Tanz im August : deux pièces aux confins des genres
La 37e édition du festival Tanz im August a débuté le 13 août à Berlin pour se déployer comme un « paysage tectonique », selon la volonté de son directeur artistique, Ricardo Carmona. Ainsi nous serait-il possible « d'écouter avec la plante des pieds, de ressentir avec le souffle, de penser avec notre peau ». Le résultat est mitigé après avoir vu, ce deuxième week-end du festival, deux pièces aux antipodes de qualité chorégraphiques…

Magec / The Desert de Radouan Mriziga, chorégraphe marocain basé à Bruxelles, porte aux nues le désert et le soleil, s'inspirant ainsi de la culture amazighe et de ses racines berbères. Second volet d'une trilogie (après Atlas / The Mountain en 2024 et prochainement une création dédiée à la mer), Magec se consomme tel un rituel parsemé de sept figures masquées, mi-humaines mi-animales, qui arpentent lentement la scène en cercle. Pour unique décor, un immense disque central qui tournoie au-dessus des interprètes, telle une divinité au-dessus des mortels. Sur cette sorte de cadran solaire est projeté un pot-pourri d'images et de films fugaces, plus ou moins pertinents. On reconnaît une brève vidéo sur des essais nucléaires réalisés au milieu d'un désert. Puis, la DJ Deena Abdelwahed s'éclipse pour trôner et orchestrer une liturgie fantasmagorique, aux résonances et complaintes foisonnantes, qui ne cesse de nourrir les six danseurs et leurs gestuelles bien particulières, aussi traditionnelles que novatrices.
Mriziga nous emporte très rapidement dans son imaginaire et nous y perd un peu. La projection de textes, aux alphabets plus ou moins lointains, complète notre trouble. Ils sont néanmoins plus à considérer comme une tapisserie et ne précise pas franchement le propos. Ils ont le mérite de nous faire plonger dans l'universalité de Magec, sans pour autant que l'on puisse comprendre où nous plongeons. L'inconnu fascine autant que la profondeur fait peur. Alors comment s'imprégner de l'immensité qu'est le désert ? On sent que l'équipe a trouvé une réponse en vivant le désert au cœur du désert. Lumière et musique, écrits et langage chorégraphique, chaque élément se fond en une symbiose évidente.
En second partie de Magec, la scène s'obscurcit. L'éclipse est clairvoyante. Le perpétuel mouvement, très ancré dans le sol et follement hip hopien, envahit alors l'espace. On retrouve de temps en temps des accents folkloriques, hybrides. C'est sacrément curieux comme si le vocabulaire de Mriziga, d'une grande fluidité, entrait en fusion avec son milieu évoqué. Une belle leçon de philosophie dansée.

Également en première allemande, la Korean National Contemporary Dance Company et la pièce Jungle 정글, composée de quinze danseurs et danseuses époustouflants de vitalité et de technicité, qui apparaissent marchant en cercle sur une scène sombre et énigmatique. Élaboré par Kim Sungyong, Jungle 정글 nous transvase dans une jungle aux profondeurs hypnotiques, entre flore et faune, vent et lumière. Cette méga production, en flux constant, se base sur une technique d'improvisation atypique dénommée « Process Init », laissant entièrement libre court aux interprètes pour interagir et moduler leurs mouvements à leur guise. Chaque interprète se détache ainsi de la masse en tout fluidité pour s'évader individuellement, tout en gardant une certaine homogénéité dans le style.
D'une réaction sensorielle émane une improvisation saisissante qui jamais ne s'arrête, alimentée par des éclairages mouvants. En milieu de pièce, la lumière inonde l'espace, et la compagnie dans son ensemble enchaîne alors des mouvements élémentaires : on se croirait en train d'observer un banal échauffement. Les tableaux, plus ou moins poétiques, défilent sans aucun lien logique comme si tous les ingrédients, aussi savoureux soient-ils, étaient là mais jamais ne se mélangeaient vraiment. Le soufflet échoue à gonfler, peut-être aussi parce que les interprètes se délectent assurément plus à danser pour eux-mêmes qu'à rendre leur monde captivant. La fin en queue de poisson, soulignée par la composition musicale abstraite de Marihiko Hara (que nous qualifirions de soporifique) qui ne cesse de résonner jusque pendant les applaudissements, n'étonne alors plus personne.
Certains trouveront dans Jungle 정글 une expérience impressionnante quand d'autres n'y verront qu'un patchwork vide de sens et de liant. Frustrant.









