturité » de Clara Schumann. Une maturité toute relative puisque la musicienne va arrêter de composer au décès de Robert Schumann en 1856. Clara n'a alors que 37 ans et elle décide de ne se consacrer désormais qu'à faire vivre la musique de son époux. Elle nous lègue cependant encore Quatre pièces fugitives op.15, œuvres courtes, lyriques et comme hors du temps ; trois Préludes et fugues op.16 à la rigueur contrapuntique compensée par l'expressivité romantique. Mais surtout, Clara Schumann écrit ses Variations sur un Thème de Robert Schumann op.20 (1853). Ce thème est celui de la quatrième pièce des Bunte Blätter op.99 de Robert. Clara sait son mari malade, déjà rongé par la folie qui va l'emporter trois ans plus tard. Clara Schumann offre à son mari pour son quarante-troisième anniversaire ces sept variations, émouvantes, inquiètes et aimantes. Après ce chef-d'œuvre, Clara Schumann n'écrira plus que trois brèves Romances op.21. Epilogue créatif de ce « destin romantique » que Sophia Vaillant fait revivre avec beaucoup de sincérité et de sensibilité.
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Merci pour cette critique fort intéressant et passionnant à lire!