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Quand les Français osent Bruckner au Musikverein

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Vienne. Musikverein. 28-II-2008. Ludwig van Beethoven (1770-1827) : Concerto pour piano et orchestre n°3 ; Anton Bruckner (1824-1896) : symphonie n°4 en mi bémol majeur « Romantique ». Till Fellner, piano ; Orchestre National de France, direction : Kurt Masur.

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Dans la mythique salle du Musikverein, donne, cette année, avec l' un cycle de symphonies de Bruckner, ainsi que l'intégrale des concertos pour piano de Beethoven. Défier les Viennois dans « leur » répertoire et dans le lieu où ils ont l'habitude d'entendre le Philharmonique de Vienne, il fallait oser. Une audace rendue possible par l'autorité musicale de . Il fit salle comble. Le public était venu nombreux écouter le concert debout au fond de la salle, les places au dessus de l'orchestre – qui offrent une vue sans doute magnifique sur les rangs de spectateurs mais pas sur les musiciens – avaient toutes trouvé preneurs, et des chaises avaient même été ajoutées pour le public sur le podium pourtant relativement exigu.

ouvrait le programme par le Concerto pour piano n°3 de Beethoven. Né à Vienne en 1972, ce pianiste à l'allure juvénile s'attacha à donner le cachet de respectabilité et de maintien guindé qui convient à sa ville. Grâce à cette modération – une sobriété dont Fellner ne se dépare pas non plus en récital – il n'y eut à déplorer aucun défrisage de brushing, même parmi les fidèles abonnées octogénaires. Ce classicisme viennois de bon ton offrit un très beau moment dans le final du premier mouvement. Le pianiste acheva sa cadence dans un pianissimo de rêve, et l'orchestre assura la reprise et la coda sans rompre la magie. Dans ce moment, le silence absolu de la salle captivée faisait viscéralement corps avec la musique.

Après les Symphonies n°7 et n°9 données respectivement la veille et l'avant-veille, deux sommets de l'œuvre brucknérien, et avant de se conclure en novembre prochain avec les n°2 et n°3, le cycle se poursuivait ce soir par la Symphonie n°4 Romantique. Pleinement brucknérienne par la splendeur de ses tutti et ses dimensions de cathédrale, cette œuvre est difficile à restituer en raison de la succession exaltée de crescendos tout au long de l'œuvre, qui rendent difficile la perception d'une progression dramatique. La persistance de Masur à faire travailler Bruckner à l'Orchestre National, et à le faire jouer devant le public le plus connaisseur en ce domaine, en Allemagne et en Autriche, s'avère payante. L'orchestre acquiert indubitablement le style brucknérien, fait d'une majesté sans emphase, colossale mais pas écrasante, toutes qualités remarquées dans son interprétation de la Symphonie n°7 à Paris récemment. Contrairement à ce que l'on avait pu entendre dans cette même Symphonie n°4 plus tôt ce mois-ci à Paris, les cuivres et les cors ont bien répondu présents durant toute l'œuvre et notamment le « tableau de chasse » du Scherzo. Toutefois, comme cela avait été le cas dans le concert parisien, ce mouvement est resté entaché d'un manque de cohésion. Les chutes de tension après chaque magnifique tutti donnèrent l'effet que le compositeur était en proie lors de la composition à des crises maniaco-dépressives répétées. Cet effet assez malencontreux s'explique par la difficulté à maîtriser la dynamique sur une aussi grande échelle. Cela viendra avec le temps. Bruckner reste encore méconnu et difficile à appréhender pour les sensibilités latines, aussi sachons gré au maestro Masur de mener ce travail de fond et d'engager son prestige international pour que l' s'approprie Bruckner, sans complexe.

Crédit photographique : © Ben Ealovega

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Vienne. Musikverein. 28-II-2008. Ludwig van Beethoven (1770-1827) : Concerto pour piano et orchestre n°3 ; Anton Bruckner (1824-1896) : symphonie n°4 en mi bémol majeur « Romantique ». Till Fellner, piano ; Orchestre National de France, direction : Kurt Masur.

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