ICA Classics propose un judicieux couplage autour de Jascha Horenstein réunissant deux enregistrements bien connus, la Symphonie n° 5 de Carl Nielsen et la Symphonie n°1 de Dimitri Chostakovitch.

Pour ce qui est de la remarquable vision du chef dans la Symphonie n° 5 de Nielsen, nous reportons le lecteur à la chronique du double CD BBC Legends et surtout à la consécration internationale de l'œuvre en 1927 : rappelons que Jascha Horenstein dirige la Symphonie n° 5 pour la première fois en 1927 et en présence du compositeur, assurant les répétitions pour l'interprétation finale au Festival de la SIMC de Francfort sous la direction de Wilhelm Furtwängler dont Horenstein était l'assistant.

L'interprétation sous rubrique, captée en studio par la BBC le 26 février 1971, nous apparaît aujourd'hui encore plus fougueuse et vibrante que celle enregistrée pour Unicorn en mai 1969. Le New Philharmonia Orchestra de Londres y déploie des couleurs éclatantes, et la prise de son studio stéréophonique est d'une clarté et d'une lisibilité remarquables. Pour cette symphonie, il semble qu'Horenstein soit toujours resté fidèle à la version originale qu'il privilégie à l'édition de 1950 préparée par Erik Tuxen (1902-1957) et Emil Telmányi (1892-1988) pour la Skandinavisk Musikförlag à Copenhague, présentant des modifications substantielles de la dynamique et de l'instrumentation.

Dimitri Chostakovitch n'avait que dix-neuf ans lorsqu'il acheva sa Symphonie n° 1 en fa mineur, op. 10 (1925). Inutile de lui prêter une maturité ou une cohérence que l'on ne peut raisonnablement attendre à un âge aussi jeune – et tant mieux, car c'est précisément cette tension entre fougue juvénile et incertitude artistique qui rend l'œuvre si fascinante. Elle reflète avec intensité les élans, les hésitations et les conflits intérieurs d'un créateur en pleine gestation, tourmenté par le doute au point d'avoir à ce moment détruit l'essentiel de ses premières partitions.

Dirigée le 12 mai 1926 en création à Léningrad par Nicolaï Malko, cette symphonie propulsa Chostakovitch sur le devant de la scène musicale. Peu après, Arturo Toscanini, Leopold Stokowski et Bruno Walter introduisaient la pièce auprès du public occidental. On a souvent souligné l'écriture très libre, quasi cinématographique, de cette œuvre résolument non conventionnelle – un aspect qui, s'il a contribué à sa fraîcheur à l'époque, ne saurait résumer son essence.

Ce qui frappe surtout aujourd'hui, c'est l'intensité émotionnelle de cette musique, son urgence, son énergie brute : celle d'un jeune homme en quête de lui-même, cherchant sa voie mais déterminé à faire entendre sa voix. Dans ce contexte, l'interprétation de Jascha Horenstein (précédemment éditée par la série BBC Radio Classics de Carlton Classics en 1996 et les Legendary Treasures de DOREMI en 2011) se distingue par son autorité, sa clarté expressive et sa vigueur, restituant toute la tension dramatique et la force persuasive de cette partition saisissante.

Le CD s'achève en une courte conversation entre Deryck Cooke (1919-1976) – musicologue et musicien britannique célèbre pour avoir entrepris dès les années 60 l'achèvement de la Symphonie n° 10 de Mahler – et Jascha Horenstein dont la prononciation anglaise teintée d'un léger accent russe est extrêmement compréhensible !