Très aimable récital du ténor Jean-François Borras
Dans un récital d'opéra français construit autour de la thématique Monte-Carlo, Jean-François Borras démontre ses nombreux talents.
De nos jours, pour faire un bon récital, il convient de trouver une jolie thématique qui donne une illusion de nouveauté, et d'introduire parmi les standards du répertoire lyrique quelques petites découvertes qui excitent la curiosité du mélomane-acheteur. Pour ce premier récital de Jean-François Borras, c'est très bien fait. Le thème « Monte-Carlo » se justifie pleinement par l'enfance musicale du ténor, par le choix du chœur et de l'orchestre, et encore par la référence -développée par Alexandre Dratwicki- à Raoul Gunsbourg, compositeur et directeur de l'Opéra de Monte-Carlo de 1893 à 1951, et qui a eu le temps de donner une forte empreinte à cette maison. Le programme choisi par Jean-François Borras et Pierre Dumoussaud présente une certaine cohérence « fin de siècle » et se cale bien sur l'image qu'on se fait de la belle société monégasque fréquentant l'Opéra Garnier au moment du développement du tourisme. Massenet, Bizet, Gounod en majorité, mais aussi Gunsbourg avec un très agréable extrait du Vieil Aigle, et Mascagni qui aurait écrit Amica sur un texte français pour cet Opéra Garnier. Même Roma de Massenet aurait été écrit pour « le rocher ».
Ce n'est cependant pas une collection de cartes postales sonores jaunies qui nous est proposée, mais bel et bien de l'opéra vivant, saignant, et de grande beauté. Jean-François Borras confirme qu'il est un ténor lyrique de grande distinction. Sa voix mixte fait merveille sur toute l'étendue de son ambitus avec une fusion parfaite des registres de poitrine, de gorge et de tête, des graves capiteux aux contre-uts triomphants. Le timbre est beau, la phrase est impeccable, la diction aussi et l'art des nuances est parfaitement maîtrisé. On obtient alors un rêve de Des Grieux digne d'un Alain Vanzo, murmuré sur un souffle infini presque irréel, un air de Don José humble, sans démonstration de vaillance inutile, amoureux et réellement émouvant. Les récitatifs de Werther ou Roméo sont admirables de dignité et de souffrance intériorisée. Avec tant de qualités aussi abouties, tant de discrétion et d'élégance conjuguées, on se met à rêver que Jean-François Borras nous offre des récitals de mélodies françaises, où il y a toujours fort à faire, et où il serait parfaitement à sa place.
Ce récital n'aurait pas autant de charme sans la baguette éclairée de Pierre Dumoussaud. À la tête d'un Orchestre Philharmonique de Monte-Carlo assez léger et parfaitement limpide, il parvient à distiller un lyrisme fin et sincère, sans pathos, et surtout sans cette artificialité qui marque souvent les récitals des chanteurs lyriques. Les préludes de Gounod, Massenet et Mascagni s'écoutent avec autant de bonheur que les airs du ténor, et finalement, ce disque se ressent comme une longue symphonie lyrique qui procure un plaisir renouvelé à chaque écoute. Pour un récital d'opéra, c'est plutôt rare !









