Version(s) : Portrait sensible par Dorothée Munyaneza
Victimes d'une agression raciste lors de la création du spectacle Version(s) à la Villa Gillet à Lyon, Dorothée Munyaneza et Ben LaMar Gay ont courageusement tenu à maintenir leurs engagements à Chaillot pour le Festival d'automne.
Nous avions bien remarqué que les boxeurs étaient aussi souples que les danseurs : rebond, sautillement, jambes fléchies et bras en garde, Christian Nka, boxeur marseillais, est le bel objet de ce portrait sensible, intitulé Version(s). Bermudas scintillant, barbe fournie, il occupe l'arène comme un gladiateur futuriste. Furtif et massif à la fois, il dialogue avec le musicien Ben LaMar Gay, compositeur et expérimentateur sonore, qui, dans un coin du plateau, frotte des tambours et fait sonner sa trompette. Entre free jazz et musique gwana, les influences de ce multi instrumentiste sont nombreuses. Il accompagne musicalement les mouvements du boxeur, dont la musculature vibrante et sombre luit sous les lumières dorées des projecteurs.
Le témoignage enregistré de Christian Nka est diffusé par séquences, voix off et sans filtre. Il raconte son père et le racisme ordinaire. Parfois difficile à comprendre, ce témoignage aurait mérité d'être retravaillé sur le plan narratif, comme le fait Jérôme Bel dans ses portraits, ou a minima, d'être surtitré. On se laisse bercer par la voix sincère et généreuse de Christian Nka, à défaut de bien comprendre sa prise de parole. Assez courte, la pièce manque aussi d'une conclusion convaincante.
Ce soir-là, première représentation d'après l'agression, Dorothée Munyaneza a choisi de remonter sur scène après les saluts pour lire un long texte, discours où elle appelle au sursaut et à l'humanité, à l'unité des artistes aussi. Elle dit que le soir de l'agression elle a appelé à l'aide à s'en déchirer les cordes vocales – mais que personne n'est venu l'aider.









