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Le festival de musique de Wissembourg : toujours aussi discret, toujours aussi délectable

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Wissembourg. Salle Le Gymnase
17-X-2020. Franz Schubert (1797-1828) : Mouvement de quatuor en ut mineur D 703. Claude Debussy (1862-1918) : Quatuor à cordes en sol mineur. Ludwig van Beethoven (1770-1827) : Quatuor à cordes n° 3 en ré majeur op. 18/3. Benjamin Britten (1913-1976) : 3 divertimenti pour quatuor à cordes. Quatuor Atenea : Andrea Santiago, Gil Sisquella, Bernat Santacana, Alex Olmedo
18-X-2020. Johannes Brahms (1833-1897) : Scherzo de la sonate FAE. Franz Schubert (1797-1828) : Valse-caprice n° 6 « Soirées de Vienne », retranscrite par Franz Liszt. Robert Schumann (1810-1856) : Sonate pour piano et violon n° 1 en la mineur op. 105. Georg Friedrich Haendel (1685-1759) : Chaconne en sol majeur HWV 435. Leoš Janáček (1854-1928) : Sonate pour violon et piano. Virgil Boutellis-Taft, violon ; Julien Gernay, piano

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Dans les collines paisibles du nord de l'Alsace, la petite ville de Wissembourg offre depuis 15 ans un festival de musique de chambre : quatuors, quintettes, piano seul, duos… Bien connue localement des mélomanes des deux côtés de la frontière qui apprécient le cadre historique charmant, la dimension modeste mais aussi – et surtout – son niveau élevé de qualité, la manifestation fidélise le public et les interprètes.

Festival Wissembourg Atenea

Pour la seizième édition, le festival inaugure un troisième lieu de concert, une salle polyvalente neuve, sobre et abondamment boisée, à la résonance généreuse et équilibrée. Le créateur et directeur du festival, , met un point d'honneur à inviter de jeunes artistes, afin de leur donner l'élan nécessaire pour commencer leur carrière. Les quatuors Atenea et Elmire, , Oxana Shevchenko et Alfredo Ferre viennent ainsi pour la première fois. Tous les autres sont des habitués, comme les quatuors Ebène et Zemlinsky, qui ont laissé des souvenirs inoubliables, et qui reviennent régulièrement. De même, , Albert Cano Smit, Pierre Fouchenneret et d'autres encore, qui entre les répétitions et les concerts, apprécient la campagne magnifique et les bonnes tables alsaciennes.

Le samedi 17 octobre, place au très jeune quatuor espagnol Atenea. Leur talent est perceptible dès les premiers coups d'archet. Très en phase, très à l'écoute les uns des autres, ils traduisent dans le Mouvement de quatuor de Schubert et son désespoir, et sa recherche d'une expressivité nouvelle. Le Quatuor de Debussy est interprété de façon virtuose, dans ses pulsions volontaires comme dans le brillant des pizzicati. L'andantino est joué avec une grande délicatesse. Bien charpenté, le Quatuor n° 3 de Beethoven s'épanouit dans un lyrisme bien maintenu, et les 3 Divertimenti de Britten présentent une harmonie étonnante, jusque dans la brutalité du Burlesque. C'est un grand plaisir de voir d'aussi jeunes gens avec des personnalités d'artistes si bien affirmées, chacun prenant sa juste place dans les architectures toujours délicates des quatuors. Tout au plus peut-on regretter que leur son ne soit pas immédiatement homogène. Un peu astringent et sec au début du concert, il s'assouplit peu à peu. Les harmoniques s'accordent progressivement, et la sonorité commune devient finalement très belle, voire admirable. Elle atteint dans le bis – un choral de Bach – une plénitude d'une chaleur peu commune. Voilà un quatuor déjà épatant, qui présente encore un potentiel formidable et qui va certainement évoluer vers un très haut niveau.

est un pianiste habitué du festival de Wissembourg. Le dimanche soir 18 octobre, il joue principalement en duo, mais s'octroie aussi deux morceaux en solistes. La valse caprice n° 6 de Schubert retranscrite par Liszt lui permet de mettre en place un cantabile léger et perlé, habité d'une grâce rêveuse, qui se développe progressivement dans une digitalité exubérante et jubilatoire. La Chaconne en sol majeur de Haendel est certainement le clou de la soirée : profitant d'un excellent Steinway, reconstruit la chaconne et ses 21 variations en jouant de fusions et de respirations, de sorte à suggérer la forme d'une sonate beethovénienne, avec allegro initial, andante central et presto con fuoco final. La reconstruction proposée de l'ensemble, qui ne touche en rien à l'ordre natif des variations, prend une dimension prodigieuse, confondant dans une même vision le baroque et le romantisme. Cette re-visite intelligente qui transcende les cadres, cette « sonorité Steinway » splendide et cette virtuosité habitée produisent un effet ébouriffant. Haendel n'a pas fini de nous étonner, quand il est servi par un aussi fin musicien.

Festival Wissembourg Gernay Boutellis-Taft
Applaudi sur de nombreuses scènes du monde (Carnegie Hall, Philharmonie de Berlin…), se produit pour la première fois à Wissembourg. Son jeu virtuose et intense frappe par l'authenticité du pathos, discret et douloureux, dont il charge la Sonate pour violon et piano n° 1 de Schumann. Stylée, bien sûr, mais terriblement tendue de l'intérieur, la recherche de la sérénité devient une quête poignante, vouée à l'impossible. Nos deux artistes font culminer la tension dans la Sonate pour violon et piano de Janáček. Après un con moto passionné, la ballata étire des phrases sublimes à faire crouler la nuit, où piano et violon rivalisent de legato et de nuances délicates. L'allegretto reprend une fougue déchirante, ponctuée de rictus terribles du violon (l'archet de en perd la moitié de ses crins…) et se termine dans une sorte de bataille rangée des deux instruments, où les instrumentistes démontrent une complicité paradoxale et impressionnante. La conclusion « piano » du finale, après un dernier accès de violence harmonieuse, laisse le public subjugué et ravi.

On ne peut pas chroniquer les derniers concerts, puisqu'ils ont été emportés dans le maëlstrom du deuxième confinement. Après avoir résisté au premier, puis au couvre-feu, le roseau a dû plier, mais on peut compter sur la détermination d' pour nous proposer en 2021 une 17ᵉ édition aussi variée et raffinée que les précédentes.

Crédits photographiques © -Festival de Wissembourg

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Wissembourg. Salle Le Gymnase
17-X-2020. Franz Schubert (1797-1828) : Mouvement de quatuor en ut mineur D 703. Claude Debussy (1862-1918) : Quatuor à cordes en sol mineur. Ludwig van Beethoven (1770-1827) : Quatuor à cordes n° 3 en ré majeur op. 18/3. Benjamin Britten (1913-1976) : 3 divertimenti pour quatuor à cordes. Quatuor Atenea : Andrea Santiago, Gil Sisquella, Bernat Santacana, Alex Olmedo
18-X-2020. Johannes Brahms (1833-1897) : Scherzo de la sonate FAE. Franz Schubert (1797-1828) : Valse-caprice n° 6 « Soirées de Vienne », retranscrite par Franz Liszt. Robert Schumann (1810-1856) : Sonate pour piano et violon n° 1 en la mineur op. 105. Georg Friedrich Haendel (1685-1759) : Chaconne en sol majeur HWV 435. Leoš Janáček (1854-1928) : Sonate pour violon et piano. Virgil Boutellis-Taft, violon ; Julien Gernay, piano

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