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Opus : les visages de Ryuichi Sakamoto 

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Opus. Film documentaire. Réalisation : Neo Sora. Musique : Ryuichi Sakamoto. Avec : Ryuichi Sakamoto. Tokyo Melody, d’Elizabeth Lennard. Async at The Park Avenue, de Stephen Nomura Schible. Suppléments : Commentaire audio d’Elizabeth Lennard sur Tokyo Melody. Entretien avec Ryuichi Sakamoto (24:00). 1 DVD/Blu-ray Potemkine films. Durée : Ryuichi Sakamoto (103:00); Tokyo Melody (62:00); Async at The Park Avenue (67:00)

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Sorti confidentiellement dans une poignée de salles privilégiées au cœur de l'été 2025, Opus prend sa revanche dans une édition DVD/Blu-ray augmentée de deux documentaires éclairants.

Pile quarante ans plus tôt… Été 85… Dans la fraîcheur des salles obscures, en moins de 5 minutes, Furyo (Merry Christmas Mister Lawrence) révélait au monde entier le nom de . Le film de Nagisa Oshima devait, plus encore qu'au magnétisme de ses acteurs (Bowie et Sakamoto), à la première musique pour le cinéma d'un compositeur de 34 ans qui s'était jusque là fait connaître au sein du YMO (Yellow Magic Orchestra), trio pop vénéré en son propre pays comme le quatuor des Beatles en le leur. “Si j'avais connu les Beatles avant, je n'aurais probablement jamais étudié la musique classique“, confiait à l'époque Sakamoto, dont le parcours restera toutefois moins facilement identifiable que celui de son compatriote , dont il peut être considéré comme le précurseur.

Aujourd'hui, après avoir été agressé par deux cancers, et dans la foulée d'une ultime partition pianistique posthume pour l'image (le formidable Innocence de Hirokazu Kore-eda), n'est plus. A quelques mois de sa disparition en 2023 à l'âge de 71 ans, et alors que son combat contre la maladie lui avait fait déserter les salles de concert, il avait donné un ultime chant du cygne sans public : un récital de piano filmé en toute intimité dans le silence sépulcral du prestigieux studio 509 de la NHK par son propre fils, .

D'un noir et blanc pianistique d'une renversante somptuosité, le beau visage émacié du compositeur, d'abord longuement approché de dos, est le point de mire d'une caméra se mouvant avec une lenteur de cérémonial dans un lieu qu'elle métamorphose progressivement en cathédrale d'intériorité. Des micros, une paire de lunettes, deux mains paisibles (même quand elles s'égarent), une chevelure le disputant au soleil noir d'un projecteur trouant l'obscurité, un profil de statuaire… D'une sobriété de haïku, nous fait pénétrer par petites touches, avec des cadrage inspirés d'une prégnante délicatesse, dans son petit théâtre d'ombres, et avec une prise de son lumineuse, dans l'alchimie d'une trentaine de pièces mélancoliques discrètement japonisantes, dont l'humilité à la Einaudi questionne avant de tutoyer des profondeurs debussystes façon Cathédrale engloutie.

C'est effectivement sa très précoce passion pour le compositeur français que Sakamoto confesse à maintes reprises dans le coffret, plongé qu'il fut très tôt dans une formation des plus classiques avant de bifurquer vers la pop, versant évoqué dans Tokyo Melody, le documentaire en liberté d'Elizabeth Lennard. Tourné en 1985 après le succès de Furyo, Tokyo Melody ressuscite le premier visage de Sakamoto, dont la jeunesse irradiante fait merveille sur l'irrésistible tube Self Portrait concluant le documentaire.

Sakamoto fut tenté aussi par l'expérimentation à la John Cage avec piano préparé, comme on peut s'en rendre compte dans Async at the Park Avenue, second documentaire du coffret, tourné en 2018, qui dévoile un second visage. Celui d'un artiste mature officiant sous un ciel de vidéos entre piano et synthétiseur, guitare et percussions, devant un aréopage aussi attentif que réduit, qui n'est pas sans évoquer celui des lofts new yorkais où, cinquante années auparavant, , qui a lui aussi écrit des partitions mémorables pour le cinéma, faisait, à l'inverse, ses débuts.

La mort transforme la vie en biographie… La forme de l'ensemble ne survient qu'au dernier moment… Comme il faut attendre le dernier accord de la sonate pour porter sur l'œuvre un jugement complet “, écrivait Jankélévitch. L'évolution du compositeur japonais, plus insaisissable que celle du compositeur américain, aboutit, avec cet Opus à l'os, à un troisième visage, celui d'un grand sage. Opus fait défiler en un dernier tour de piste certaines des compositions les plus fameuses de Sakamoto, comme Le Dernier empereur. Et même, alors qu'on n'y croyait plus, celle de Furyo dont le compositeur avouait s'être lassé (au contraire des cinéphiles de l'année 85 !), lassé surtout qu'on la lui réclamât sans cesse, avant d'y revenir pour finir, forcé de reconnaître lui-même dans la souriante (et émouvante, lorsqu'il évoque le fait de n'avoir jamais revu David Bowie après l'intense mois de tournage partagé sur le film d'Oshima) interview qui conclut ce beau coffret : “C'est de la bonne musique.”

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Opus. Film documentaire. Réalisation : Neo Sora. Musique : Ryuichi Sakamoto. Avec : Ryuichi Sakamoto. Tokyo Melody, d’Elizabeth Lennard. Async at The Park Avenue, de Stephen Nomura Schible. Suppléments : Commentaire audio d’Elizabeth Lennard sur Tokyo Melody. Entretien avec Ryuichi Sakamoto (24:00). 1 DVD/Blu-ray Potemkine films. Durée : Ryuichi Sakamoto (103:00); Tokyo Melody (62:00); Async at The Park Avenue (67:00)

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