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Paris. Salle Pleyel. 7-VI-2002. Wolfgang Amadeus Mozart : Concerto pour 3 pianos et orchestre en fa majeur K. 242 ; Percy Grainger : The Warriors, music music for an imaginary ballet pour 3 pianos et grand orchestre (création française) ; Gustav Holst : The Planets opus 32 pour orchestre et chœur féminin en coulisses ; Colin Matthews : Pluto pour orchestre et chœur féminin en coulisses. Par Catherine Cournot, Claire Désert et Emmanuel Strosser (pianos), la maîtrise de Radio-France (direction : Toni Ramon), l’orchestre pilharmonique de Radio-France, direction : Yutaka Sado.

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Orchestre Philharmonique de Radio-France

A la sortie du concert un tract émanant de la direction de la salle Pleyel était distribué. Celui-ci mentionnait les travaux débutant en juillet prochain jusqu'en 2004 pour moderniser ce vénérable lieu parisien. Etait entre autre abordé le problème de l'acoustique. Espérons lors de la réouverture que le spectateur n'aura plus la désagréable impression d'écouter un concerto pour cuivres et percussions en lieu et place d'une œuvre à l'orchestration chargée. Ce fut hélas le cas ce soir, et ce n'est certainement pas l'héritier spirituel de Leonard Bernstein qu'est qui allait calmer ces pupitres pour rééquilibrer la balance sonore.

Le concert débutait par le concerto pour 3 pianos de Mozart, avec un orchestre assez étoffé, dans une interprétation propre, polie et routinière de la part du chef et des solistes. Mozart n'a jamais été la tasse de thé de , mais en grand professionnel il n'a pas –loin de là- bâclé ou négligé cette partition. On regrettera une certaine lourdeur des tempos et un jeu un peu trop mécanique et peu inspiré des pianistes.

En deuxième place prenait lieu l'événement de la soirée, la création française des Warriors de . Le compositeur australien, pervers, sadique, mégalomane mais aussi musicien visionnaire, a prévu la grosse artillerie pour accompagner les 3 pianos : vents au grand complet par 4 (6 pour les cors), avec contrebassons, cors anglais, heckelphone (sorte de basse de hautbois) et autres clarinettes basses, et pas moins de 9 percussionnistes dont 4 sont dévolus aux claviers. Bien sur un pupitre de cordes très fourni (et souvent divisé), un célesta et 2 harpes. Lors de l'exécution une partie des cuivres part en coulisses jouer une fanfare rappelant le début de l'œuvre, tandis que le heckelphone joue une mélodie populaire anglo-saxonne accompagnée par un halo sonore de cordes en sourdines et en tremando et de percussions-claviers (avec un des pianos solistes) en trémolos, ponctués d'attaques simultanées des harpes et des deux autres solistes délaissant leurs claviers pour taper directement les cordes avec une baguette. L'effet de polyrythmie/ polyphonie, digne d'un autre contemporain de Grainger, Charles Ives, est saisissant. avec cette partition à la force tellurique baigne dans son élément. Il semble se jouer de l'extrême complexité de l'écriture et conduit d'une main de maître le philharmonique de Radio-France, en grande forme dans cette pièce, donnée pour la première fois en France. Dommage que l'acoustique de Pleyel ait tout gâché, noyant les 3 solistes dans un flot sonore continu.

La pièce maîtresse du concert, les Planètes, était présentée dans sa version «astronomiquement complète» avec l'ajout de Pluton du compositeur Colin Matthew (commande du Hallé orchestra, mai 2000). L'impression d'ensemble donnée par ce vaste poème symphonique est plutôt mitigée, ou l'orchestre traditionnel se voit alourdit par l'ajout de quelques bois « exotiques » (dont le heckelphone, déjà présent chez Grainger), d'un orgue, d'un célesta et d'un pupitre fourni de 6 percussionnistes dont 2 timbaliers. Un probable manque de répétitions de l'orchestre –le programme de la soirée est assez exigeant-, mais aussi de la maîtrise –dont les parties sont redoutables, et cela une semaine après avoir triomphé dans Pu wijnuej we fyp œuvre non moins complexe de Xenakis-, alliés à l'acoustique peu flatteuse de Pleyel ont fini d'achever ces Planètes en un vaste maelström sonore d'ou ressortaient de temps à autre quelques instants réellement inspirés. Yutaka Sado dans l'ensemble prend des tempos plutôt lents, étirant ainsi au maximum le discours musical. Ce la peut se justifier dans Mars, à la rythmique implacable, annonçant en 1914 le premier conflit mondial, mais encore aurait-il fallu qu'un des timbaliers soit en rythme. Les attaques des cuivres dans ce premier mouvement sont hasardeuses et le rendent indigeste.

Venus, premier moment de détente, commence mal : le cor solo accumule les ratés, les bois jouent bien trop fort, puis, peu à peu tout cela s'améliore et se rééquilibre, et cette partie se finit dans un réel délice sonore. Un des très beaux moments de la soirée. Mercure souffre aussi de ce tempo un peu trop lent, lui enlevant son coté léger et fantastique.

Dans les 2 planètes suivantes on retrouve un orchestre en grande forme et un Yutaka Sado dans ses meilleurs jours. Jupiter, dont la partie centrale, très célèbre, rappelle Pump and circonstances d'Edward Elgar, est jouée avec emphase et majesté, sans lourdeur –le piège principal de cette partition. La gradation progressive de l'angoisse à la sérénité contenue dans Saturne, avec son balancement de harpes et flûtes sur un intervalle de triton, est aussi très bien rendu, Sado dévoilant son talent de coloriste et jouant avec toute la palette sonore de l'orchestre. Hélas ces instants de grâce sont réduits à néant par un Uranus bancale, tonitruant et complètement décalé. Les trompettes, fausses à souhait, y sont insupportables. L'acoustique de Pleyel accentue le jeu bien trop fort des timbales, nous privant du solo de heckelphone. Enfin les oppositions de masse et d'intensité sont réduites à néant, l'organiste terminant toujours en retard par rapport aux autres pupitres. Neptune n'est pas très inspiré non plus, trop lent, trop lourd et trop fort, avec une maîtrise de Radio-France des mauvais jours, elle aussi d'une justesse plus que relative.

La 8ème planète, ajoutée 83 ans plus tard s'enchaîne sans interruption. C'est un scherzo fantasque et virtuose, dans la lignée de l'esthétique de Holst, mais avec une orchestration débridée digne de cette fin de millénaire. Rien d'inoubliable toutefois dans cette belle pièce fort bien interprétée, qui n'ajoute rien au chef d'œuvre de .

Un Mozart banal, un Grainger fabuleux et un Holst mitigé, telle est l'impression générale laissée par ce concert. Donner le concerto pour 3 pianos en complément des Warriors est une bonne idée, d'autant qu'il valorise un peu plus les 3 solistes. Fallait-il rajouter une pièce aussi exigeante et difficile que les Planètes ? A l'origine le programme prévoyait en lieu et place du Mozart une pièce de Ruggles, compositeur anglais et sujet intéressant de psychiatrie, à l'instar de Grainger. Malgré ce remplacement le programme restait encore trop lourd. Mais nul n'est à l'abri d'une erreur, qui, somme toute, est aussi le propre de l'homme.

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