Golda Schultz, un souffle de jeunesse sur Mozart
Dans un récital totalement dévolu aux opéras de Mozart-Da Ponte, Golda Schultz démontre quelle impeccable chanteuse elle sait être.
Passons rapidement sur cette espèce de sketch mis en scène dans le titre et les photos de l'album : Mozart n'a jamais rendu personne fou, sinon de joie ou de bonheur. Mais soit, faisons « djeune » et dépoussiérons les perruques… Coup de torchon aussi sur ces récitals de jadis où on alignait les airs les uns après les autres : voici des sextuors, des duettos, des finale insérés dans la série des grands airs de soprano, quitte à faire changer de personnage à la prima donna (Elvira/Anna, Contessa/Susanna…). Très bien, ça change, ça rafraichit et ça rajeunit notre cher Wolfgang.
Golda Schultz a une voix réellement épatante. Le timbre est chaud, rond, les attaques sont franches. L'émission est facile d'un bout à l'autre de la tessiture, depuis des graves capiteux jusqu'aux aigus brillants. Elle se rit des écarts qui sont parfois vertigineux (Come scoglio) et sa ligne souple est merveilleuse de phrasé. Elle trille plutôt bien et sort indemne des vocalises de Per pieta. Vraiment, on ne sait pas ce qu'on pourrait lui reprocher… De surcroit, elle nuance finement, orne avec discrétion et surtout, elle prend totalement en charge la dimension psychologique de ses personnages : révolte de D. Anna, rêve amoureux de Susanna, sincérité introspective de D. Elvira, tout sonne parfaitement juste. Le moment où Fiordiligi succombe dans les bras de Guglielmo (très bon Amitai Pati…) et s'abandonne à l'ivresse amoureuse (Giusto ciel…) est d'une beauté et d'une émotion peu commune. Aucun doute, Golda Schultz est une merveilleuse mozartienne.
En fait, ce qui frappe dès la première écoute et ne se dément pas aux suivantes, c'est l'impression d'être immédiatement immergé dans la réalité du drame ou de la comédie. Et ça, c'est clairement au chef d'orchestre que nous le devons. Antonello Manacorda, fidèle à sa réputation de chef énergique, insuffle une vitalité admirable, une nervosité qui met chaque personnage à fleur de peau. Il ne donne cependant jamais dans des à-coups brutaux, comme ont pu le faire certains. La ligne de chant, est toujours respectée, fluide et respirante, et la grâce du divin Amadeus n'est jamais heurtée. C'est un Mozart hyperactif, vivant, saignant et palpitant, mais toujours plein de poésie qui nous est donné là, avec des personnages féminins qui vont au bout d'elles-mêmes. Même les hommes, qui ne sont ici que des silhouettes (Don Giovanni, Guglielmo…) sont d'une authenticité théâtrale étonnante pour un récital. Golda Schultz suit son chef avec une ductilité et une complicité parfaites, mais aussi tous les comprimari, et encore l'excellent Kammerakademie Postdam. La formation plutôt légère (7 violons I, 3 violoncelles, 2 flûtes…) est parfaitement transparente, homogène et virtuose. Elle est renforcée par le pianoforte de Rita Herzog, ce qui donne une touche baroque bienvenue au son charmant de l'orchestre, mais aussi une certaine malice d'ornementation.
Après le premier disque pour Alpha de Golda Schultz avec d'excellents songs, lieder et mélodies, on pensait découvrir un CD façon carte de visite pour valoriser son talent à l'opéra. En fait, c'est encore davantage une promotion de Manacorda comme chef d'opéra de Mozart que nous avons là. Nous avons en lui un chef réellement inspiré, qui donne un Mozart très pur et très vivant, dans l'héritage croisé des grandes baguettes classiques et des grands frondeurs baroqueux. On en redemande !









