Une bouleversante Pepita Jimenez inaugure la saison au Teatro de la Zarzuela de Madrid
La très attendue Pepita Jimenez d'Isaac Albeniz retrouve, après plusieurs années d'absence, le Teatro de la Zarzuela avec cette nouvelle production portée par l'éblouissante prestation de la soprano Maite Alberola, dans une mise en scène de Giancarlo Del Monaco, sous la direction musicale de Guillermo Garcia Calvo.

Mal aimée par son compositeur, Isaac Albéniz, qui la considérait comme une œuvre secondaire lui préférant des compositions plus académiques, et posant le difficile problème de sa typologie (zarzuela ou opéra) du fait de l'absence de dialogues parlés, Pepita Jimenez, créée pour la première fois à Madrid en 1964, connut une genèse compliquée, plusieurs fois révisée, notamment par Pablo Sorozabal qui en fixa la forme définitive donnée ce soir.
Cette nouvelle production mise en scène par Giancarlo Del Monaco retrace l'histoire passionnée des amours interdites, tumultueuses et contrariées entre une jeune veuve (Pepita) et un séminariste sur le point d'être ordonné (Luis de Vargas), illustrant le douloureux combat entre désir et devoir, passion et tentation, foi et résignation. Giancarlo Del Monaco choisit délibérément son camp, au risque d'en froisser certains, en optant ostensiblement pour l'opéra, centrant son propos sur les conflits psychologiques et reléguant toute scénographie réaliste, châles de Manille, majos et autres chulapas aux oubliettes de la Zarzuela traditionnelle…

Alliant drame, sensualité et passion, cette Pepita Jimenez convainc de bout en bout par son usage d'une dramaturgie resserrée, d'une direction d'acteurs taillée au cordeau, d'une distribution vocale de haut vol (parmi les trois qui se succèdent) et d'une direction musicale flamboyante qui trouveront leur climax dans le mémorable face à face final de l'acte III précédant le « liebestod » de Pepita.
La scénographie épurée et grandiose, due à Daniel Bianco, est constituée d'un monumental échafaudage métallique installé sur une tournette où évoluent les chanteurs, renforçant ainsi l'impression d'enfermement psychologique sans issue dans lequel se trouvent les protagonistes, agrémenté de façon minimaliste d'un bougainvillier au I et d'un lit au III.

Homogène, la distribution vocale est dominée par l'incandescente incarnation scénique et vocale de Maite Alberola (Pepita) dont on admire tout à la fois, l'intensité du jeu théâtral, la puissance, la projection, le timbre charnu et l'homogénéité dans toute l'étendue du registre, depuis des aigus ardents jusqu'à des graves bien timbrés. Face à elle, Leonardo Caimi (Luis) assure avec courage la ligne vocale exigeante, réécrite par Sorozábal, lui confèrant tout le dramatisme nécessaire, pour conclure le final de son air du troisième acte, « Aquí la conocí », avec une émotion, un legato et des aigus filés à vous tirer les larmes. Le reste de la distribution ne souffre aucun reproche : Ana Ibara est une Antonoma bien chantante à l'impeccable diction ; Ruben Amoretti, un vicaire à l'imposante stature vocale, à l'instar de Rodrigo Esteves (Pedro de Vargas) et de Pablo Lopez (Conde de Genazahar). Le chœur du Teatro de la Zarzuela préparé par Antonio Fauro complète avec brio cette admirable distribution.
Dans la fosse, Guillermo Garcia Calvo rend parfaitement compte de la beauté de la musique d'Albéniz face à un orchestre de la Communauté de Madrid qui flamboie de tous ses pupitres, dans un équilibre souverain avec le plateau, en parfait accord avec la dramaturgie. En bref, une « maravillosa Pepita » qui assure une bien belle ouverture de saison!
Crédits photographiques : © Gemma Escribano / Teatro de la Zarzuela
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