Les Arts Florissants et l’Ensemble Correspondances à Ambronay
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Ambronay. Abbatiale. Festival du 15-IX-2017 au 8-X-2017.
30-IX-2017 : Polyphonies spatialisées. Francesco Cavalli (1602-1676) : Magnificat. Francesco Beretta (1640-1694) : Messe à quatre chœurs. Marc-Antoine Charpentier (1643-1704) : Messe à quatre chœurs. Ensemble Correspondances, direction : Sébastien Daucé.
1-X-2017 : Venezia, Madrigaux de Monteverdi. Claudio Monteverdi (1567-1643) : Madrigaux du livre VII et du livre VIII. Les Arts Florissants, direction : Paul Agnew.
Des Arts Florissants à Correspondances, de Monteverdi à Charpentier, la musique est belle et bonne au Festival d'Ambronay. Les programmes proposés sont riches de découvertes, tant au niveau des œuvres que des artistes au sein desquels la jeunesse se fait sa place avec talent.
La polychoralité, cette mise en espace de la musique, remonte au XVIe siècle. Nommé en 1527, à 47 ans, maître de chapelle de Saint-Marc de Venise, Adriaan Willaert a développé cette technique. De l'Italie, avec les Gabrieli, Monteverdi et autres Striggio, ce foisonnement musical a débordé en Espagne, avec Cererols, à Salzbourg avec Biber mais, en France, peu de compositeurs se sont lancés dans cette aventure. Une belle exception, Marc-Antoine Charpentier. On sait qu'il a fait un séjour à Rome dans les années 1660. Est-ce là-bas qu'il a pris goût à ce type de musique ? En tout cas le résultat est là : sa Messe à quatre chœurs H4.
Quand la polychoralité se découvre à la française
Sébastien Daucé et son ensemble Correspondances sont venus avec un programme autour de ce séjour italien de Charpentier : Merula, Cazzati, Cavalli, Legrenzi, mais surtout Francesco Beretta qui, lui aussi, a écrit une messe à quatre chœurs. Plusieurs dispositions des chanteurs viennent construire cette spatialisation de la musique. Les voix de femmes, venant du fond de l'abside, chantent Charpentier et son Sub tuum praesidium. La prononciation du latin est, naturellement, à la gallicane. Puis le Credidi de Tarquinio Merula est interprété par Nicolas Brooymans d'une voix ferme, presque violente : « j'ai été dans une profonde humiliation » pour s'adoucir avec le texte : « je rendrai mes vœux au Seigneur ». Le Motet pour San Petronio de Cazzati permet aux cornets de donner une interprétation joyeuse mais aussi solennelle. Tout brille dans le Magnificat de Cavalli, mais avec un Deposuit tout en nuances. Une interprétation multi-facettes.
Voici la Messe à quatre chœurs de Charpentier et son premier Kyrie, presque crié de douleur suppliante : « Seigneur, prends pitié ». Le Gloria est plus priant que spectaculaire mais la fin est, heureusement, proclamée « dans la gloire de Dieu ». Le Sanctus résume le talent du chœur : rythmes et nuances accompagnent le texte. Quant à la mise en espace, elle a été adaptée au lieu. Pas toujours simple, pas aussi efficace qu'à Venise ou Bologne, mais chaque chœur a été judicieusement accompagné par un cornet pour renforcer l'effet musical. Et c'était bien du Marc-Antoine Charpentier ! Décidément, la musique française va bien à Sébastien Daucé.
Direction Venise avec des madrigaux de Monteverdi par les Arts Florissants
C'est une (bonne) habitude du Festival que de proposer au public une « mise en oreilles » d'avant concert. Paul Agnew n'a pas dérogé à la règle. Mais, pour les spectateurs qui n'avaient pas saisi cette opportunité, il a ouvert le concert avec une brève explication de ses choix musicaux. Comme Claudio Monteverdi l'était, Paul Agnew a été très attentif au texte, qui a une importance égale à la musique. Et cela s'est vérifié tout au long du concert. Six chanteurs et chanteuses se sont partagés ces madrigaux, extraits des livres VII et VIII du divin Claudio, reprenant à peu de choses près le programme du récent disque paru chez Harmonia Mundi.
On retiendra le duo complice des deux ténors, Paul Agnew et Sean Clayton, dans Interrotte speranze, eterna fede. Hannah Morrison est très expressive dans la Lettera amorosa qui suit. Les deux soprani sont superbes de détresse puis de colère dans Ohimè, Dov'è il moi ben ? Au fil du concert, comment ne pas remarquer la douceur des finales des différentes pièces. Une suave beauté de plus. Altri canti d'amor, en deux petits chœurs séparés, est chanté, joué. C'est, presque, une bataille en musique. Les mots sont des projectiles. Cyril Costanzo est exceptionnel dans « La couronne immortelle de Mars et de Bellone » et la suite du madrigal. Intéressante aussi, la petite mise en scène proposée par Hannah Morrison pour le Lamento de la ninfa, comme nous l'avons déjà vu à la Philharmonie de Paris.
Dans le droit fil de la scène, pourtant dans l'abbatiale, le Combat de Tancrède et Clorinde est joué comme au théâtre. Paul Agnew se lâche. Sa voix est puissante, expressive et convaincante. Hannah Morrison forme avec Sean Clayton un duo remarquable. Les voix sont au-delà du texte par leur expressivité, leur crédibilité. Leur jeu de scène va loin, jusqu'à terre. Les spectateurs sont conquis et le confirment par leurs applaudissements. Monteverdi va bien à Paul Agnew et aux Arts Florissants. Ce concert en est la meilleure des preuves.
Crédits photographiques : Arts Florissants © Bertrand Pichene ; Correspondances © Bertrand Pichene ; Sébastien Daucé © Jean-Noël Démard
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1-X-2017 : Venezia, Madrigaux de Monteverdi. Claudio Monteverdi (1567-1643) : Madrigaux du livre VII et du livre VIII. Les Arts Florissants, direction : Paul Agnew.