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La résurrection du Boulon de Chostakovitch !

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Dimitri Chostakovitch (1906 – 1975) : Le Boulon. Mise en scène et décors : Semyon Pastukh. Chorégraphie : Alexei Ratmansky. Costumes : Galina Solovyov. Lumières : Gleb Filshtinsky. Avec : Anastasia Yatsenko, Nastya ; Andrei Merkuriev, Yan ; Denis Savin, Denis ; Morikhiro Iwata, Ivachka. Orchestre et ballet du Théâtre d’Etat Bolshoï de Moscou, direction : Pavel Sorokin. Réalisation télévisée : Vincent Bataillon. 1 DVD Bel Air Classiques BAC 020. Premier enregistrement mondial au Théâtre du Bolchoï de Moscou, septembre 2006. En « bonus » : plusieurs entretiens (le chorégraphe, le chef d’orchestre…). Format NTSC. Zone 0. 2h 25’.

 
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Voilà un évènement qui ravira à n'en pas douter les amoureux de Chostakovitch : plus de 70 ans après son interdiction par la censure soviétique, le ballet Bolt jouit enfin d'un tout premier enregistrement mondial. Composée en 1931 par un tout jeune Chostakovitch de 25 ans, l'œuvre avait été retirée avant même sa première représentation publique. Curieusement, ce n'est pas tant le sujet du ballet qui déplut aux autorités, mais les faiblesses du livret et l'apparente superficialité de la musique et de la chorégraphie.

Sujet pourtant d'actualité pour l'époque, l'intrigue se résume à une histoire de sabotage dans une usine : Denis, ouvrier quelque peu marginal, refuse de se plier aux lois de la collectivité, et insère un gros boulon dans les rouages d'une des machines de production… Pétri de culpabilité, son complice Ivashka finit par le dénoncer, un acte méritoire qui lui vaudra le statut de nouvel héros dans l'histoire.

A l'aube du réalisme socialiste, les critiques ont perçu le ballet comme une moquerie envers les travailleurs, du fait qu'il proposait une vision grotesque et contraire à la réalité du quotidien de la classe prolétaire. Il faut dire que l'œuvre, avec son pot-pourri de musiques populaires, de marches militaires, d'acrobaties de cirque et de danses de vaudeville, est bourrée d'ironie et de satire. C'est une œuvre visionnaire et très intelligente dans sa façon d'anticiper sur l'ère du stalinisme, de dénoncer par la moquerie et le burlesque l'absurdité fondamentale qui caractérise le système politique absolutiste de l'époque. Le chef d'orchestre Pavel Sorokin fait remarquer par ailleurs combien la musique composée par Chostakovitch pour l'ouverture est une œuvre à part du reste, imprégnée d'une angoisse terrifiante qui semble présager les tensions à venir.

Dans cette recréation du Boulon, la chorégraphie d' est assez étonnante, avec un recours à des gestes gymniques et acrobatiques associés à des danses traditionnelles et contemporaines. Le côté « industriel » et constructiviste ressort de façon évidente, avec des mouvements mécaniques qui ne manquent pourtant pas de grâce. Le décor et la scénographie sont aussi très réussis, Seymon Pastukh s'étant inspiré de l'esthétique du constructivisme des années 20 mais aussi du réalisme des années 50 pour recréer une ambiance plutôt caricaturale du travail dans l'usine. Considérant l'absurdité du livret, et le fait que le sujet soit atypique d'un ballet, il propose un décor vivant, volontairement anti-ballet. Les maîtres d'œuvres n'hésitent d'ailleurs pas à afficher de l'absurdité à tous les niveaux, le plus remarquable étant cette ampoule géante dominant la scène, dont on comprend qu'elle est la raison d'être de la chaîne de production de l'usine tout entière…

La musique « volontairement mauvaise » de Chostakovitch, dont certains passages ont été réutilisés pour Le Clair Ruisseau, est superbement variée, mêlant musiques sérieuses à des choses plus populaires, invoquant marches de l'Armée Rouge, parades de la Jeunesse communiste, rythmes de jazz et même un tango argentin…

Malgré un livret on peut le dire très médiocre, une intrigue plutôt superficielle et une dernière scène tout à fait insensée, le côté incongru du ballet est justement ce qui fait sa force et son intérêt ; il faut bien sûr le replacer dans son contexte original, et le savourer tout en gardant à l'esprit cette période si paradoxale et saugrenue de l'histoire soviétique. Aussi, la musique autant que la chorégraphie, les décors, la mise en scène et les costumes compensent ce livret peu exaltant, et « sauvent » de l'ennui et de la platitude ce ballet pour le moins original…

Sur le plan de l'interprétation, les danseurs sont tous formidables, ce qui n'est malheureusement pas toujours le cas des musiciens, dont les approximations gâchent parfois notre plaisir.

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Dimitri Chostakovitch (1906 – 1975) : Le Boulon. Mise en scène et décors : Semyon Pastukh. Chorégraphie : Alexei Ratmansky. Costumes : Galina Solovyov. Lumières : Gleb Filshtinsky. Avec : Anastasia Yatsenko, Nastya ; Andrei Merkuriev, Yan ; Denis Savin, Denis ; Morikhiro Iwata, Ivachka. Orchestre et ballet du Théâtre d’Etat Bolshoï de Moscou, direction : Pavel Sorokin. Réalisation télévisée : Vincent Bataillon. 1 DVD Bel Air Classiques BAC 020. Premier enregistrement mondial au Théâtre du Bolchoï de Moscou, septembre 2006. En « bonus » : plusieurs entretiens (le chorégraphe, le chef d’orchestre…). Format NTSC. Zone 0. 2h 25’.

 
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