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La passion selon Marie-Magdeleine

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Saint-Étienne. L’Esplanade. 14-XI-05. Jules Massenet (1842-1912) : Marie-Magdeleine, drame sacré en quatre parties (version de concert) sur un livret de Louis Gallet. Chœurs Lyriques de Saint-Étienne, Groupe Vocal Universitaire, Chœurs IKONOS (chef de chœurs : Jean-Baptiste Bertrand) ; Ensemble Vocal de Saint-Étienne (chef de chœur : Cédric Garde). Avec : Cécile Perrin, Méryem ; Marie-Thérèse Keller, Marthe ; Patrick Garayt, Jésus ; Guy Bonfiglio, Jésus. Orchestre Leopolis de Lviv, direction : Jean-Pierre Loré.

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La Biennale Massenet a eu la main heureuse en programmant pour son 8ème Festival le drame sacré Marie-Magdeleine, premier chef-d'œuvre reconnu du maître stéphanois, créé à Paris en 1873, avec l'illustre Pauline Viardot dans le rôle-titre.

Dans sa forme originale d'oratorio, sans apparats, ni dépenses somptuaires, l'œuvre n'a rien perdu de sa sensualité capiteuse plus de 130 ans après sa création et recèle même des trésors insoupçonnés. Marie-Magdeleine est devenue au fil du temps, le symbole de la féminité, celle que l'on retrouve avec le plus de constance, associée à l'iconographie christique. Sans doute, la démarche de la pécheresse a-t-elle envoûtée les âmes égarées, passant de la dévoyée à la courtisane repentante pour enfin devenir la compagne de Jésus. Séductrice, voluptueuse, sa passion amoureuse rejoint celle du Christ et donne sens à la parole évangélique. L'auteur du livret, a su insuffler à tous ses personnages principaux, un flot de vie sans failles. Mais Marie-Magdeleine devient l'énigmatique créature, la prostituée et la sainte, et en elle, toutes les femmes se reconnaissent et affluent comme dans un torrent où se mêle l'amour charnel et divin. Cette œuvre n'appartient qu'à Massenet, avec ce style dramatique qui lui est propre. Sa sensualité harmonique évoque les sentiments humains de Méryem, la sérénité de Jésus, les foudres de la foule aux jugements changeants, la déraison de Judas, tous entés dans un orientalisme aux sonorités entêtantes.

Dès l'introduction, les chœurs des femmes « Le soleil effleure la plaine » chanté àl'unisson, entrecoupé par celui des jeunes Magdaléens « C'est l'heure, où conduisant de longues caravanes » et enfin par les Pharisiens « Méryem la Magdaléenne », tous ces chœurs, souvent sollicités, sont excellents de justesse dans les plus infimes détails. Ils deviennent la rumeur populaire, la voix catilinaire du peuple ou des personnages aux humeurs changeantes. Partout où ils se trouvent, ils charpentent l'œuvre, en font un vaste calice où semblent s'abreuver les voix des quatre interprètes principaux. Que ce soit le chœur de l'insulte, le «Dieu d'Israël, Notre Père » ou les harangues de la foule au Golgotha, on perçoit toujours les mêmes qualités, de belles voix, bien éduquées, d'un bel équilibre stylistique et d'une grande maîtrise. La parfaite harmonie s'impose et le travail d'équipe revient assurément aux chefs de chœurs, et qui ont su insuffler une vie ardente aux différents ensembles. Une telle discipline des choristes est plutôt rare et rehausse assurément les qualités de l'œuvre.

Certes, on aurait souhaité une voix à la tessiture plus charnue pour la Méryem de . « Ô mes sœurs, je veux fuir » il est vrai que la voix se bonifie rapidement, de plus son engagement fait oublier ces quelques lacunes du tout début de son air. « Qu'il vienne encor, je veux lui dire, Épanchant mon cœur dans le sien, Quelle souffrance me déchire » nous convainc entièrement, puis « Ô bien-aimé, sous ta sombre couronne » complété sublimement par « Qu'elle est lente à venir, La douloureuse aurore ! »

Le ténor en Jésus, a une voix séduisante, « Vous qui flétrissez les erreurs des autres » d'une belle retenue, chanté sans emphase. Le duo de Jésus et Méryem « Le repentir console et rafraîchit les âmes/Mon cœur tremble en songeant au Dieu juste » est d'une sobriété et d'une délicate élégance, dans le caractère évangélique qui lui sied bien. La musique est d'une fluidité où se lovent les voix de la Magdaléenne et de Jésus. Judas est interprété par , dans son premier air « Écoute, Méryem ; écoute » soutenu par une musique qui d'emblée, faussement caressante, campe le personnage fourbe du traître. Elle semble se retourner, se contorsionner comme le personnage, avant qu'elle n'explose dans des convulsions inédites. Il faut surtout retenir la longue scène, très dramatique « Ô nuit sinistre !…Où suis-je ? » où c'est la figure du damné avec son air démentiel jusqu'au moment où il aperçoit le sépulcre dont la pierre est déplacée, « Le tombeau ! Dieu terrible ! » pour se terminer sur les paroles « Hélas ! tout est cruel !Ah ! je suis maudit ! » Enfin, Marthe de , excellent mezzo, dans l'air « Allez devant Jésus » donne toute sa mesure dans le duo avec Judas, ponctué par « Judas tu mens » jusqu'à la toute fin où elle le congédie violemment. Tout en contraste, l'autre duo avec sa sœur Méryem où le calme semble enfin revenu.

On connaît l'implication de dans la musique sacrée de . Par ailleurs, on lui doit les quatre enregistrements des oratorios du compositeur stéphanois. L'Orchestre Leopolis de Lviv semble d'ailleurs inspiré sous la baguette du maître. Le seul bémol touche l'orgue dans une version Bontempi. Dans l'Apparition et le Chœur des chrétiens, on ne sait pas si la faute en incombe à l'instrument ou à l'instrumentiste !

Mais cette œuvre est unique, émouvante, dramatique. Elle marque les premiers jalons, comme l'étoile du matin, la première aurore et sans doute, le premier chef-d'œuvre de . Elle ouvre la voie à l'immense production du compositeur.

Crédit photographique : © www. jules-massenet. com

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Saint-Étienne. L’Esplanade. 14-XI-05. Jules Massenet (1842-1912) : Marie-Magdeleine, drame sacré en quatre parties (version de concert) sur un livret de Louis Gallet. Chœurs Lyriques de Saint-Étienne, Groupe Vocal Universitaire, Chœurs IKONOS (chef de chœurs : Jean-Baptiste Bertrand) ; Ensemble Vocal de Saint-Étienne (chef de chœur : Cédric Garde). Avec : Cécile Perrin, Méryem ; Marie-Thérèse Keller, Marthe ; Patrick Garayt, Jésus ; Guy Bonfiglio, Jésus. Orchestre Leopolis de Lviv, direction : Jean-Pierre Loré.

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