Éditos

Sait-on de quoi on parle ?

 
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Edito

Le titre est provocateur, volontairement, et pourrait retourner illico dans les gencives de celui qui a écrit ces lignes : sait-il lui aussi de quoi il parle ? Si toute opinion peut être discutée à condition d’avoir été au préalable argumentée, une action à l’emporte-pièce ne peut être, elle, que contestée.

Quand l’université de Paris IV – La Sorbonne, sabre en main, dissout son chœur et son orchestre, sait-elle ce qu’elle fait ? Ah pardon non, le conseil de l’UFR de musicologie de Paris IV n’a pas voulu la fin de ses forces musicales. Seul l’agrément est retiré. C’est-à-dire que les étudiants, en musicologie ou non, membre du chœur et de l’orchestre universitaire de Paris-Sorbonne, ne peuvent plus faire valider leurs présences dans le cadre de leurs études. Conclusion : la pratique musicale n’apporte rien. A l’heure de la formation inexistante des jeunes enseignants, de la part congrue des enseignements artistiques au primaire, de la disparition programmée des bac lettres-arts au profit d’un nouveau bac L (le futur bac littéraire «droit et société» est destiné à recaser les profs de sciences économiques et sociales qui ne sont pas encore partis à la retraite puisque leurs horaires de cours en classe de seconde ont été réduites de moitié), autant réduire à néant les quelques propositions de pratique musicale dans le supérieur, hors cursus spécialisé. Quant aux apprentis musicologues, ont-ils besoin de faire de la musique ?

Evidemment cette décision arbitraire est le fruit de tensions internes à la Sorbonne qui nous dépassent. Il fallait succéder à Jacques Grimbert, créateur de l’ensemble et directeur musical pendant plus de 30 ans. L’ouverture à la musique contemporaine entreprise par le nouveau directeur musical est louable, mais pourquoi se limiter à un compositeur ? On parlait ça et là d’une mésentente entre le chef d’orchestre et le chef de chœur. Ce dernier part sur un autre poste. Que la «fusion» ne se fasse pas entre deux personnalités musicales n’est pas dramatique, on a vu des situations bien plus catastrophiques dans des ensembles professionnels. Peut-être qu’une association indépendante cogérée par des enseignants, des musiciens professionnels et des étudiants pouvait faire «tache» dans la respectable Sorbonne…

Quoi qu’il en soit, la fin programmée du chœur et de l’orchestre de Paris-Sorbonne est un coup dur pour la vie culturelle estudiantine. Avec le coup de La Princesse de Clèves, les épreuves de culture générale ont disparu des concours de la fonction publique. Mais cela fait longtemps que le moindre administrateur public, au nom de Chostakovitch, hésite entre un joueur du Spartak de Moscou et un prix Nobel de physique… Exagération ? à peine. Lisez donc chez nos confrères de Slate. fr le texte de Alexandre Lenot, éditeur d’Arte Live Web, sur la musique classique. Une déclaration d’amour à la musique classique qui se transforme en un réquisitoire en règle, tant les idées préconçues qu’il aurait aimé battre en brèche se retournent contre son argumentation. On y apprend que Sibelius est considéré comme un «contemplatif chiant», qu’écouter Stravinsky demande de la patience, que Pierre Boulez «bougonne» ou que Puccini a composé La Cenerentola. Pas un texte d’un blogueur non, celui du responsable du site internet d’une chaine télévisée culturelle… Un peu de musique classique dans son cursus n’aurait pas été un moindre mal. Autant savoir de quoi on parle.

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