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La Cenerentola à Nantes, écrin charmant pour conte de fée poétique

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Nantes Théâtre Graslin 10-VI-2005 Gioachino Rossini (1792-1868) La Cenerentola, opéra en deux actes sur un livret de Jacopo Ferreti. Mise en scène : Stephan Grögler. Décors : Stephan Grögler, Véronique Seymat. Costume : Véronique Seymat. Lumière : Laurent Castaingt. Avec : Karine Deshayes, Angelina (Cenerentola) ; Michele Govi, Don Magnifico ; Mark Milhofer, Don Ramiro ; Franck Leguérinel, Dandini ; Marcos Fink, Alidoro ; Gaëlle Méchaly, Clorinda ; Claire Larcher, Tisbe ; Chœur d’Angers Nantes Opéra (chef de chœur : Xavier Ribes), Orchestre National des Pays de la Loire, direction : Sébastien Rouland.

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Le rideau s'ouvre sur une image onirique, très poétique : nous sommes à la fois dans la chambre d'Angelina, la Cenerentola du titre, celle d'une jeune fille à peine sortie de l'enfance, poupées et peluches, et dans une forêt enchantée, peuplée de cigognes, de créatures enchantées et de personnages de contes de fées.

Angelina est plongée dans un livre, vautrée sur son lit en compagnie de ses deux sœurs qui ne sont pas les méchantes tortionnaires du conte, pas plus que cette Cendrillon n'est une servante : ce sont trois amies tendrement unies qui s'amusent et se racontent des histoires, des contes de fées qu'elles adorent. Mais le livret de Jacopo Ferreti, particulièrement bien ficelé, ne se laisse pas si facilement tordre dans tous les sens, et très vite, dès l'arrivée du prince, les sœurs ne peuvent plus être que méchantes et ridicules, tout comme l'effroyable beau-père.

Que reste-t-il, dans ces conditions, de l'idée de base de cette mise en scène? De splendides images : le palais du prince se trouve également dans la forêt enchantée, agrémenté cette fois-ci non plus d'un lit et de jouets, mais de lustres et d'une astucieuse porte pivotante qui délimite les salles du palais, la scène de l'orage est figurée par une chevauchée de sorcières ; et également un rattachement à l'univers des contes de fées : on croise dans cette forêt le petit chaperon rouge et le loup, les sept nains, boucle d'or, les trois petits cochons…

Demeure une mise en scène rossinienne en diable, enlevée, animée, hilarante : les protagonistes tombent souvent les quatre fers en l'air, prennent des portes dans la figure, perdent leur perruque… et le public s'amuse, comme un enfant à qui on raconte un conte de fée! Les moments de tendresse sont néanmoins respectés, le prince est visiblement très épris de sa Cendrillon, elle-même fort timorée, jusqu'à la transformation finale de son lit de petite fille en couche nuptiale. Saluons également l'intelligence d'une mise en scène qui bouge beaucoup, mais qui sait aussi s'arrêter quand il le faut : le sextuor questo è un nodo avviluppato, arrêt de l'action, destiné à mieux la faire rebondir, se chante immobile.

Le talent de , depuis « les années Minko », n'est plus à démontrer. Il obtient de l' légèreté et maîtrise parfaite du fameux crescendo rossinien, et stoppe net tout début de décalage. Le pupitre des vents est tout bonnement parfait, les cordes, sans démériter, ayant parfois tendance à s'empâter et ralentir. , qui avait remporté le concours des Voix Nouvelles en 2002 justement avec La Cenerentola, domine parfaitement ce rôle d'une difficulté inouïe, jusqu'à l'ébouriffant rondo final, qui semble sous sa voix d'une facilité déconcertante. De plus, il semble que la mezzo ait bien minci, et sa princesse est aussi craquante physiquement que vocalement. Après une entrée complètement ratée, probablement due au trac, en prince charmant démontre qu'il maîtrise totalement la technique si particulière du ténor rossinien, d'une vélocité à toute épreuve. Son timbre n'est pas particulièrement joli, mais ce n'est pas la vertu première du ténor rossinien, et il existe des précédents célèbres, songeons à Rockwell Blake, quoique dans le cas présent ce timbre nasal rappelle plutôt celui de Raul Gimenez, tout comme les extrêmes aigus qui s'amincissent, effet de l'appréhension, probablement. L'Alidoro de , sorte de Monsieur Loyal, parvient à ne pas transformer son grand air en long tunnel d'ennui, ce qui est fort rare. assume toutes les notes du rôle crucifiant de Don Magnifico, singulièrement bien meilleur dans son troisième air, Sia qualunque delle figlie, le plus difficile, que dans le deuxième, Noi Don Magnifico, mais il s'en tient là (ce qui est déjà beaucoup). Il lui manque à acquérir le grain de folie, la démesure bouffe qui doivent faire de l'abominable beau-père le héros comique de l'histoire.

Reste pour clore le sujet des voix graves le Dandini de l'enfant du pays, , chaleureusement applaudi et tout à fait dans son élément. Sa verve comique n'est plus à démontrer, il se fait plaisir, nous fait plaisir, impeccable vocalement et irrésistible scéniquement.

Mentionnons pour terminer la Tisbe de Claire Larcher, titulaire du rôle sur toutes les scènes d'Europe, et gardons un silence prudent autant que consterné sur la prestation vocale de la Clorinda de Gaëlle Méchaly. Comme dans toute Cenerentola qui se respecte, les deux sœurs se donnent physiquement à fond, éléments comiques indispensables, courant, dansant, se vautrant sans se ménager.

L'adorable Théâtre Graslin de Nantes, charmante bonbonnière toute tendue de velours bleu ciel, était l'écrin parfait de cette gracieuse Cenerentola, qui clôture en beauté la saison.

Crédit photographique : © Vincent Jacques

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