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Eugène Onéguine à Lyon, on prend les mêmes et on recommence

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Lyon. Opéra. 30-IV-2010. Piotr Ilitch Tchaïkovski (1840-1893) : Eugène Oneguine, scènes lyriques en trois actes et sept tableaux sur un livret du compositeur et de Constantin Chilovski d’après le poème d’Alexandre Pouchkine. Mise en scène : Peter Stein. Décors : Ferdinand Wögerbauer. Costumes : Anna Maria Heinreich. Lumières : Duane Schuler, Japhy Weideman. Avec : Olga Mykytenko, Tatiana ; Alexey Markov, Eugène Onéguine ; Edgaras Montvidas, Lenski ; Elena Maximova, Olga ; Michail Schelomianski, le Prince Gremine ; Margarita Nekrasova, Filipievna la Nourrice ; Marianna Tarasova, Mme Larina ; Jeff Martin, Monsieur Triquet ; Alexey Tikhomirov, Zaretski. Chœur et Orchestre de l’Opéra national de Lyon (chef de chœur : Alan Woodbridge), direction : Kirill Petrenko

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On prend les mêmes et on recommence. Pour cette production, comme pour les deux autres qui sont parties de ce Festival Pouchkine, l'Opéra de Lyon reprend les productions pratiquement à l'identique de celles que avait montées pour ce même théâtre voici quelques années.

Etrangement, malgré les incongruités scéniques relevées lors de la création de janvier 2007, le metteur en scène allemand n'a pas jugé nécessaire de revoir sa copie. Ainsi, même si les décors de la création de 2007 avaient été rendus inutilisables par un incident d'amiante, il ont été reconstruits à l'identique. On se retrouve donc avec les limitations d'un univers étriqué dans un décor serré comme une «boîte» dans laquelle se déroule l'action. Avec les imposantes masses chorales ajoutées au ballet, l'ouverture de scène aurait mérité d'être utilisée dans toute sa largeur.

Du fond du plancher en pente (dangereuse) flanqué de deux murs latéraux émergent d'inconnus taillis derrière lesquels des paysannes font la cueillette de petits fruits. Devant elles, Mme Larina touille une bassine où cuit, sur un poèle sans feu apparent, une improbable confiture. A ses côtés, la nounou Filipievna, debout, épeluche des pommes. On débarrasse le plancher de ses inutiles et solitaires accessoires pour faire place à un chœur de paysans inventant une danse autour d'une pyramide de bottes de paille érigée pour la circonstance. Une scène rurale baignant dans la convention la plus banale.

On s'avance vers une soirée sans surprise. Dès l'ouverture, l'Orchestre ne charme pas. Il ne sonne pas. Comme dans le Mazeppa du jour précédent, il manque manifestement de brillance. Le chef semble ne pas avoir trouvé la manière d'emmener son orchestre dans l'extrême lyrisme de la partition. Sauf que… dès qu'apparaissent (Tatiana) et (Olga), un frémissement parcourt la scène. Leur rapide duo est chanté avec une simplicité désarmante. Tout à coup l'atmosphère musicale se voit totalement transformée. L'orchestre jusqu'ici terne et scolaire se projette dans le lyrisme total de l'œuvre de Tchaïkovski. Un lyrisme qui va accompagner les chanteurs tout au long de la soirée.

Au premier acte, la romance de Lenski () déclarant son amour à Olga (irréprochable ) est si bien chantée et chargée de tant d'émotion partagée qu'on se réjouit d'entendre le ténor dans le fameux «air de Lenski». Le ténor lituanien possède un instrument dont il contrôle la puissance avec un art extraordinaire. Une voix dont les mezzavoci de velours imposent le silence le plus respectueux qui soit dans l'auditoire. Plus rien ne bouge que l'air de ce chant superbe.

En 2007, la soprano nous avait charmés dans une «prestation digne et engagée». Aujourd'hui, elle transcende son personnage. Si la voix reste toujours très belle, sa Tatiana a mûri émotionnellement. Dans le fameux «air de la lettre», la soprano russe ne se préoccupe comme alors de la beauté de sa voix, de sa ligne de chant. Elle chante au-delà des contingences techniques. Elle est le désarroi de son personnage, elle vit avec une intensité déroutante son audacieuse tentative de dire son amour à Onéguine. Dans cette scène, la soprano russe semble ne plus être maître d'elle-même tant elle est dans l'authenticité du texte, dans la seule interprétation, dans la vérité. Démentielle, oppressée d'être dévorée par la passion, son jeu de scène est bouleversant. Elle réveille l'ambiguïté du spectateur partagé entre la fascination du spectacle et l'attraction du voyeur malgré lui.

L'Eugène Onéguine de est d'une froideur déconcertante en même temps que d'une noblesse glaciale. Avec une voix admirablement contrôlée, il est le parfait Onéguine. Blasé, promenant sa superbe au milieu d'une foule qu'il déteste, peut-être caricature-t-il un peu trop une indifférence morbide. Un jeu qui le trahira quand il devra transformer son indifférence en passion amoureuse en revoyant Tatiana.

Parce que le niveau vocal de cette distribution est d'une belle homogénéité et d'un niveau élevé, (le Prince Gremine) ne surplombe pas le plateau de manière époustouflante comme il l'avait fait tout naturellement dans sa récente prestation dans la production de l'Eugène Onéguine de Berne. Il reste cependant un Gremine somptueux et incontournable. Plaisant et excessif le Monsieur Triquet de Jeff Martin. Dans la scène du bal des retrouvailles, certainement la scène la mieux réussie de de , le Chœur de l'Opéra de Lyon éblouit par sa présence et sa force.

Crédit photographique : (Onéguine), (Lenski) ; (Olga), (Onéguine), (Lenski) © Stofleth

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Lyon. Opéra. 30-IV-2010. Piotr Ilitch Tchaïkovski (1840-1893) : Eugène Oneguine, scènes lyriques en trois actes et sept tableaux sur un livret du compositeur et de Constantin Chilovski d’après le poème d’Alexandre Pouchkine. Mise en scène : Peter Stein. Décors : Ferdinand Wögerbauer. Costumes : Anna Maria Heinreich. Lumières : Duane Schuler, Japhy Weideman. Avec : Olga Mykytenko, Tatiana ; Alexey Markov, Eugène Onéguine ; Edgaras Montvidas, Lenski ; Elena Maximova, Olga ; Michail Schelomianski, le Prince Gremine ; Margarita Nekrasova, Filipievna la Nourrice ; Marianna Tarasova, Mme Larina ; Jeff Martin, Monsieur Triquet ; Alexey Tikhomirov, Zaretski. Chœur et Orchestre de l’Opéra national de Lyon (chef de chœur : Alan Woodbridge), direction : Kirill Petrenko

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