L’hommage rendu à Olivier Greif au temple du Foyer de l’Âme
Hors des chemins tracés, la musique d'Olivier Greif résonne dans le temple du Foyer de l'Âme à Paris, où l'association Greif emmenée par sa présidente Brigitte François-Sappey honore les 25 ans de la mort du compositeur.
Invitant quatre éminents interprètes, les œuvres au programme se situent de part et d'autre de cette période de plus de dix ans (1980-93) durant laquelle Olivier Greif suspend son activité de compositeur et de concertiste déjà bien engagée. Épris de spiritualité, hanté par la guerre et par la mort, Olivier Greif écrit une musique de l'émotion, voire de l'incantation, en marge de la vie musicale française et au-delà de toute référence stylistique, dans la pluralité d'un matériau puisé aux sources savante autant que populaire.
Deux sarabandes et un prélude extraits des Six suites pour violoncelle de Johann Sebastian Bach s'entendent en ouverture, sous l'archet racé de François Salque. Le pianiste Jonathan Benichou (qui vient de graver trois sonates d'Olivier Greif sous le label Arion) joue ensuite Wagon plombé pour Auschwitz (l'ombre de la Shoah plane sur toute son œuvre), le deuxième mouvement très court de la Sonate n°20, Le rêve du monde (1993) où Greif fait entendre un chant synagogal. Le registre est sombre et la musique hérissée d'accents dont le pianiste entretient la tension et fait vivre les silences qui hachurent le discours. Suite Paradisiac Memories de 1970 appartient aux années de jeunesse new-yorkaises où Greif suit les cours de Berio à la Juilliard School. Nourrie de thèmes populaires répétés à l'envi, la musique évolue au gré d'un imaginaire foisonnant, variant les ambiances et accueillant les standards de jazz, autant de pages enlevées que Jonathan Benichou, en fin connaisseur de la musique greifienne, gorge de vitalité.
Entre sidération et obsession
The Battle of Agincourt est une sonate en quatre mouvements pour deux violoncelles (1996), conviant sur scène François Salque et Aurélien Pascal. La pièce tire son titre du chant profane de 1415, The Agincourt's tune, qui irrigue l'écriture de cette ample composition dont les deux musiciens jouent ce soir les premier et quatrième mouvements. Âpre et sombre dans le Molto lento, quasi cadenza, le discours laisse filtrer quelques raies de lumière – les glissandi d'harmoniques de François Salque – et de belles envolées lyriques dans le registre clair des violoncelles. Le dernier mouvement qui déroule ses variations sur le « timbre » d'origine est le lieu d'une superbe joute sonore portée par l'énergie du geste et l'envergure sonore de nos deux interprètes inspirés.

Ardente greifienne, la pianiste Aline Piboule referme ce concert hommage avec la Sonate n°21 op. 303 Codex Domini qu'elle a gravée en 2024 sous le label Artalinna et dont elle donne une interprétation flamboyante. La pièce se veut autobiographique, « codée jusque dans ses infimes détails », prévient le compositeur qui multiplie les emprunts (chanson, thème rock, choral etc.). Obsédante et lancinante, trouée de silence, la musique ondoie dans un premier mouvement traversé par la chanson Domino. Le deuxième mouvement – un pas de côté à la Berio – ne dure que 35 secondes (!) tandis que le troisième cite un choral avec quelques licences et autres sonorités hexogènes. Le thème « rock » engage tout le corps et la puissance du jeu de la pianiste faisant sonner son instrument au maximum de ses capacités.
Un bis à fleur d'émotion réunit les quatre musiciens autour d'un arrangement à deux voix du Yigdal, hymne yiddish chanté en relais par les violoncelles et les pianos, qui termine la soirée, comme elle avait débuté, sous le signe de la spiritualité.









