Un jubilatoire Candide au Semperoper de Dresde
Moment fort de la saison du Semperoper de Dresde ce Candide de Leonard Bernstein séduit tant par la beauté de sa composante musicale (vocale et instrumentale) que par sa pétillante mise en espace.

Après sa création en 1956 à New-York, le livret initial de Candide du à Lillian Hermann fut maintes fois révisé par de nombreux paroliers dont Richard Wilbur, Hugh Wheeler, Stephen Sondheim et Bernstein lui-même pour aboutir à la version définitive de 1988 créée au Scottish Opera de Glasgow. Librement inspiré du conte de Voltaire « Candide ou l'optimisme » Bernstein et Coll nous content les aventures absurdes et burlesques de Candide qui grandit auprès des enfants du baron Thunder-Ten-Tronck, Cunegonde et Maximilen, dans la paisible Westphalie avant d'en être chassé du fait de son amour pour Cunegonde. S'ensuit alors un voyage initiatique à rebours (Westphalie, Lisbonne, Paris, Cadix, Buenos Aires, Paraguay, Eldorado, Paramaribo, Venise) plein d'aventures et de catastrophes, à la recherche du meilleur monde possible… Dans ce véritable patchwork musical, Bernstein dresse, en filigrane, une cruelle satire de notre monde, à grand renfort de parodies de partitions lyriques, de danses traditionnelles revues et corrigées, de chansons et de numéros de revue, entre lesquels s'intercalent aujourd'hui dans cette version concertante des interludes narratifs pétillants et humoristiques du récitant (Joseph Liefers) dont on regrettera amèrement qu'ils soient énoncés en allemand sans sur-titrage, ce qui les rend totalement incompréhensibles pour le public non germanophone !
On ne s'attardera pas sur la loufoquerie d'un livret complètement foutraque où les péripéties abracadabrantesques du héros et de ses acolytes sont soulignées à l'envi par les saillies désopilantes répétées de Joseph Liefers qui assure avec brio la continuité narrative et participe activement de la jubilatoire mise en espace. On est également d'emblée séduit par la beauté de la plastique orchestrale de la phalange saxonne (prestations solistiques, cohésion, réactivité) qui donne toute sa superbe dans les nombreux interludes orchestraux (danses) comme par la direction dynamique et précise de Karen Kamensek qui mène chœur, orchestre et chanteurs avec une fougue joyeuse en parfait accord avec la dramaturgie, au prix d'un équilibre parfois un rien précaire avec le plateau.
Dès l'Ouverture, pleine d'allant, chargée de couleurs, d'effets et de nuances rythmiques, le ton est donné qui ne se démentira pas tout du long de l'opéra, constitué, dans cette version concertante, d'une succession de différents numéros instrumentaux et vocaux soutenus par l'orchestration pléthorique de Leonard Bernstein qui fait la part belle aux vents et percussions.
La distribution vocale est bien chantante et homogène. Dans le rôle-titre David Butt Philip campe un candide de belle allure qui fait valoir la douceur de son timbre, son legato et son large ambitus dans les passages les plus mélancoliques comme sa méditation sur « It must be so » accompagné par la harpe. Face à lui, la pétulante Erin Morley incarne une Cunegonde malicieuse, au timbre radieux, aux aigus dardés et aux vocalises percutantes dans un « Glitter and be gay » d'anthologie. Tichina Vaughn est une Old lady éblouissante de drôlerie et de présence scénique dans sa parodie de tango « I am easily assimilated » avec un ambitus, des variations de registre, de rythme et une longueur de souffle impressionnants. Christoph Pohl est un Pangloss (et Martin) aussi accompli vocalement que théâtralement, au même titre que le Gouverneur d'Aaron Pegram. Aucun des rôles secondaires ne dénote dans ce concert d'éloges : Nicole Chirka (Paquette), Joshua Hopkins (Maximilien), Stephen Chaudry (Charles Edward), Robert Bork (Tsar Ivan), Timothy Oliver (Sultan Achmet), et Padraic Rowan (le croupier) participant tous de la réussite des nombreux ensembles et du succès final de cette éblouissante production saxonne. Life is Life !









