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Lloyd Newson et Josef Nadj au Théâtre de La Ville

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Paris. Théâtre de La Ville les 24.X.03 (1), 4.XI.03 (2) rentrée chorégraphique au Théâtre de La Ville : 1) The Cost of living par le DV8 Physical Theater, chorégraphie de Lloyd Newson. 2) Il n’y a plus de firmament, création, chorégraphie de Josef Nadj.

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Pour sa rentrée chorégraphique, le Théâtre de La Ville ne ménage pas ses spectateurs avec deux spectacles de « théâtre dansé » aux univers radicalement opposés. Délirant et coloré avec l'australien , noir et blanc et cérébral avec le Yougoslave .

La compagnie britannique Physical Theater (prononcer deviate : dévier) de l'Australien , est revenue à Paris, dans le cadre du Festival d'Automne au Théâtre de La Ville, après trois ans d'absence. Son précédent spectacle The Happiest Day of my Life en 1998 était très emblématique des aspirations de Newson : montrer l'indicible au quotidien, métamorphoser la banalité avec des danseurs ayant des physiques reflétant plutôt ceux de la population générale que ceux d'une compagnie chorégraphique. En cela, l'intitulé de sa compagnie, physical comme theatre annoncent clairement la couleur. n'étant pas une compagnie permanente, Newson réalise ses spectacles avec une troupe chaque fois renouvelée. On avait pu voir à Bobigny en 1997 le formidable Enter Achilles qui dénonçait la violence du machisme et, au Théâtre de La Ville, Bound to please spectacle sur la solitude ainsi que, l'année suivante, The Happiest Day of my Life stigmatisant la banalité des samedis soirs urbains. Son nouveau spectacle, The Cost of Living (Le prix de la vie), nouveau pour Paris car il fut créé pour l'Olympic Arts Festival de Sydney en 2000 et, remanié en 2003, actuellement en tournée européenne, montre un aspect plus esthétique, plus léché, plus proche d'un travail à la Pina Bausch à qui, soit dit en passant, il pourrait donner des leçons de concision car en quatre-vingt dix minutes tout est dit et l'on a pas vu le temps passer.

Y a t'il une histoire ? Tout au plus un fil conducteur, poétique certes mais très solide, et qui captive jusqu'à la fin absurde qui laisse un goût amer dans la bouche.

Après une longue période d'arrêt d'activité, Newson a réuni dix-sept danseurs-acteurs, tous des outsiders de la danse, pour cette expérience débutée lors des Jeux Olympiques de Sydney en 2000. Parmi ceux-ci l'extraordinaire David Toole, homme-tronc qui danse à la force de ses bras d'athlète avec une grâce que doivent lui envier pas mal de grands de l'establishment de la danse contemporaine. Toujours à la frontière du tact et de l'humour, ce formidable artiste émeut tant par la force de son jeu et de sa danse que par la tendresse de son personnage. Parmi les autres, un danseur bien en chair, deux « hors calibre », un minet speedé qui fait la mouche du coche pendant tout le spectacle avec un accent cockney à couper au couteau. Un danseur narcissique raille le système en montrant de que l'on doit payer pour chaque pas, du simple entrechat au fouetté totalement dénudé ! Une parodie de jeu télévisé fait participer la salle, tout comme participent les spectateurs en retard qui se font vertement remettre en place par les danseurs. Cependant, des images plus poétiques parcourent ce spectacle dont la morale est donnée en prime par un panneau lumineux : « Bénis soient les gens ordinaires » et « Soyez fier, ne rougissez pas de votre différence ».

Nadj chez Artaud

« Il n'y a plus de firmament », dernière création de au Théâtre Vidy-Lausanne présentée au Théâtre de La Ville coproducteur du spectacle, voit une nette évolution du style du chorégraphe d'origine yougoslave et directeur du Centre chorégraphique d'Orléans. Deux invités d'honneur, le danseur Jean Babilée et le comédien Yoshi Oïda, rehaussent de leur présence ce spectacle d'esthétique assez sobre. On passe, non sans transition des univers noirs, totalement masculins, bancroches et kafkaïens chers à ses premiers spectacles, à un style plus dépouillé et moins sombre. On en a vu beaucoup depuis « Canard Pékinois », premier spectacle chorégraphique de la compagnie créée par en 1987, des démonstrations de ces univers casse-tête où grouillent personnages habillés en noir dans le style de l'Europe centrale et qui laissaient, au fil des créations, toujours une impression de déjà vu. Il semble que l'imaginaire de Nadj ait basculé vers des thèmes plus universels, plus littéraires aussi comme cet « Il n'y a plus de firmament » qui se réfère à Balthus et Antonin Artaud où les tableaux qui se succèdent donnent au propos plus d'aération et de grâce et où l'humour, heureusement toujours très fort, est moins grinçant que par le passé.

Économie de personnages aussi avec deux figures bien reconnaissables : le danseur français Jean Babilée, quatre-vingt ans, mythe vivant de la danse moderne française , dont on rappellera seulement qu'il fut en 1946 le créateur de « Le Jeune Homme et la Mort », chef-d'œuvre de Roland Petit, et Yoshi Oïda, japonais, acteur fétiche de Peter Brook. Ces deux là semblent communiquer entre eux à part, dans une action qui, si elle n'est pas abstraite, n'est pas d'une clarté absolue. Un autre groupe de personnages, quatre hommes en noir et une danseuse asiatique en blanc (magnifique Jing Li), dansent des tableaux de groupe très gracieux. Deux acrobates évoluent par intermittence dans un portique métallique et on n'échappe pas à une de ces séquences chères à Nadj où les quatre hommes en noir exécutent toutes les variantes possibles avec un élément de décor en bois, centré par une porte, qu'ils promènent d'un bout à l'autre de la scène.

La pièce, d'un petit quart d'heure trop longue, c'est une constante chez Nadj de ne savoir finir sans traîner, s'achève par des hochements de tête de deux énormes statues cubiques qui trônent au fond de la scène, d'un assez bel effet. Avec ses accessoires balthuséens, masques balinais, chevaux, musiques traditionnelles et des extraits de Puccini et Rossini, cette création est une belle démonstration de théâtre dansé, dans laquelle il semble cependant que l'on danse plus que par le passé !

Crédit photographique : (c) Mario del Curto

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