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Pontus Lidberg au Ballet de Nice, un an après

En quête de savoirs, de rencontres et de découvertes, , qui dirige depuis le 1er décembre 2024 le Ballet de l'Opéra de Nice Côte d'Azur, a grandi à Stockholm mais a très vite voyagé partout dans le monde. Un profil très international voulu par la compagnie.

Formé à l'Ecole du Ballet Royal suédois, mais aussi au Conservatoire National Supérieur de Musique et de danse de Paris (cursus contemporain), a dansé pour les ballets de Norvège, de Suède, de Genève, de Göteborg… Il a très vite aussi chorégraphié pour toutes les grandes compagnies mondiales, filmé et même entamé des études de médecine. Ouvert à d'innombrables disciplines, l'artiste suédois sait aussi étonnamment jongler dans un très savant équilibre entre le ballet très classique (remontant même une Raymonda juste actualisée, mais très académique pour le Ballet Royal de Suède) et la création très contemporaine qu'il menait avec la Danish Dance Theatre qu'il a dirigé avant d'arriver à Nice. Sur quels versants veut-il engager le Ballet de l'Opéra Nice Côte d'Azur (un changement de nom après s'être appelé « Ballet Nice Méditerranée ») après 16 années classiques sous la direction d'Eric Vu-An ? Nous l'avons rencontré à Nice.

ResMusica : Vous êtes arrivé à la tête du Ballet de l'Opéra de Nice il y a tout juste un an. Lorsque vous êtes venu regarder la classe pour la première fois, qu'avez-vous vu ?

: J'ai vu une compagnie « sans direction » depuis six mois. C'est-à-dire depuis le décès d'Eric Vu-An en juin 2024. J'ai vu une troupe qui se posait beaucoup de question, et finalement, pour moi, c'était plutôt mieux comme cela. Il faut avouer qu'il est beaucoup plus aisé d'arriver dans une compagnie où le poste de directeur est vacant depuis longtemps. Je ne me serai jamais imaginé succéder à Jiri Kylian à la tête du Nederland Dans Theater par exemple. C'eût été un challenge trop dur…

RM : Jusqu'alors, le Ballet de Nice n'était pas une compagnie de chorégraphe, mais une troupe au répertoire très multiple. Comptez-vous puiser dans ce vivier que possède la troupe ?

PL : Non, pas tout de suite, en tout cas. Je voudrais créer une esthétique nouvelle. Pour moi, Eric Vu-An proposait des versions de ballets classiques, et de très nombreux chorégraphes, mais il faut aussi évoluer, donner une autre patte. Eric Vu-An n'avait pas un univers personnel mais un passé, une histoire chorégraphique.

RM : Votre arrivée, avec une image de chorégraphe très contemporain, a pu faire peur auprès de danseurs majoritairement classiques. Combien sont partis ?

PL : Il y a eu sept départs sur vingt-six danseurs. Certains sont partis à la retraite, d'autres sur blessures. Finalement, ce n'est pas si énorme…

RM : Vous avez donc dû recruter. Sur quels critères avez-vous choisi vos nouveaux danseurs ?

PL : Je les ai voulu avec une très forte base classique, justement, mais avec une grande polyvalence de styles.. Les filles devaient avoir un très solide niveau sur pointes. Nous avons reçu 1467 candidatures pour 7 postes ! C'est énorme, et cela montre bien à quel point ces postes sont prisés. Grâce aux vidéos, j'ai pu présélectionner 80 candidats. Nous avons  constitué un jury avec plusieurs personnalités dont le directeur général de l'Opéra, des délégués de la compagnie, la maîtresse de ballet… Il y a eu un classement, et sont ressortis sept artistes dont trois viennent d'Espagne, et les autres de Cuba, des Philippines, des Pays-Bas, des Etats-Unis..

RM : À les voir dans votre premier spectacle de saison, De loin en loin donné en octobre, on s'aperçoit que les physiques sont très divers, en terme de taille, de silhouette, de look…

PL : Oui, et c'est assez logique car je n'ai que 26 danseurs. Ce sont de petits effectifs. Or j'ai besoin de grandes personnalités. Je voulais aussi pouvoir montrer que même dans le ballet classique, on peut avoir des corps différents, mais avec toujours de belles lignes. Ils sont étrangers, mais l'idée c'est aussi de développer des liens solides avec le Pôle supérieur de formation de Cannes (NDLR : école crée par ) .

RM : Vous êtes suédois, formé à l'Ecole du Ballet Royal de Suède de Stockholm, mais vous avez aussi passé une année de formation au Junior Ballet du Conservatoire National Supérieur de Musique et de danse de Paris. Pourquoi aviez -vous fait ce choix de venir à Paris ?

PL : Parce que je voulais absolument découvrir le monde, et que Paris me semblait être une étape importante. En fait, j'étais déjà formé. J'avais beaucoup dansé depuis un an, mais je voulais tester une formation plus contemporaine. Le CNSMDP a été une étape précieuse pour moi, avant d'aller au Ballet du Grand Théâtre de Genève et de passer trois années à New York.

RM : Vous avez beaucoup de projets à l'étranger. Pourrez-vous continuer à les assumer en dirigeant le Ballet de l'Opéra de Nice ?

PL : Le choix de l'Opéra de Nice s'est porté sur quelqu'un ayant un profil très international. Il a donc été acté qu'il était important que je continue à avoir ces activités là, qui auront aussi, je n'en doute pas, un effet bénéfiques pour la compagnie, en terme de tournées internationales à venir. Pour l'heure, je finis un scénario pour un film autour des années Sida, ainsi qu'un projet à l'Université de Harvard de partage de recherches avec le monde médical.

RM : Cette première saison est la vôtre. Quels ont été vos priorités ?

PL : Je voulais proposer pour Noël un Casse-Noisette, et ce sera la version de Benjamin Millepied qu'il avait conçue pour le Ballet de Genève en 2005. C ‘est une version très amusante, charmante, un peu iconoclaste avec ces décors de Paul Cox. Il va la remanier pour nous et nous pourrons la montrer en janvier à La Seine Musicale, à Boulogne-Billancourt. Au mois de mars, notre troisième programme sera consacré à une œuvre d'Ulysses Dove, Dancing of the front porch of heaven, crée en Suède et qui me touche particulièrement, et je donnerai Petrichor que j'avais créé pour le Miami City Ballet. Cela permet d'avoir une idée de l'esthétique que je propose à la troupe.

RM : A moyen terme, quelle serait pour vous la programmation idéale pour cette compagnie ?

PL : J'aimerais que l'on puisse tout autant danser du Pina Bausch que du Forsythe, et tout autant Raymonda que Giselle dans leurs versions classiques. Je crois beaucoup à l'éclectisme, aux pluralités des formes, et encore une fois, à la force indéniable de la technique classique.

RM : Vos parents sont tous les deux psychiatres et psychologues. Vous avez fait des études de médecine, et sans doute même une analyse. Est-ce que cet atavisme détint sur votre manière de diriger des artistes ?

PL : (rires) J'ose espérer que oui ! Je crois que je vois des choses que je ne verrai pas si j'étais seulement danseur…

Crédits photographiques : © Luca Lanelli

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