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Beethoven chez lui au Festival Berlioz

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La Côte-Saint-André. Eglise Saint-André. Festival Berlioz. 29-30-31-VIII-2014. Ludwig van Beethoven (1770-1827) : Sonates pour piano et violon. Avec : Tedi Papavrami, violon ; François-Frédéric Guy, piano.

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_MG_3941L'on connaît la déplorable attitude française face à ses artistes, martelée à coups de d'ineptes sentences : « Le pré est plus vert ailleurs » « Nul n'est prophète en son pays »…Hector Berlioz est l'exemple qui vient à l'esprit, de cette tendance qui fait aujourd'hui encore ses choux gras. L'on connaît le chemin de croix, dans sa propre patrie, du génial compositeur : ses succès, il les récoltait à l'étranger. C'est l'étranger, en la personne du regretté Colin Davis via ses magnifiques enregistrements Philips des années 70, qui révéla enfin définitivement à nos compatriotes l'impossible vérité : Berlioz est notre Beethoven!

Hector n'a effectivement rien à envier à Ludwig en ce qui concerne la puissance et le don mélodique, par exemple. Il n'y a plus aucune raison que sa musique ne soit pas aussi populaire que celle de celui qu'il vénérait, le qualifiant de « roi des rois ». « Si Beethoven n'avait pas composé la Pastorale, je n'aurais pas composé la Fantastique. » (Combien de mélomanes la 6ème de Beethoven n'a-t'elle pas conduits sur les sentiers merveilleux de la « grande musique »!)

Cette vénération pour Ludwig van, François Frédéric Guy la partage totalement : « Beethoven a produit en moi une sorte de Big-Bang. » Pour lui aussi, comme pour beaucoup de music lovers, Berlioz est « le Beethoven français.» La passion sans faille du pianiste, son enthousiasme vibrant ont convaincu Bruno Messina, Directeur artistique,  depuis 2009, du Festival Berlioz, sis depuis 1994, à La Côte Saint-André, ville natale du compositeur. Le souci de Bruno Messina d'ouvrir le Festival à d'autres compositeurs, d'autres pays, par le biais de salutaires passerelles musicales, ne peut qu'être comblé par la proposition du pianiste français :Berlioz/ Beethoven, même combat !

Lors de l'édition 2013, le festival Berlioz a offert à l'emballement du public l'intégrale des 32 Sonates pour piano dans l'interprétation de . Cette année l'aventure se poursuit : intégrale des sonates piano/violoncelle avec Xavier Philips, puis pour les 3 derniers jours du Festival, intégrale des sonates piano/violon avec .

_MG_3977Pour qui ne connaît pas l'art du violoniste albanais, le découvrir une fin d'après-midi d'été dans la quiétude de l'église Saint-André est un bonheur sans mélange. Découvrir de même celui du pianiste, en est un autre. « La complicité et l'amitié entre les interprètes sont indispensables lorsqu'on aborde la musique de chambre de Beethoven », déclare  . Trois jours durant, piano et violon vont se déployer admirablement dans l'église bondée. Papavrami est la grâce absolue. Très chantant, d'une ineffable douceur, même dans les éclats, sans esbroufe, avec des aigus souverains. L'archet semble constamment frôler la corde, donnant l'impression étrange et envoûtante que le son vient d'ailleurs. C'est un jeu sûr de son art, très concentré, paisible, presque féminin à l'opposé duquel on pourrait s'attendre à un piano plus vigoureux : il n'en est rien. Le Steinway d'une constante sensibilité de François Frédéric Guy, en osmose totale avec son partenaire, n'en impose jamais. Les passages véhéments deviennent presque dansants sous des doigts concernés par la moindre note mais qui n'en rajoutent jamais dans le tourment. lui-même, chevelure léonine à l'appui, a des allures beethovéniennes, mais d'un Beethoven moderne, heureux, loin des affres d'Heiligenstadt, même s'il les retranscrit fidèlement. La concentration est extrême des deux côtés mais la tranquille complicité l'est tout autant. Témoin le salut ému que les deux interprètes s'adressent de profil face à face à la fin de chaque concert.


Dès le 29, avec les 3 Sonates de jeunesse opus 12 on sait que l'on va assister à un rendez-vous d'exception. En témoignent les arpèges à peine effleurées de l'adagio de la Sonate n°3 avec un piano suspendu d'écoute. Le ton change déjà avec la Sonate n°4 en la mineur, donnée d'une traite à l'image de son adorable final ruisselant. Le piano n'est plus seulement simple accompagnateur et va peu à peu faire jeu égal.

Le 30, la célébrissime Sonate n°5 « Le printemps » ouvre le deuxième concert avec une exécution confondante de lyrisme, une fin d'adagio aux confins du silence. L'allegro ultra-beethovénien de la Sonate n°7 parvient à être con brio malgré la bonté contenue du pianiste qui ne cherche jamais la démonstration de force ni le m'as-tu vu de la virtuosité. L'adagio en suspension qui suit, avec son thème étale annonçant l'Empereur à venir, confirme l'affinité des interprètes avec l'ethos beethovénien des mouvements lents.

Le 31 parachève tout aussi exemplairement l'entreprise. Le temps s'arrête pour l'exécution en apesanteur du magnifique mouvement lent de la Sonate n°8. Vélocité, précision, virtuosité caractérisent l'exécution de l'autre tube du corpus, la 9ème Sonate « à Kreutzer ». Avoir choisi de la donner en clôture de la série de concerts est notre seule réserve. Il aurait été plus intéressant selon nous de conserver sa place de benjamine à la Sonate n°10, composée une dizaine d'années plus tard, et miroir de l'âme d'un compositeur qui venait d'écrire le Testament d'Heiligentstadt et qui se trouvait à l'orée de sa dernière période créatrice. Cette ultime sonate, très inspirée, porte tout cela et les 2 artistes en font un sommet de questionnements. L'on est vraiment au cœur de la psyché du compositeur et il aurait été selon nous d'une audace bienvenue de respecter le parcours intime de Beethoven au risque d'oser quitter les lieux avec cet abîme de mélancolie douloureuse. Vétille bien sûr face aux moments si mémorables que François-Frédéric Guy et ont fait vivre aux festivaliers, à deux pas du lit qui vit naître le grand Hector.

Hector et Ludwig : vivement la suite…

Crédits Photographiques: Delphine Warin

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