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Lagraulet. Eglise. 18-VII-2009. Felix Mendelssohn (1809-1847) : Quatuor en fa mineur op. 80  ; György Ligeti (1923-2006) : Quatuor n°1  ; Frantz Schubert (1797-1828) : Quatuor La jeune fille et la mort ; Quatuor Voce : Sarah Dayan et Cecile Roubin, violons ; Guillaume Becker, alto ; Julien Decoin, violoncelle

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Les journées de Lagraulet 2009

Le programme de ce concert est tout simplement inouï car il propose trois quatuors parmi les plus sombres en leur proximité avec la mort. Il a été donné dans une église comble devant un public particulièrement attentif et concentré. Les jeunes instrumentistes du ont offert un jeu d'une constante intensité avec un équilibre parfaitement bâti, sans aucun moment de relâchement, chaque détail participant à une construction d'ensemble limpide. Le dernier quatuor de Mendelssohn porte en son cœur le malheur du deuil, la révolte et la peine que rien ne diminue. Profondément frappé par la mort de sa sœur Fanny le compositeur a perdu connaissance lors de l'annonce de cette nouvelle et ce quatuor est la seule composition aboutie qui a suivi ce deuil. Elle démontre la profondeur d'un compositeur trop souvent mal jugé. L'interprétation de ce soir a été en tout point bouleversante. Dans une réalisation techniquement tout à fait aboutie, les musiciens ont osé des nuances vertigineuses pour rendre l'intensité de la douleur contenue dans ces pages. Dès le début orageux en son angoisse le ton est donné. Celui d'une théâtralisation intense. Le son fragile du violon de Cécile Roubin porte la douleur de l'âme que rien n'apaise avec des moments d'une grande intensité. Le dialogue avec les autres instruments est basé sur une écoute d'une infinie délicatesse. Les moindres intentions sont partagées, amplifiées, accompagnées. La violence de la révolte et du chagrin a une force tellurique, les épanchements si douloureux s'envolent hors de portée de l'humaine consolation, aspirant à un impossible repos. Les sonorités sont très complémentaires, chaque instrumentiste gardant une forte personnalité et des couleurs propres mais la mise en commun des énergies lors des moments de communion disent la force de la douleur. Il est question de lutte pour la vie dans ces pages et les musiciens, ce soir, y ont engagé toutes les forces de leur belle jeunesse.

Le Quatuor n°1 de Ligeti, œuvre complexe et riche a bénéficié de la même rigueur interprétative. La nuit est un sous titre au deuxième degré, c'est la nuit de l'esprit et de la bonté qui cèdent le pas à la terreur, à l'implacable ironie qui ne permet pas vraiment de souffler. Certes il est permis de sourire mais en grimaçant devant la peur des horreurs insensées dont l'Homme est capable. Imposant une sorte de voyage au pays de la guerre dont il est impossible de revenir indemne les Voce nous prennent par le bras avec une énergie irrépressible. Aucune respiration ne permet de prendre du recul, il se passe tout le temps quelque chose d'imprévu. La perfection technique est mise au service d'une expressivité digne du non sens de la vie des Hommes. La complicité des quatre instrumentistes est totale, à nouveau les moments de mise en commun d'énergie sur des traits homorythmiques les rend invincibles. Les sourires complices et les intenses mouvements signant comme une incapacité à rester sur une chaise, rendent particulièrement vivante cette partition parcourue par la mort en son indécente obscénité. Le public a reçu cette interprétation si compacte comme un choc salutaire se demandant comment des musiciens si jeunes peuvent comprendre si profondément les méandres sinistres de l'âme humaine.

Après un entracte bienvenu pour reprendre son souffle sur la scène comme dans la salle, le Quatuor La jeune fille et la mort a replongé dans les affres de la finitude à laquelle il est impossible de se résoudre à tout âge. Bien que ce quatuor soit très connu les Voce arrivent à en renouveler l'écoute ! S'appuyant sur une grande rigueur rythmique c'est à nouveau l'opposition entre un premier violon fragile et tendre, comme porteur de la voix de la jeune fille, et les autres instruments qui apportent un dialogue complexe. Les nuances sont fulgurantes et très marquées. De plus cette interprétation évite toute sensiblerie. La tendresse est assumée mais reste pleine d'énergie vitale en refusant la pitié. L'andante comprenant les variations sur le lied qui donne son titre au quatuor est particulièrement réussi avec une finesse de sonorité du premier violon de Sarah Dayan qui a osé la délicatesse jusqu'à la marge de la rupture. L'écoute attentive entre les instrumentistes a permis une réactivité sidérante qui a apporté beaucoup de vie à cette partition, renouvelant son écoute.

L'ovation dont ont bénéficié les musiciens du a été pleine de reconnaissance pour leur don si généreux de toute leur énergie. Tout bis aurait été superflu chacun étant bien conscient, à la fois qu'ils avaient tout donné et que le public avait tout reçu.

Crédit photographique : photo © DR

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