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Music with no Edges, seconde monographie de Samuel Andreyev

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Samuel Andreyev (né en 1981) : Vérifications pour piccolo, musette clarinette piccolo, Casio SK-1, percussion et violoncelle ; Stopping pour deux vibraphones ; Cinq pièces pour flûte et percussion ; Passages pour clarinette ; Music with no Edges pour clarinette, percussion, alto, violoncelle et contrebasse ; Strasbourg Quartet pour flûte, clarinette, percussion et violoncelle. Ensemble HANATSUmiroir. CD Kairos 0015025KAI ; code barre 9 120040731113 ; enregistré du 28 au 29 février 2016 et de mai à juillet 2018 à Strasbourg, Théâtre de Hautepierre et Downtown Studio. Texte anglais/français/allemand. 60:18

 
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kairos_andreyevAprès Moving, Music with no Edges (Musique sans bords) de nous plonge avec le même saisissement dans l'univers singulier du compositeur canadien établi en France.

Même si l'instrument ne relève pas du timbre rare qu'il recherche habituellement dans sa composition, Andreyev aime le vibraphone, pour sa brillance, ou pas, pour son moteur, ou pas. Saillies ou rondeur du son, plénitude du timbre ou filtrage de ses composantes, musique réverbérée ou attaques sèches, complexité polyrythmique ou simplicité de la trame… Stopping pour deux vibraphones (2006) vit de ces contrastes et de cette variété de la matière, l'œuvre s'élaborant en fonction d'eux. Le compositeur parle d'un « objet cubiste » qu'il ferait apparaître sous toutes ses facettes. Avec d'infimes nuances, dans le vibrato comme dans la réverbération, et une temporalité mouvante, il aiguise notre écoute et la tient en alerte, lançant parfois des signaux, telles ces sonneries que l'on retrouve souvent dans sa musique.

Superbement interprété par Olivier Maurel et , Stopping est emblématique d'une démarche qu'Andreyev qualifie de « phénoménologie du son ». Musique du timbre toujours, entre jubilation et plages intimistes, Passages (2005) pour clarinette, sous le jeu ductile de Thomas Monod, relève d'une sensibilité micro-intervallique très fine : bisbigliando et autres vibratos variant subtilement les couleurs invitent à une écoute aiguë. L'écriture du timbre est à l'œuvre toujours dans les Cinq Pièces pour flûte et percussions où s'entendent les sonneries d'un rituel imaginaire (n°2). La partie de flûte basse très physique – impressionnante Ayako Okubo – modèle le timbre sous l'enveloppe résonnante des métaux (n°4). Harmonica de verre et flûte façonnent un méta-instrument (autre rareté) dans la dernière Pièce, superbe, faisant valoir des fluctuations infra-chromatiques. Vérifications (2012) – les titres chez Andreyev restent à distance – convoque la flûte et la clarinette piccolo, la musette (hautbois piccolo joué par Andreyev lui-même), l'insolite Casio SK-1, le violoncelle et la percussion : un dispositif fort atypique qui donne du grain à moudre au compositeur : pour concevoir une musique de l'inattendu à l'écriture capricieuse – aigreur des timbres et humour mêlées avec le Casio décalé – qui trouve néanmoins sa cohérence et sa dimension organique.

Strasbourg Quartet (2014) pour flûte, clarinette, violoncelle et percussion, est écrit pour l'. C'est la pièce la plus développée (25 minutes) de cet enregistrement, respectant un découpage en quatre mouvements sur le modèle classique du quatuor. Mais là s'arrêtent les références. S'y exerce davantage, et avec une précision d'orfèvre, l'art des alliages et textures sonores sollicitant l'extension des techniques de jeu instrumental et un choix de matières percutées aussi insolite que surprenant : tel ce second mouvement très audacieux où contrastes et ruptures font loi, renvoyant à « la logique du rêve des surréalistes » qu'évoque parfois le compositeur. C'est au montage cinématographique que l'on pense dans le troisième mouvement très court, quand la dernière partie, superbe, fait fluctuer la temporalité dans un espace intérieur presque suffocant. Si la poésie de Gertrude Stein a guidé l'élaboration de Strasbourg Quartet, c'est la peinture de Philip Guston qui inspire Music with no Edges pour clarinette, percussion, alto, violoncelle et contrebasse, la pièce la plus ancienne de cet album (2004), qui lui donne son titre. Andreyev y ménage un espace différent pour chaque mouvement, celui du rêve dans le 1, avec le « con legno tratto » de l'alto (), une des signatures timbrales du compositeur. On y retrouve la verdeur et l'insolence de la clarinette (n°2) ainsi que le vibraphone de prédilection (n°3). Le dernier mouvement, le plus long, est une sorte d'éloge du timbre : contrebasse au grain sombre (Stéphane Clor), timbales somptueuses (Olivier Maurel), clarinette aux stridences « aveuglantes » (Thomas Monod) se meuvent dans un espace jubilatoire où l'énergie du son le dispute à la virtuosité de l'écriture.
Étrange autant que galvanisante, la musique d'Andreyev a trouvé, sous le geste des interprètes strasbourgeois, son éclatante originalité et sa pleine expressivité.

Samuel Andreyev, une expérience du timbre saisissante

 

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