Le « National » fait sa rentrée parisienne avec Ravel
Après avoir célébré le 150e anniversaire de la naissance de Maurice Ravel (1875-1937) à Saint Jean de Luz avec Bertrand Chamayou et Philippe Jordan, futur directeur musical de l'orchestre, c'est encore avec le compositeur français que l'Orchestre National de France fait sa rentrée parisienne sous la baguette de son directeur actuel, Cristian Măcelaru.

Maurice Ravel bien sûr, mais aussi George Gershwin, dans ce programme qui reprend pour l'essentiel celui de la prochaine tournée en Europe centrale qui conduira l'orchestre, dans quelques jours, en Roumanie, Slovaquie, République tchèque et Autriche, avec le pianiste Rudolf Buchbinder en soliste.
L'iconique Valse (1920), dédiée à Misia Sert, ouvre le concert dans une interprétation plus lyrique que vénéneuse, tourbillon fantastique plus que fatal, dont les différents thèmes s'enchainent sans rupture, portés par une dynamique envoutante, parfois inquiétante, de texture délicate qui va progressivement se durcir jusqu'à une coda grandiose et suffocante, fortement cuivrée et percussive (trop pour l'acoustique de l'Auditorium !) en sollicitant tous les pupitres (contrebasses, harpes, petite harmonie) dans une parfaite organisation des plans et une maitrise consommée de l'agogique.
Petite entorse à cette épopée ravélienne, c'est avec le Concerto en fa (1925) de George Gershwin que se poursuit la soirée, interprété par le vénérable Rudolf Buchbinder qui pénètre sur scène à petits pas, semblant se demander ce qu'il fait là, les yeux perdus sur le clavier…On est en droit, en effet, de se demander si ce pianiste reconnu pour ses lectures de Beethoven est bien l'interprète idéal dans ce concerto aux accents jazzy et syncopés, la suite nous apportera rapidement la réponse…Si le National fait immédiatement feu de tout bois sous la direction un peu lourde et mal équilibrée de Cristian Măcelaru révélant toutefois de remarquables performances solistiques (cordes excellemment conduites par Sarah Nemtanu, avant que de rejoindre l'année prochaine l'Orchestre de Paris), on est rapidement surpris, dès l'Allegro initial, par le jeu trop sage, assez plat et linéaire du pianiste où le swing et l'aspect rhapsodique du phrasé font cruellement défaut pour se perdre rapidement dans une jolie berceuse. L'Andante n'est hélas pas de meilleure facture, développant une sorte de blues de mauvais piano bar, trop mou et déliquescent, où seuls le violon solo, les clarinettes et la flute tirent leur épingle du jeu dans le dialogue avec le soliste, à défaut d'une trompette solo sans envergure. L'Allegro final, pénalisé par un équilibre bien précaire entre soliste et orchestre, retrouve un piano un peu plus véhément, à l'alacrité rythmique plus marquée, pour conclure cette interprétation peu convaincante. En bis, l'Allegretto de la Sonate n° 17 de Beethoven dite « la Tempête », superbement déclamée par le pianiste autrichien achève en beauté cette première partie.
La rarissime version orchestrale du Trio avec piano de Ravel (1914) occupe à elle seule la seconde partie. Orchestrée par Yan Pascal Tortelier, créée en 1992, cette orchestration savante et foisonnante, sorte d'exercice d'orchestre, semble bien loin de la version chambriste originale dont elle perd beaucoup du charme intimiste et de l'émotion immédiate au profit d'une construction un rien massive dont Cristian Măcelaru accentue à l'envi la grandiloquence par une direction, là encore, mal équilibrée entre les pupitres avec des cuivres et percussions tonitruants et mal contenus. Le Modéré initial emprunte au folklore basque dans un balancement qui séduit par sa fluidité toute ravélienne comme par sa richesse en timbres (harpe, petite harmonie, cordes avec un superbe dialogue entre violon solo et violoncelle solo). Le Pantoum évolue par courts épisodes de staccato grinçant (cordes) et de suavité (flute), enchevêtrés dans un scherzo savamment construit, tandis que la Passacaille fait la part belle aux cordes riches et profondes dans un chant magnifique de noblesse avant que le Finale ne renoue avec une féérie de timbres convoquant piccolo, contrebasson, cordes en pizzicati, harpe et célesta dans une comptine qui va rapidement se résoudre dans une fanfare conclusive abusivement cuivrée et percussive.
Tournée en Roumanie oblige, c'est avec le célèbre Hora Staccato de Grigoraș Dinicu, arrangé pour grand orchestre, que ce conclut ce concert en demi-teinte qui nécessite encore quelques réglages dynamiques avant le départ…
Crédit photographique : © Joern Neumann









