Messiaen et Vierne à Notre-Dame de Paris
Dans la nef de la cathédrale Notre-Dame, la Maîtrise de Notre-Dame et l'Orchestre de chambre de Paris ont offert au public un superbe concert sous la direction de Catherine Larsen-Maguire dans le cadre de la saison « Musique sacrée à Notre-Dame de Paris ».

Le concert débute par un émouvant hommage à John Nelson, ancien directeur musical de l'Orchestre de chambre de Paris (anciennement Ensemble Orchestral de Paris), disparu le 31 mars dernier. L'orchestre interprète le célèbre « Entracte n°5 » extrait de Rosamunde de Schubert, dirigé au violon par Deborah Nemtanu. Le choix de l'œuvre tranche quelque peu avec la suite du programme mais l'on retient surtout l'émotion sincère des musiciens et du public qui est palpable dans la nef de Notre-Dame.
L'Orchestre de chambre de Paris a commandé à Grégoire Rolland d'orchestrer quelques unes des Pièces de fantaisie pour orgue de Louis Vierne (1870-1937) qui a été pendant près de 30 ans organiste de Notre-Dame de Paris. Le programme débute symboliquement par Cathédrales et se termine par le Carillon de Westminster, bouclant la boucle après être passé par l'évocation de la nature avec Naïades, Feux follets et Clair de Lune. Conçues comme des mini poèmes symphoniques, ces pièces s'inscrivent dans l'esthétique post-romantique tout en annonçant déjà Messiaen. Le style n'échappe pas à une certaine grandiloquence que ne corrige pas toujours l'orchestration parfois emphatique mais il était certainement difficile de procéder autrement sans trahir le style initial. L'écriture pour orgue est reconnaissable dans l'orchestration, en particulier dans Naïades et Feux follets où, pour cette dernière pièce, Grégoire Rolland s'est inspiré de la registration adoptée par Olivier Latry, notamment le « jeu de septième » de l'orgue qu'il a confié aux flûtes. Le Carillon de Westminster manquait de joie et de légèreté. Ici le jeu lourd et mou de l'orchestre évoque la pénombre, le smog, le brouillard, tel un tableau de Whistler représentant la Tamise. C'est un parti pris. Le final en apothéose remplit cependant majestueusement Notre-Dame avec le plaisir et l'émotion d'entendre à nouveau la musique résonner en ce lieu.
Le programme se poursuivit avec les Trois petites Liturgies de la Présence Divine d'Olivier Messiaen. Cette pièce pour chœur, cordes, percussions, piano, célesta et ondes Martenot est caractéristique de l'œuvre de Messiaen : écriture modale, chants d'oiseaux, écriture rythmique, dimension spirituelle, utilisation des ondes Martenot… Les voix cristallines des élèves de la Maîtrise de Notre-Dame fusionnent avec l'orchestre, avec quelques déséquilibres dans le premier mouvement dans les passages solistes pendant lesquels les voix sont un peu trop couvertes par les solos des instruments. Ceci est sûrement dû à l'acoustique particulière du lieu. Les jeunes chanteurs et chanteuses se jouent avec brio de toutes les difficultés de la partition dans une très belle homogénéité sonore. Le deuxième mouvement est un véritable moment de grâce musicale. Placé sous la direction souple et dynamique de Catherine Larsen-Maguire, l'Orchestre de chambre de Paris, accompagné par Roger Muraro au piano – toujours remarquable dans le répertoire de Messiaen – et Nathalie Forget aux ondes Martenot qui interprète sa partie de mémoire, livre une interprétation précise mais manquant parfois de nuances (tout est joué dans une égale nuance forte) et de transparence, mais avec un engagement et une compréhension de l'œuvre qui plongent le public dans l'atmosphère à la fois joyeuse et sereine de l'œuvre.









