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Le Requiem de Berlioz par Hermann Scherchen : une réédition bienvenue

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Hector Berlioz (1803 – 1869) : Requiem (Grande Messe des Morts) op. 5. Jean Giraudeau, ténor. Chœur de la Radiodiffusion Télévision Française et Orchestre du Théâtre National de l’Opéra de Paris, direction : Hermann Scherchen. 2 CD Tahra. Réf. : West 3001-3002. ADD. Enregistrement stéréophonique réalisé à Paris, en l’église Saint-Louis des Invalides, du 7 au 9 avril 1958. Notice bilingue (français-anglais) excellente (Myriam Scherchen). Durée : 44’56’’- 53’54’’

 
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Il est des labels qui, avec des moyens humains et financiers nettement moins importants que ceux des « majors », accomplissent avec amour de véritables missions culturelles.

Le Requiem de Berlioz par Hermann Scherchen : une réédition bienvenue

L'un de ceux-là, dans le domaine historique, est Tahra, label français dont les chevilles ouvrières, René Trémine et Myriam Scherchen (la fille du grand chef d'orchestre allemand ) se sont fixé pour but de ressusciter les interprétations non seulement de leur illustre parent, mais également d'autres chefs tels que Abendroth, Ancerl, Argenta, Celibidache, Furtwängler, Jochum, Knappertsbusch, Kondrachine, Koussevitzky, Markevitch, Mengelberg, Mitropoulos, Monteux, Schmidt-Isserstedt, Schuricht, Talich, van Kempen, Walter, tout cela dans des conditions techniques de restauration sonore exceptionnelles. Cette énumération non exhaustive montre à suffisance la richesse du catalogue Tahra, véritable bénédiction pour les mélomanes.

L'enregistrement sous rubrique fut réalisé en avril 1958, en coproduction de la Radiodiffusion Française, la marque française Véga (en monophonie) et le label américain Westminster (en stéréophonie). Cette production Tahra met enfin sur CD la bande originale Westminster stéréophonique, ce qui est d'autant mieux venu que la Deutsche Grammophon Gesellschaft, ayant acquis les droits de propriété du catalogue Westminster il y a peu d'années, en a déjà interrompu la diffusion, alors qu'il est plus que temps d'en sauvegarder numériquement les bandes magnétiques avant qu'elles ne se détériorent irrémédiablement. Comme le catalogue Westminster contient l'essentiel des enregistrements « studio » d', Myriam Scherchen a décidé de publier, sous la nouvelle série « Archives Westminster – Scherchen » de Tahra, les enregistrements essentiels de son père… après bien évidemment en avoir racheté les droits de diffusion à la DGG… L'œuvre grandiose qu'est le Requiem de Berlioz reçoit ainsi l'honneur d'inaugurer cette série, et était tout désigné pour le diriger, lui qui avait déjà dans sa discographie Les Troyens à Carthage en 1952, ainsi que la Symphonie fantastique et Harold en Italie en 1953.

Commandé au compositeur par le Ministère de l'Intérieur, dans le cadre d'un prix annuel alloué à un jeune compositeur pour une œuvre de musique sacrée, le Requiem (ou Grande Messe des Morts) op. 5 de Berlioz fut achevé en juin 1837 et exécuté le 5 décembre de cette année sous la direction de François-Antoine Habeneck, en l'église Saint-Louis des Invalides, par un ensemble de 300 choristes et musiciens répartis en cinq groupes.

Qui dit Requiem de Berlioz dit surtout Charles Münch, car c'est lui qui l'a véritablement introduit dans les foyers grâce à la distribution mondiale de la RCA-Victor (BMG), confirmant même sa suprématie en le gravant de nouveau à la fin de sa vie pour la DGG. Toutefois Münch ne fut pas pionnier en ce domaine : c'est la Columbia française qui réalisa en septembre 1943 la première gravure mondiale du Requiem sur 78 tours/min, en l'église Saint-Eustache de Paris, par Jean Fournet à la tête de la Chorale Émile Passani et de l'Orchestre de Radio-Paris, avec la participation du ténor Georges Jouatte (version rééditée chez Malibran CDRG107 et chroniquée sur ResMusica). La version Hermann Scherchen emplie d'une gravité austère et dépouillée, venant en deuxième lieu, fut la première en microsillon, un an avant la version RCA de Münch, et aussi la première à être captée en l'église Saint-Louis des Invalides, avec des musiciens français dont l'admirable ténor Jean Giraudeau dans le Sanctus ; elle reçut le Grand Prix du Disque de l'Académie Charles Cros 1959.

La presse parisienne se fit l'écho de cet événement. Ainsi « France Soir » du 10 avril 1958 annonçait : « Cet enregistrement représente une prouesse technique exceptionnelle. Aucun studio n'était assez vaste pour accueillir 300 exécutants ; la salle de la Mutualité que l'on songea un moment à louer, aurait étouffé l'ampleur des fanfares et des chœurs. Pour obtenir ce que les ingénieurs appellent « la couleur du son », il fallait des voûtes de pierre. Mais le plus pénible pour les musiciens, ce fut de lutter contre la température glaciale de la nef. Les instrumentistes à cordes avaient les doigts gourds. Pour les autres, c'était encore pire : froid, un instrument à vent joue trop bas. Voilà pourquoi, chaque jour, trois heures durant, on pouvait voir les flûtistes, les hautboïstes, serrer misérablement leurs instruments contre leurs corps, sous leurs pardessus, les réchauffer de l'haleine, comme de petites bêtes précieuses. » Par ailleurs, la revue « Disques » (dirigée par Armand Panigel, célèbre par sa Tribune dominicale des critiques de disques), dans le numéro 103, écrivait : « Hermann Scherchen semble prendre quelque distance par rapport à l'œuvre. Il a distribué ses plans d'ombre et de lumière, il a équilibré à la perfection le rapport des voix et de l'orchestre, et l'ensemble paraît s'édifier sans effort. C'est du grand Art. Son style est austère et dépouillé, alliant une sobre émotion à un tragique sans éclat. »

Signalons qu'il existe aussi, également enregistrée en l'église Saint-Louis des Invalides, une version plus récente (1975) du Requiem de Berlioz, celle de Leonard Bernstein (Sony-CBS).

À lire : la chronique consacrée à trois versions de la Symphonie n° 9 de Beethoven par Furtwängler parue chez Tahra.

Wilhelm Furtwängler : Trois hommes et un destin

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