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La Ménagerie de verre : quelque chose de Tennessee et de John

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La Ménagerie de verre. D’après la pièce de Tennesse Williams. Chorégraphie, décors, lumières et costumes : John Neumeier. Musique : Charles Ives, Philip Glass, Ned Rorem. Avec : Alina Cojocaru, Laura Rose Wingfield ; Alessandro Frola, Tom Wingfield ; Patricia Friza, Amanda Wingfield ; Edvin Revazov, Tennessee ; Christopher Evans, Jim O’Connor ; David Rodriguez, La Licorne ; Marc Jubete, Malvolio ; Stacey Denham, La Nurse des enfants ; Andry Urban, Tom Wingfield enfant ; Lisa Schneider, Laura Rose Wingfield enfant ; Priscilla Gelderman, Betty ; Hamburg Ballet John Neumeier. Hamburg Symphony Orchestra, direction : Luciano Martino. Réalisation : Myriam Hoyer. Bonus : John Neumeier-A Life for Dance, un documentaire d’Andreas Morell. 2 DVD C major. Notice de présentation en anglais et allemand. 32 pages. Sous-titres anglais, allemands, japonais, coréens. Durée : 130:52 (ballet) + 61:39 (bonus)

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La Ménagerie de verre, premier succès théâtral, en 1944, de l'auteur d'Un tramway nommé Désir, est devenu en 2019 un ballet qui a beaucoup inspiré .

Heureusement que l'opéra est un art total. Le monde lyrique et le monde de la danse étant souvent deux univers parallèles, c'est par la chorégraphie qu'il conçut pour la mise en scène « scandaleuse » de Tannhäuser à Bayreuth par , que le nom de s'est invité dans la tête des lyricomanes de la planète. On était en 1972. Un an après, le chorégraphe américain, qui, en 1963, avait suivi John Cranko à Stuttgart, devenait le directeur du . Un poste qu'il quittera cinquante années plus tard, sans toutefois renoncer à superviser les reprises de ses propres créations, comme cette Ménagerie de verre filmée en 2024 au Staatsoper.

En 1983, avait déjà montré ses affinités williamsiennes avec Un Tramway nommé Désir. La Ménagerie de verre, qui, dit-il, le hante depuis ses 17 ans, lui offre l'opportunité de pénétrer à nouveau dans l'univers spécifique mais si universel d'un auteur qui, tout en semblant se confier jusqu'à l'impudeur, exige aussi une patiente aptitude à la lecture entre les lignes. La Ménagerie de verre est de cette eau, qui confronte les imaginaires d'une relation triangulaire. Amanda, une mère abandonnée par son époux et à ses fantasmes ; Laura, sa fille à marier malgré son handicap, pour l'heure fascinée par l'échappée belle que semble lui promettre le fleuron de sa collection, une licorne de cristal ; Tom, le fils de la maison dont les tempéraments artistique et sensuel cherchent à éclore entre les cloisons d'un appartement s'ouvrant périodiquement sur la quotidienneté extérieure : lieu de travail, cinéma, dancing, bar. John Neumeier invite un quatrième personnage, Tennessee Williams soi-même, en témoin privilégié d'une histoire née de sa jeunesse. Tennessee devient même ici le personnage principal de sa propre vie, sorte de Doppelgänger convié à ressusciter ses souvenirs d'un monde qu'il a fini par abandonner pour faire advenir l'artiste qu'il est devenu. Succession, sur trois temporalités, de tableaux marquants toujours lisibles, la narration enchaîne les crève-cœurs.

Contrairement à beaucoup de spectacles de ballet, La Ménagerie de verre de John Neumeier ne se contente pas d'un plateau nu et nombre d'éléments de décors servent d'écrins à de merveilleux danseurs : Alessandro Frola et Edvin Revazov, Tom quasi jumeaux ; Patricia Friza, envahissante Amanda ; David Rodriguez, marmoréenne Licorne-objet ; Christopher Evans, papillon inconstant autant qu'inconscient entre la sœur et le frère (magistrale scène de séduction à sens unique autour d'un ballon et d'un carton à dessin) ; Stacey Denham, nurse gorgée d'empathie ; et bien sûr la trentaine d'artistes du . Incarné au théâtre (Romane Bohringer) ou au cinéma (Joanne Woodward) par des comédiennes à l'empathie vibrante, le rôle de Laura Rose, encore plus risqué à danser qu'à seulement jouer, échoit à : un pied droit parfois corseté dans une chaussure spécifique ne contraint en rien une incarnation dansée au plus près de l'émotion comme au plus loin de la mièvrerie, le visage de la danseuse restant d'une justesse constante dans les nombreux gros plans.

De Mahler (dont il a chorégraphié huit symphonies sur dix !) à Mendelssohn, les bandes-son de Neumeier ne sont jamais du tout-venant de la production musicale. Hormis quelques pièces emblématiques d'une époque crachotées par le pavillon d'un phonographe, il s'est entouré cette fois, pour conter cette histoire américaine, de trois compositeurs américains. ouvre et referme le spectacle avec l'énigmatique The Unanswered Question dont l'intitulé même caractérise à lui seul l'art du non-dit de Williams. habille la fin qui recentre le focus sur la tentative avortée de la mère pour marier la fille. Entre les deux, et bien sûr en as de la mélancolie des regrets qui habite les personnages, apporte comme on n'en doutait pas, les plus étouffantes bouffées émotionnelles qui soient, comme dans la très belle scène 9 au cinéma, lorsque l'homme de ses rêves surgit derrière Laura au moment même où le Something she has to do de The Hours (la partition oscarisée de Glass) surgit dans la fosse où officie l'Orchestre Symphonique de Hambourg sous la baguette très concernée de . Cette atmosphère musicale idoine renforce encore, comme on peut aussi le vérifier avec le passionnant documentaire joint au DVD (John Neumeier-Une vie pour la danse), la certitude que Neumeier, a vraiment lui aussi, comme chante le poète : « quelque chose de Tennessee ».

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La Ménagerie de verre. D’après la pièce de Tennesse Williams. Chorégraphie, décors, lumières et costumes : John Neumeier. Musique : Charles Ives, Philip Glass, Ned Rorem. Avec : Alina Cojocaru, Laura Rose Wingfield ; Alessandro Frola, Tom Wingfield ; Patricia Friza, Amanda Wingfield ; Edvin Revazov, Tennessee ; Christopher Evans, Jim O’Connor ; David Rodriguez, La Licorne ; Marc Jubete, Malvolio ; Stacey Denham, La Nurse des enfants ; Andry Urban, Tom Wingfield enfant ; Lisa Schneider, Laura Rose Wingfield enfant ; Priscilla Gelderman, Betty ; Hamburg Ballet John Neumeier. Hamburg Symphony Orchestra, direction : Luciano Martino. Réalisation : Myriam Hoyer. Bonus : John Neumeier-A Life for Dance, un documentaire d’Andreas Morell. 2 DVD C major. Notice de présentation en anglais et allemand. 32 pages. Sous-titres anglais, allemands, japonais, coréens. Durée : 130:52 (ballet) + 61:39 (bonus)

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