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Au TCE, Chalk Line de Caroline Marçot : opus IV du Consortium Créatif

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Paris. Théâtre des Champs-Élysées. 30-IX-2025. Caroline Marçot (née en 1974) : Chalk Line, pour voix, orchestre et vidéo (CM) ; Darius Milhaud (1892-1974) : Le Bœuf sur le toit, pour orchestre ; chansons de Joséphine Baker réorchestrées par Johan Farjot. Pierre-Martin Oriol, vidéo ; Adèle Charvet, voix ; Orchestre de Picardie, direction : David Reiland

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Membre du Consortium créatif fédérant depuis 2022 les forces de cinq phalanges symphoniques de région, l' dirigé par est sur la scène du TCE pour célébrer avec la mezzo-soprano et une création, Chalk Line, quatrième commande du Consortium créatif, passée à la compositrice .

« Osez Joséphine ! », c'est la thématique lancée par le TCE pour fêter le centenaire de la venue en France de ainsi que les cinquante ans de sa disparition. Dans Chalk Line (Ligne de craie), pour mezzo-soprano et orchestre, rend hommage à cette artiste engagée, prenant comme source textuelle le discours qu'elle a prononcé le 28 août 1963 au Lincoln Memorial de Washington lors de la marche pour l'emploi et la liberté voulue par Martin Luther King. S'entendent également dans la partie vocale très swingante confiée à des extraits de chansons de Nina Simone, des mots de Mahalia Jackson, les exhortations de Daisy Bates et autres « Freedom » de Lena Horne. Ajoutons que la création s'accompagne des images de Pierre-Martin Oriol mêlant paysages des quatre saisons et gros plans sur ressortant du fond obscur de la vidéo. Le projet est ambitieux, foisonnant d'informations très, trop concentrées peut-être au regard des 14 minutes de la partition.

De fait, la mezzo sollicitée dans ses graves cuivrés débute par Old Alabama, un chant de travail au rythme chaloupé, scandé par un bruit de chaînes presque glaçant, évoquant le dernier navire négrier, le Clotilda, incendié et coulé dans la baie de Mobile après avoir déchargé sa cargaison de marchandise humaine dans les marécages… Au rythme lancinant des chaînes succède celui du Cake Walk (la danse des noirs caricaturant la démarche de leurs maîtres blancs), wood block et cymbales striant l'espace temporel sur toute la durée de la pièce, accompagnés des deux trompettes en sourdine, timbre emblématique du jazz un rien entêtant, qui infiltre l'écriture de l'orchestre et double parfois le chant. Cordes et vents très réactifs sertissent la voix, jeux d'échos entre la mezzo et les bois, texture mouvante des cordes rappelant le halo produit par l'enregistrement historique du discours qu'a cherché à restituer la compositrice. Adèle Charvet est en première ligne, apportant couleur et ferveur à ces voix militantes, même si le passage fréquent entre les différents registres de sa voix la met au défi et fait un rien fluctuer l'intonation. Elle est plus performante dans la seconde partie de la pièce, lançant avec une belle intensité lumineuse ses « freedom » longuement entretenus. La coda purement instrumentale, avec le chant du piccolo sur la trame des cordes, est de la plus belle facture.

On reste en Amérique (au Brésil plus précisément) et dans les années 20 avec Le bœuf sur le toit de , le titre qui ressort le plus souvent du catalogue pourtant pléthorique du compositeur. Le ballet a été créé sur la scène de la Comédie des Champs-Élysées, un bon argument pour le faire figurer au programme de cette fin de première partie. Le güiro gratté haut et fort par le percussionniste dans le refrain donne le ton de cette « fantaisie surréaliste » dont l' fait passer l'énergie et exalte le bariolage des couleurs. Entretenant un bel équilibre au sein des pupitres, fait valoir les joyeuses frictions des tonalités qui se superposent, entre lyrisme des cordes et dialogue « décalé » des bois. On ne boude pas son plaisir à l'écoute d'une musique qui distille sa bonne humeur.

Chanter

Adèle Charvet a changé de tenue – une robe-fourreau à paillettes – dans une deuxième partie où s'affichent les titres emblématiques que chantait l'égérie parisienne dans sa « Revue Nègre » de 1925 au TCE : du traditionnel spiritual (He's Got the Whole World in His Hands) à Petite fleur de Sidney Bechet, L'Hymne à l'amour de Piaf/Monnot ou encore Blowin'in the Wind de Bob Dylan que le public se met à fredonner avec la chanteuse : la mezzo ne prétend pas rivaliser avec l'icône des années-folles. Micro en main, Adèle Charvet garde sagement sa posture de cantatrice lyrique au côté du chef : sans vraiment profiter des avantages du micro pour jouer avec toutes les possibilités de l'amplification, sans même chercher la complicité avec l'orchestre, la faute, peut-être, aux arrangements un rien ronronnants de Johan Farjot qui ne mettent guère l'oreille en alerte. En bref, le « tour de chant » n'est pas long à nous ennuyer, privé de cette verve scénique et vocale d'une chanteuse que l'on ne sent pas pleinement à l'aise dans ce rôle et sans l'envergure spectaculaire du « show » qui nous manque cruellement ce soir.

Crédit photographique : © J.F. Mariotti (Caroline Marceau) ; Vincent Pontet

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Paris. Théâtre des Champs-Élysées. 30-IX-2025. Caroline Marçot (née en 1974) : Chalk Line, pour voix, orchestre et vidéo (CM) ; Darius Milhaud (1892-1974) : Le Bœuf sur le toit, pour orchestre ; chansons de Joséphine Baker réorchestrées par Johan Farjot. Pierre-Martin Oriol, vidéo ; Adèle Charvet, voix ; Orchestre de Picardie, direction : David Reiland

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1 commentaire sur “Au TCE, Chalk Line de Caroline Marçot : opus IV du Consortium Créatif”

  • Jean- Louis Barbé dit :

    Merci pour ce compte-rendu et cette analyse qui reflète bien ce que j’ai entendu lors de cette soirée. Une première partie captivante (malgré un vocal parfois bancal), un récit et une construction orchestrale qui donne à entendre et à penser. Le début de la deuxième partie avec le Bœuf sur le toit est également réussi… Ensuite, c’est le désenchantement, les arrangements n’aident pas Adèle Charvet à trouver des interprétations convaincantes. On l’a perçoit peu à l’aise dans ce rôle de chanteuse jazz y compris dans le jeu de scène.

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