Les générations Danse élargie se retrouvent aux Abbesses
Quinze ans après la création du concours de chorégraphie contemporaine Danse élargie, les lauréats d'hier croisent les jeunes danseurs d'aujourd'hui pour un Focus Jeunes créateurs au Théâtre des Abbesses. Liam Francis, Noé Soulier et Maud Blandel figuraient à l'affiche du premier des quatre programmes proposés en septembre. Stimulant !
Il y a une grande sensualité dans la danse organique du chorégraphe britannique Liam Francis, qui réunit dans A Body of Rumours les qualités communes de quatre danseurs afro-descendants pour un quatuor sensible. Dans un espace restreint, la lumière sculpte les corps en clair-obscur entre l'avant-scène bordée de micros et le banc de mixage de la compositrice Chloé Mason qui accompagne le quatuor, en compétition en 2024. Ports de bras croisés, jambes souples, les danseurs mêlent la technique Cunningham et celle des danses urbaines, fruits de leur différents parcours d'interprètes qui se sont retrouvés au sein du Ballet Rambert, régulièrement accueilli au Théâtre de la Ville.
Après une courte pause place à Petites Perceptions de Noé Soulier. Comme des sportifs de haut niveau, un, puis deux, puis trois danseurs enchaînent de courtes séries de 30 mouvements, reprenant leur souffle entre chaque série. Coup de poing ou de pieds en l'air, coup de rein, de fesses ou de coudes, chaque mouvement en entraîne un autre, arrêté en plein vol.
C'est avec cette courte pièce physique et brute qu'il y a 15 ans, Noé Soulier a remporté le Premier prix de la première édition du concours Danse élargie organisé par le Théâtre de la Ville. On y décèle les principes de son écriture, à la fois conceptuelle et gestuelle, sérielle et séquencée. Les trois interprètes, Daniel Linehan, Thibault Lac et Noé Soulier, sont les mêmes qu'à la création, avec 15 ans de plus, et un corps qui répond toujours. L'œil extérieur était Mette Ingvartsen qui a poursuivi depuis, elle aussi, une carrière de chorégraphe. Bluffant !
Pour clôturer cette première soirée du Focus Jeunes créateurs, la chorégraphe Suisse Maud Blandel, finaliste de 2016, a créé La Rumeur, une nouvelle pièce intense et dense avec 20 élèves danseurs du Cndc d'Angers dirigé par Noé Soulier. Placés en cercle, les danseurs s'en détachent un à un, pour un parcours lent ou plus énergique. Round d'observation ou moment de communion, ils s'épient et fixent du regard celui ou celle qui s'avance dans le cercle. Des duos sur le principe de la battle mettent en regard les corps deux à deux, parfois à trois ou quatre. La singularité de chacun est mise en avant, avant de se fondre à nouveau dans la communauté.
En émerge une nouvelle génération d'apprentis danseurs, dont le look très marqué devra se neutraliser pour que les chorégraphes qui les engageront puissent se projeter sur leurs corps. La radicalité ne se niche pas dans une coupe de cheveux ou un vêtement, mais dans la manière dont la danse traverse ces corps encore juvéniles et talentueux en pleine formation.
