La Messe des Morts de Campra, complétée par son Miserere, est une œuvre chère au cœur du chef historique des Arts Florissants, qui en offre ici une version très habitée.

Originaire d'Aix-en-Provence et nourri d'influences italiennes, André Campra jouira très tôt d'une grande reconnaissance qui l'amènera de Toulouse à Paris au poste prestigieux de maître de musique de Notre-Dame. Ses livres de motets connaîtront un grand succès, mais plus encore ses premiers opéras-ballets, qui l'éloigneront pendant plus de 20 ans de ses charges liturgiques. Ce n'est que sous la Régence qu'il sera nommé à la Chapelle Royale de Versailles, mais il est probable que son Requiem, non daté, date de la première partie de sa carrière parisienne (peut-être à l'occasion des funérailles de l'archevêque de Paris en 1695). Il a fallu attendre 1989 pour retrouver un manuscrit complet de cette œuvre d'une grande puissance expressive, qui a beaucoup été enregistrée depuis. Pour Les Arts Florissants, c'est la première fois qu'ils proposent cette Messe en intégralité et en grand effectif, pour une première collaboration avec le label Pentatone.

On connaît la grande familiarité de William Christie avec l'œuvre de Campra ; cet enregistrement est pour lui une sorte de retour aux sources. Ce qui frappe d'entrée, après le glas des cloches, c'est le tempo particulièrement lent choisi pour l'Introït, une battue presque décomposée. Cela met bien en évidence la profondeur et l'intensité dramatique de l'œuvre, qui repose sur un matériau d'écriture simple et efficace. Mais on attend les contrastes si caractéristiques de l'écriture expressive de Campra, qui arrivent à la fin du Graduel ; tout s'anime dans le In memoria aeterna, et les interjections du chœur sur les non sont du plus bel effet. L'Offertoire offre une atmosphère plus légère, où les affects suivent le texte de manière ciselée. L'Agnus Dei nous ramène à la ferveur initiale, avec la belle intervention des flûtes. Mais c'est dans la Post-Communion que les contrastes sont les plus saisissants. Après la lenteur extatique du dernier Requiem aeternam presque suspendu, la lumière introduite par les sopranos semble palpable, avant un grand ralenti final sur Quia pius es.

C'est encore la lenteur qui préside à l'interprétation du grand Miserere, avec des tempi élargis comme on n'en avait jamais entendus. Ce choix convient bien au caractère implorant du texte de pénitence. Les solistes à la diction parfaite suivent au plus près le sens du texte. Une petite réserve pour le baryton Matthieu Walendzik, à la voix parfois trop lyrique. Et une mention spéciale pour la soprano Gwendoline Blondeel, dont la voix souple fait merveille dans l'Asperges me. Mais la vraie vedette, c'est bien le chœur, à la projection admirable, qui cisèle littéralement le texte. Une fois encore, Les Arts Florissants sont ici dans leur jardin.