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Festival Chostakovitch de Leipzig : Andris Nelsons et le BSO exemplaires dans les 6e et 15e

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Allemagne. Leipzig. Gewandhaus. 18-V-2025. Dimitri Chostakovitch (1906-1975) : Symphonie n° 6 en si mineur op. 54 ; Symphonie n° 15 en la majeur op. 141. Boston Symphony Orchestra, direction : Andris Nelsons.

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à la tête du met en miroir deux symphonies rarement données sur scène, la Symphonie n° 6 et la Symphonie n° 15, toutes deux portées par une orchestration d'une exceptionnelle densité, belle occasion d'un démonstratif exercice d'orchestre et de direction.

Symphonie n° 6

Quelque peu mal aimée, trouvant difficilement sa place entre les célèbres Symphonies n° 5 et n° 7, la Symphonie n° 6 fut créée en 1939 par Mravinski. L'année précédente Chostakovitch avait annoncé la composition prochaine d'une grande symphonie avec chœur et solistes à la mémoire de Lénine… Quelle ne fut donc pas la surprise du public et des autorités en découvrant cette courte « symphonie sans tête » constituée seulement de trois mouvements : un Largo suivi de deux Scherzos.

Après une entame par les cordes graves élargie au quatuor, le Largo initial est abordé dans un climat mystérieux imprégné d'un intense sentiment d'attente, désolé, annonciateur des grands espaces endeuillés de la Onzième. Ce paysage orchestral épuré, d'une grande transparence, tendu malgré son statisme, laisse la part belle au piccolo, aux guirlandes ouvragées de la flute, à la trompette et à un magnifique dialogue entre cor anglais et le pupitre d'altos, suivi d'une mélodie très lyrique aux cordes et d'une coda pathétique exaltée par le cor, le basson et la clarinette basse avant un retour au silence.

L'Allegro séduit par la virtuosité de son orchestration qui trouve auprès du BSO un parfait serviteur conduit par la direction d'une extrême précision d'. On apprécie la rigueur de la mise en place, la dynamique chargée de nuances, la transparence de la texture et les formidables performances du tonitruant pupitre de cuivres du BSO dans une lecture qui emprunte plus à la joie qu'à la causticité.

Le Presto final confirme l'option interprétative du chef, point d'urgence inquiète mais, à rebours, une interprétation jubilatoire, insouciante et pleine d'allant, presque ludique où la musique circule brillamment de pupitre en pupitre, prenant par instants des accents populaires, circassiens et parodiques qui mettent en avant les cuivres, la flute, le piccolo, le basson, le violon solo et les véhémentes percussions dans une bacchanale puissante et colorée.

Symphonie n° 15

Ultime symphonie du corpus symphonique, la Symphonie n° 15 fut créée en 1972 par le fils du compositeur. Quasiment testamentaire, tour à tour sereine ou gravement méditative, agrémentée de citations parodiques et de thèmes dodécaphoniques, elle se déploie en quatre mouvements dont livre une interprétation par trop analytique sur un tempo exagérément lent, à la limite de la rupture, heureusement sauvée par la formidable plastique de la phalange américaine qui fait feu de tous ses pupitres sous la direction précise de son directeur musical.

Le jeu est certes somptueux, l'approche particulièrement claire et épurée, mais la vision de Nelsons manque un rien d'audace, de fébrilité et de caractère acerbe par rapport à d'autres lectures russes plus engagées. L'Allegretto initial est ouvert par la flûte et un basson goguenard, bientôt relayée par des bribes mélodiques, parodiques (Ouverture de Guillaume Tell de Rossini) aux allures circassiennes et grinçantes qui s'insèrent dans une véritable symphonie de timbres (solo de xylophone, rafales de cordes, appels de trombone, caisse claire et violon solo). L'Adagio sombre et solennel installe un climat pesant, désolé et statique (trop !) sur un tempo exagérément lent d'où s'élève le menaçant thème du sort emprunté à la Tétralogie wagnérienne clamé par les cuivres. Là encore ce mouvement est riche en solos, violoncelle lent et méditatif, violon, trombone déclamatoire et tuba qui laissent place, dans un contraste abrupt, à la plaintive cantilène du célesta et des contrebasses. L'Allegretto sarcastique au phrasé chaotique qui aligne plusieurs séquences dodécaphoniques (clarinette) précède le long Adagio final, lourdement pénalisé par un tempo d'une languide lenteur et une lecture abusivement analytique, où réapparait le thème du sort alternant avec de sourds roulements de timbales qui évoquent la mort de Siegfried. Hautbois et basson exaltent la désolation, associés à des cordes graves obsédantes avant que le phrasé ne se mue en une mélodie souple et chantante qui va se densifier dans un impressionnant crescendo suffocant, répété à plusieurs reprises avant le retour au silence après quelques arabesques du célesta pour conclure une interprétation plus convaincante par la qualité propre du BSO que par l'option interprétative d'Andris Nelsons qui manque un rien de mordant.

Crédits photographiques : © Jens Gerber

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