Laura Bachman adapte les romans de Jean-Philippe Toussaint
Commençons par faire l'amour est la deuxième création de la chorégraphe Laura Bachman, librement inspirée de la quadrilogie M.M.M.M. de Jean-Philippe Toussaint. Où l'on voit que les bons sujets ne font pas forcément de bons spectacles.
Émouvante Magali Caillet-Gajan, qui ouvre avec son corps tatoué et ses cheveux gris coupé ras la nouvelle pièce sensible de Laura Bachman, déjà remarquée pour Ne me touchez pas, duo avec Marion Barbeau. Cette fois, ce sont quatre femmes et un homme qui évoquent la puissance et la sensualité du féminin. Même perruque blonde, même robe bleue fendue pour Marion Barbeau et Magali Caillet-Gajan qui incarnent tour à tour cette Marie-Madeleine Marguerite de Montalte, alias M.M.M.M, personnage emblématique de l'oeuvre de Jean-Philippe Toussaint. Les quatre interprètes de ce quatuor initial déclinent et dupliquent comme en canon, puis à l'unisson la même gestuelle très cinématographique dont l'un des gestes emblématique est de fumer une cigarette. Quatre visions d'une même femme, quatre fois M, qui préfère se faire mal en étouffant un cri.
Sur fond de chanson d'amour italienne, Ricorderai, la situation bascule alors vers un nouveau dispositif dramatique, avec une cinquième interprète qui entre en jeu. Dans ce double face à face sur chaises pliantes, le rythme est beaucoup trop lent et l'on perd la trace des livres de Jean-Philippe Toussaint et de son personnage principal Marie. Il n'y a en effet ni texte ni sous-titre à ces confrontations muettes. Basée sur des situations stéréotypés, la dramaturgie manque de précision dans sa transformation chorégraphique. De plus, les costumes sont peu seyants, et l'on voit davantage d'authenticité dans les photos de répétition prises en tenue d'échauffement.
Cependant, le principal point d'achoppement de cette nouvelle création demeure la faiblesse de la chorégraphie, ce qui est très dommage pour le talent de Marion Barbeau gâché dans une danse mécanique et vide de sens. A la fin de la pièce, Marion Barbeau incarne pourtant avec éclat le pur-sang écumant pris dans les phares des voitures qui le poursuivent sur le tarmac de l'aéroport de Tokyo après avoir été la fille farouche lors de l'enterrement de son père, dans les mots de Jean-Philippe Toussaint dits avec force par la comédienne Raphaëlle Rousseau.
Seule Magali Caillet-Gajan, avec sa grande expérience de danseuse, chez Preljocaj ou Decouflé, tire son épingle du jeu par sa singularité et sa présence intense. Comme à l'ouverture du spectacle, elle est Marie Madeleine Marguerite de Montalte, qui se présente simplement, dans la pureté du texte de Jean-Philippe Toussaint, lors du final. Une incarnation entière que l'on aurait aimé la chorégraphe voir développer dans le reste du spectacle.
Crédits photographiques : © César Vayssié






