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Wake up ! quand le Ballet de Bordeaux réveille nos sens avec jubilation

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Bordeaux. Grand-Théâtre. 13-X-2025. Pontus Lidberg, The Shimmering Asphalt. Musique : David Lang. Avec : Perle Vilette de Callenstein, Clara. Spitz, Tanguy Trévinal, Amandine. Berthier, Charlotte Meier, Marina Kudryashova, Neven. Ritmanic, Kohaku Journe, Marco. Di Salvo, Diane Le Floc’h, Melissa Patriarche, Hélène Bernadou, Kylian Tilagone, Sachiya Takata, Simon. Asselin.

Marco Goecke : Woke Up Blind. Musique : Jeff Buckley. Avec : Anaëlle Mariat, Vanessa Feuillatte, Riccardo Zuddas, Tangui Trévinal, Simon Asselin, Kylian Tilagone, Guillaume Debut.

Christopher Wheeldon : Within The Golden Hour. Musique : Antonio Vivali et Ezio Bosso. Avec : Marini Da Silva Vianna et Riccardo Zuddas, Anna Guého et Diego Lima, Perle Vilette de Callenstein et Tangui Trévinal, Clara Spitz et Guillaume Debut, Emma Fazzi et Kohaku Journe, Hélène Bernadou et Simon Asselin, Charlotte  Meier et Marco Di Salvo

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Avec trois pièces signées , et , le Ballet de l'Opéra national de Bordeaux montre avec « Wake up ! » que la virtuosité classique et l'unisson sont sources de joie pour les danseurs comme pour le public.

 

Jubilatoire. Telle est bien la sensation qui vous envahit à la sortie de cette soirée triple du Ballet de l'Opéra national de Bordeaux. Une jubilation précieuse qui est à mettre au crédit d'une compagnie de ballet qui ne pourrait proposer ce type de spectacle si on ne lui en donnait pas quelques moyens. À l'heure des réductions d'aides publiques, il est bon de se souvenir que l'art et la culture subventionnées font partie d'un certain service public pourvoyeur de bien-être. À notre service donc, trois chorégraphes européens vivants (on remarquera qu'il n'y a pas de Français), qui nous livrent des pièces dynamiques, enivrantes et questionnantes.

Le programme démarre fort avec la pièce du Suédois , The Shimmering Asphalt entrée au répertoire du Ballet de Bordeaux en 2023. Quinze danseurs apparaissent progressivement sur scène, et disparaissent à un rythme trépidant, illustrant méticuleusement la partition pour cordes de (que l'on aurait d'ailleurs aimé entendre jouée par l'orchestre dans la fosse). Courses, rencontres, portés, contournements, unissons, départ… Ne serait-on pas chez Forsythe ? Avec ces courses, ces bras flex, ces décalés, ce travail mécanique ultra-rapide ? Oui et non. Car très vite, on comprend que ces hommes et ces femmes vont se parler et s'attirer, là où Forysthe les font se télescoper. Forysthe dessine des boules de billards, où les danseurs explosent de façon disséminée, tandis que rassemble ces boules vers le centre, crée des lignes, des ensembles, des réponses. Et là, aucun doute, nous sommes plutôt chez Balanchine. Les jupettes et chignons nous l'indiquent aussi. Pas étonnant que cette œuvre ait été créée en 2017 pour… le New York City Ballet, maison mère de Balanchine. On comprend alors que le Suédois (désormais à la tête du Ballet de Nice) a effectué un rapprochement diplomatique, une « balanchinisation » de Forsythe  pour mieux adhérer à la commande. Et cette hybridation de maitres du classique américain sied à merveille aux danseurs bordelais, pleins de grâce et de joie, qui s'emparent de cette explosive chorégraphie avec mordant et lyrisme.

Le mordant obsédant, c'est l'esprit de la deuxième pièce, Woke Up Blind de l'Allemand . On est alors bien loin du lyrisme fluide de Lidberg. Ici, tout n'est que tremblement, palpitations, tapotements, répétitions insistantes du geste, par des danseurs aux prises complètes avec la partition chorégraphique. Comme victimes d'une décharge électrique, les corps remuent tout seul avec frénésie (une constante chez Goecke) mais bien souvent aussi à l'unisson, dans une symbiose temporelle parfaite. C'est tout ce paradoxe bluffant de discerner un corps malade activant des gestes (faussement) incontrôlés, et qui deviennent soudain d'une virtuosité absolue. La répétitivité obsessionnelle du geste créé-t-elle une jouissance ou une certaine douleur chez les sept somptueux danseurs de cette pièce ? On ne peut le savoir. Ils ne nous le montrent pas. Ici la danse fait silence. Mais ils embarquent magnifiquement les spectateurs dans leurs entêtements corporels, qui épousent à la perfection les deux chansons de Jeff Buckley (You and I, The Way Young Lovers Do) choisies par le chorégraphe.

Et l'on n'a plus qu'à repartir vers le feu d'artifice de la soirée, Within the Golden Hour du Britannique , entrée au répertoire de Bordeaux en 2024. Dans cette pièce pour 14 danseurs, tout n'est qu'ordre et beauté, fluidité et vivacité. Les corps habillés de paillettes font la fête, mais de manière académique, sur pointes mais sans la rigueur verticale, façon ballroom, avec une alternance bienvenue de rapidité et de poésie de pas de deux. prouve ainsi que les pointes sont bien dans l'air du temps, prêtes à sortir des tutus et à jouer d'une virtuosité de la joie. Les couples défilent de jardin à cour (dont , récente lauréate du prix Clerc Milon, et Tangui Trévinal). Les filles marchent sur pointes à toute vitesse, les hommes portent les femmes en courant, et tout le monde se croise, se suit, se répond sur les rythmes joyeux de Vivaldi rehaussé d' (jeune compositeur italien décédé en 2020, très prisé des chorégraphes pour sa musicalité facile). La danse file puis se fige, créant, avec l'aide d'un travail sophistiqué de lumières, des formes géométriques parfaites et très photogéniques. Le tout est radieux, joyeux. Within the Golden hour n'a d'autre but que de créer un « feel good ballet » dont on sort lavé des scories de la journée. Oserait-on demander plus ?

Crédits Photographique : © Sigrid Colomyes

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Bordeaux. Grand-Théâtre. 13-X-2025. Pontus Lidberg, The Shimmering Asphalt. Musique : David Lang. Avec : Perle Vilette de Callenstein, Clara. Spitz, Tanguy Trévinal, Amandine. Berthier, Charlotte Meier, Marina Kudryashova, Neven. Ritmanic, Kohaku Journe, Marco. Di Salvo, Diane Le Floc’h, Melissa Patriarche, Hélène Bernadou, Kylian Tilagone, Sachiya Takata, Simon. Asselin.

Marco Goecke : Woke Up Blind. Musique : Jeff Buckley. Avec : Anaëlle Mariat, Vanessa Feuillatte, Riccardo Zuddas, Tangui Trévinal, Simon Asselin, Kylian Tilagone, Guillaume Debut.

Christopher Wheeldon : Within The Golden Hour. Musique : Antonio Vivali et Ezio Bosso. Avec : Marini Da Silva Vianna et Riccardo Zuddas, Anna Guého et Diego Lima, Perle Vilette de Callenstein et Tangui Trévinal, Clara Spitz et Guillaume Debut, Emma Fazzi et Kohaku Journe, Hélène Bernadou et Simon Asselin, Charlotte  Meier et Marco Di Salvo

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