Robin Ticciati et l’Orchestre Philharmonique du Luxembourg pour une 6e de Mahler austère et stimulante
À l'Arsenal de Metz, la cohérence du discours et la maîtrise du chef sont servies par un orchestre de haut niveau.
D'un soir à l'autre, le contraste est radical : du baroque chambriste joué par Café Zimmermann à l'effectif maximaliste de la Symphonie n° 6 de Mahler, le grand écart pourrait difficilement être plus grand. Et, naturellement, les problèmes acoustiques que posent les répertoires joués sont eux aussi très différents : là où un peu trop de résonance émoussait les lignes baroques, les sommets dynamiques du grand orchestre post-romantique, rarement présent à Metz, saturent impitoyablement l'espace sonore de la salle construite par Ricardo Bofill.
Robin Ticciati et les musiciens de l'Orchestre Philharmonique du Luxembourg, il est vrai, avaient répété et joué ce programme à leur siège, cette Philharmonie de Luxembourg qui est, elle, à toute épreuve en la matière ; sans doute l'effort d'adaptation dans ces salles très différentes était-il difficilement réalisable. On y perd beaucoup de détails de l'écriture orchestrale dès lors que le niveau sonore atteint le simple forte ; pour autant, l'interprétation de Ticciati telle qu'on peut la percevoir dans ces conditions soutient constamment l'attention et impressionne par sa cohérence et sa rigueur, au cours de ces 80 minutes qui sont aujourd'hui la durée standard de l'œuvre. Le premier mouvement donne d'emblée le ton : grave, en un discours fluide mais constamment tenu, avec un chef qui sait où il va et des musiciens qui suivent sans difficulté une direction qui les soutient autant qu'elle les dirige. À aucun moment de la partition Ticciati ne se complaît dans la luxuriance des couleurs orchestrales, jamais il ne privilégie l'instant plutôt que le tout ; l'épanchement émotionnel n'est pas son objectif, et cette austérité parfaitement assumée emporte et convainc.
Pour le deuxième mouvement, il faut passer sur un moment collectif d'agacement, quand l'Arsenal laisse rentrer des spectateurs qui, plutôt que de s'asseoir aux premières places disponibles, tiennent à descendre bruyamment la raide pente de la salle pour aller jusqu'à leurs places – mauvaise éducation des spectateurs concernés, mais aussi erreur de la part de la salle, qui devrait faire accompagner lesdits retardataires et leur désigner des places pour ne pas gêner ceux qui sont arrivés à l'heure. On en passerait presque à côté de l'essentiel, le choix de Ticciati de jouer d'abord le mouvement lent avant d'en venir au scherzo, contrairement à une certaine tradition et contrairement à ce qu'indiquait le programme distribué aux spectateurs. On ne rouvrira pas ici un débat qui a parfois atteint des paroxysmes, et on se contentera de constater la haute qualité orchestrale et soliste atteinte par les musiciens de l'orchestre : la beauté du dialogue limpide et expressif entre les bois et les cordes n'a rien à envier à des orchestres plus célèbres, et il est patent que la simplicité et la fluidité de la direction de Ticciati est une aide précieuse pour permettre aux musiciens de donner le meilleur d'eux-mêmes.
Le scherzo vient donc ensuite. Ticciati ne joue pas le contraste avec la sombre tonalité des autres mouvements : si le cœur de celui-ci réserve des moments de véritable apaisement, ils ne durent jamais longtemps, et le début du mouvement, avec son côté mécanique, est tout aussi impitoyable que la marche qui ouvre le premier. Rien de chargé, rien de caricaturalement diabolique dans son interprétation : simplement une rigueur rythmique qui dit tout ce qu'il faut sans en rajouter. Le finale retrouve l'essentiel des qualités du premier mouvement, sans surligner les climax que sont les coups du destin : la tristesse infinie, sans fioritures, des passages les plus recueillis vaut bien mieux que les grands effets.









