Enfin une nouvelle version discographique de Tosca
À la tête d'une distribution de haut vol, Daniel Harding propose une lecture à la fois symphoniste et théâtrale du chef d'œuvre de Puccini. Une (re)découverte qui devrait ravir tous les amateurs d'art lyrique.
On n'y croyait plus ! Il se disait dans le milieu lyrique qu'on n'enregistrait plus pour le CD les grands opéras du répertoire. Que cela soit exact ou non, on se félicite qu'on ait fait une exception pour cette exceptionnelle version de Tosca, issue d'un concert donné en octobre 2024 l'année du centenaire de la mort de Puccini dans le cadre de l'Académie nationale de Sainte Cécile de Rome. Pour le choix du lieu, au sujet d'un opéra se déroulant in extenso dans la ville éternelle, on ne pouvait pas faire mieux. Il s'agissait également pour l'occasion de marquer les débuts de Daniel Harding comme directeur de cette noble institution musicale, mais également ceux d'Eleonara Buratto pour sa première Tosca en Italie et ceux de Jonathan Tetelman pour sa première apparition avec la phalange romaine.
C'est peu de dire que le succès est au rendez-vous. L'auditeur est dès les premières mesures embarqué par la pertinence et la théâtralité de la direction d'orchestre, qui réinvente à chaque moment le discours musical sans jamais lâcher la tension. Tour à tour lyrique et dramatique, cette lecture résolument moderniste de la partition de Puccini, loin de rechercher l'effet facile, parvient à donner des accents presque mahlériens à une orchestration dont on redécouvre une à une les mille subtilités. Autant pour la puissance du Te Deum de l'acte I que pour les extrêmes raffinements de la prière, coulée dans le flux orchestral digne d'un discours wagnérien, on prise cette direction que l'on espère suivie de nouvelles révélations pucciniennes pour les années à venir.
Autre motif de satisfaction, la qualité de la distribution y compris celle des petits rôles, à commencer par l'Angelotti digne et noble de Giorgi Manoshvili, ou le sacristain pour une fois bien chantant de Davide Giangregorio. Belles prestations également, en Spoletta et Sciarrone, de Matteo Macchioni et Nicolò Ceriani. On se réjouit d'avoir enfin au disque le Scarpia de Ludovic Tézier, vraiment remarquable par la manière dont il combine le caractère aristocratique du personnage avec le sadisme également inhérent au rôle. Vocalement, le baryton français se hisse au sommet d'une discographie qui a vu paraître les plus grands interprètes de l'histoire du chant. Jonathan Tetelman n'aura lui non plus aucun problème à se mesurer à tous ses illustres devanciers. Jeune et ardent, son Cavaradossi sait se montrer aussi lyrique qu'héroïque, et chacune de ses interventions est un moment de pur bonheur. Reste le cas Eleonora Buratto, Tosca de grande école visiblement rompue à l'école belcantiste. Son chant soigné est un modèle du genre, et l'on ne peut qu'admirer l'art avec lequel elle sait darder des aigus nets et justes, attaqués au milieu de la note, tout en se montrant parfaitement convaincante théâtralement. Petit bémol, on aura entendu des Tosca au timbre naturellement plus soyeux et plus velouté, et le vibrato quelque peu excessif qui accompagne cette ligne de chant tranche de façon un peu excessive avec le métal franc et juvénile de son principal partenaire.
Quoiqu'il en soit, il s'agit d'un retour aux intégrales d'antan dont on ne peut que se réjouir. Même le style de la pochette, avec sa photo du Château Saint-Ange légèrement sépia, semble destiné à rappeler les couvertures des disques DGG d'autrefois.









