Portrait Jack Quartet #2 : dystopie avec Natacha Diels
Entre vision et dérision, hyperréalisme et trajectoire du rêve, Beautiful Trouble de Natacha Diels nous révèle l'univers singulier de la compositrice new-yorkaise à travers l'action sonore et visuelle des musiciens du Jack Quartet pour qui l'œuvre a été conçue.

L'ouverture d'esprit et la curiosité habitent le Jack Quartet : « Si un compositeur envisage que nous fassions quelque chose d'inhabituel, nous sommes partants », prévient John Pickford Richards qui, dans Beautiful Trouble, donné sur la scène du Théâtre Silvia Monfort, délaisse parfois son alto au profit de l'accordéon !
Leur tenue, imaginée par Maile Okamura, n'est d'ailleurs pas celle du concert : baskets blanches, tee-shirts et salopettes noires avec bretelles de couleurs différentes pour chacun d'eux. Ils frappent des pieds et claquent des doigts et de la langue, avec des gestes mécaniques de marionnettes, dans un long premier « acte » parlé et chorégraphié ; ils soufflent dans des flûtes à bec gigantesques en PVC dans le II, fredonnent une chanson folk, accompagnés au banjo par leur partenaire violoncelliste (acte III), ou participent à un jeu de société où il est question de spores de champignons nourris d'étoiles tombées du ciel… Les instruments du quatuor sont amplifiés, traités le plus souvent comme un méga-instrument à seize cordes, générateur de sons glissés ou bruités, les musiciens donnant de la voix autant que de l'archet. Ils ont aussi à portée de mains des petites percussions (carillon, sonnailles, harmonicas, etc.) ainsi qu'une grosse caisse que l'on entend parfois bourdonner.
Hyperactifs sur le devant de la scène, ils apparaissent également dans la vidéo que réalise elle-même Natacha Diels, espace de verdure à la lisière de la forêt, feu de camp au crépuscule, cadre naturel associé à des images générées par l'IA où l'étrangeté le dispute à l'humour. La partie électronique finement intégrée s'immisce continuellement dans le jeu scénique, relayant les musiciens dans l'Interlude de l'acte IV, notamment, où le violoniste Christopher Otto s'adresse au public en français. Tenu par la performance hors norme des quatre musiciens tout terrain, qui stimule l'œil autant que l'oreille, Beautiful Trouble, entre non-sens et poésie, laisse de l'espace à l'imaginaire de chacun pour appréhender ses cinq épisodes, reflet de la condition humaine et expérience chaotique de la vie, selon Natacha Diels.








