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Eblouissante musique d’ombre !

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Paris. Maison de Radio France, salle Olivier Messiaen. 08-II-2006. Krzysztof Penderecki (né en 1933) : Anaklasis ; Thierry Escaich (né en 1965) : Miroir d’ombres ; Krzysztof Penderecki (né en 1933) : De Natura Sonoris n°2 ; Dimitri Chostakovitch (1906-1975) : Symphonie n°6 op. 54. Renaud Capuçon, violon  ; Gautier Capuçon, violoncelle ; Orchestre National de Lille, direction : Paul Polivnick.

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Présences 2006

Ce concert inscrit dans le cadre de la 16ème édition du Festival « Présences » proposait un programme ambitieux et une splendide affiche. Alors que le festival présente l'intégrale des symphonies de Penderecki, cette soirée permettait d'entendre deux courtes œuvres d'avant-garde du compositeur.

Ecrite pour 42 cordes, 6 groupes de percussions, célesta, harpe et piano, Anaklasis correspond à la première période du compositeur, où il travaille sur la recherche de couleurs sonores et de nuances toutes particulières. L'œuvre est en trois parties très distinctes, encadrée au début et à la fin par les cordes seules, la partie centrale étant consacrée à une importante séquence de percussions. Les cordes utilisent les glissandi, trémolos rapides et l'écriture est traitée avec des chromatismes, longues notes tenues et de fortes dissonances. Penderecki emploie aux percussions des effets intéressants comme le roulement de timbales avec les mains imitant le tam-tam où à la toute fin lorsque le pianiste utilise successivement différents accessoires (comme un crayon ou une baguette de timbale) qu'il frappe directement sur les cordes, pour conclure la pièce en les pinçant avec les doigts. L' joue avec une grande aisance et une parfaite clarté dans la définition des timbres. Le public s'est plu à entendre et reconnaître les sonorités tout en pouvant voir simultanément les techniques utilisées par les instrumentistes et ainsi mieux comprendre cette œuvre.

Avec Miroir d'ombres achevait sa résidence avec l' par cette œuvre déjà exécutée à Liège et à Lille. Comme Brahms dans son Double Concerto, il reprend l'idée du duo concertant avec orchestre. La pièce est ancrée dans une tension permanente et dans un caractère lugubre avec parfois des couleurs fantastiques rappelant à la fois Ravel et la musique de film. Elle s'ouvre par un thème obstiné exposé au violon qui sera le fil conducteur de la pièce. L'œuvre évolue par une sorte de crescendo permanent tel un volcan qui gronde. La pièce éclate en de gigantesques forte à plusieurs reprises. Après une cadence sur le motif, la seconde partie débute de manière plus enjouée avec une sorte de scherzo presque jazzy au violon qui joue des traits rapides, tandis que le violoncelle expose un thème très langoureux. Mais la tension reste toujours perceptible. Dans un des derniers éléments, des accords accentués et plaqués font penser à la Danse Sacrale du Sacre du Printemps de Stravinsky pour se terminer par une montée bouillonnante et un accord forte. Les parties de solistes sont écrites comme un conflit permanent et donnent l'impression de deux musiques superposées. Les instruments sont traités de manière contradictoire, l'un est le reflet de l'autre ou son miroir. On peut regretter que la pièce reste dans un caractère sombre et qu'à la fin les deux parties ne se réconcilient pas. Cette pièce convient parfaitement aux deux frères qui l'interprètent à la fois comme une dispute et avec une grande complicité. Leur fougue donne une expression débordante et un jeu survolté. fait revivre la belle sonorité de son nouveau violon, le Guarneri del Gesu qui a appartenu à Isaac Stern. L'orchestre accompagne avec force et énergie les solistes en s'adaptant à leur tempérament, formant ainsi une superbe et cohérente union. a composé une œuvre tout à fait originale, à la fois applaudie et huée.

De Natura Sonoris n°2 fut écrite pour orchestre (sans bois ni trompettes) et créée par la Julliard School of music de New York. Penderecki va encore plus loin dans la recherche des timbres, avec des instruments inhabituels tel la scie musicale ou l'enclume (attention aux oreilles!) ou employés de manière inhabituelle comme les percussions frottées avec un archet. La partie de cordes est surtout faite de clusters, le résultat évoquant la musique électroacoustique. L'orchestre est très actif avec la même perfection que pour Anaklasis, aidé en cela d'un chef conduisant ses musiciens avec précision dans une partition à l'écriture non-traditionnelle.

Après de tels applaudissements, difficile aux musiciens d'attaquer le premier mouvement de la Symphonie n°6 de Chostakovitch (composée en 1939), qui débute dans une atmosphère sombre et presque angoissante que le pupitre de violoncelles ouvre par un solo généreux. L'orchestre rentrera véritablement dans l'ambiance dramatique de ce Largo quelques instants plus tard. L'Allegro suivant est un scherzo avec une écriture très virtuose, fluide et un caractère sarcastique cher à Chostakovitch où fusent les traits de clarinette et flûte. Ce mouvement est interprété avec un tempo modéré et manque un peu de divertissement et d'agilité. En revanche, la partie centrale est très énergique avec des nuances très violentes. Le final, avec son thème très « rossinien », est magnifiquement rendu par un chef amusé. Ce Presto se termine par une sorte de danse endiablée qui devient de plus en plus tourbillonnante. Cette symphonie très originale par l'emploi de ses trois mouvements au tempo progressif (Largo, Allegro, Presto) a été très bien interprétée par l'orchestre et son chef.

Crédit photographique : © DR

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Paris. Maison de Radio France, salle Olivier Messiaen. 08-II-2006. Krzysztof Penderecki (né en 1933) : Anaklasis ; Thierry Escaich (né en 1965) : Miroir d’ombres ; Krzysztof Penderecki (né en 1933) : De Natura Sonoris n°2 ; Dimitri Chostakovitch (1906-1975) : Symphonie n°6 op. 54. Renaud Capuçon, violon  ; Gautier Capuçon, violoncelle ; Orchestre National de Lille, direction : Paul Polivnick.

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