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Le ravissement de l’oreille et de l’esprit

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Guillaume de Machaut (circa 1300 – 1377)  : Ballades. Ensemble Musica Nova ; direction et ténor : Lucien Kandel ; Christel Boiron et Marie- Claude Vallin, cantus ; Thierry Peteau, ténor ; Marc Busnel, bassus. Paul Marcos, Birgit Goris, vièles à archet ; Julien Martin, flûtes à bec ; Marie Bournisien, harpe gothique. 1CD Aeon AECD 0982. Codes-barres : 3 760058 369821. Enregistré à l’église de Labeaume en avril 2009. Notice trilingue (français, anglais, allemand). Traduction des textes : Agathe Sultan. Durée : 75’17’’

 
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Après un enregistrement mémorable des motets de , événement qui fut salué par de nombreuses récompenses, nous propose ici, pour notre bonheur, une dizaine de ballades choisies parmi les 42 ballades notées du poète- compositeur ( sur plus de deux cents). Ces pièces sont autant de chefs d'œuvre insurpassés, tant sur le plan littéraire que msical. L'écriture poétique y atteint, à travers la perfection formelle, le plus haut lyrisme tandis que les mélodies se chargent des complexités et des difficultés des plus savantes polyphonies pour dire la plénitude de l'amour. Machaut, qui rappelle que la fonction de la musique est d'apporter la joie et de chasser la mélancolie dans la célébration de Dieu, étend ce pouvoir à la «louange des dames» dans une écriture où la harpe de David et la lyre d'Orphée sont indifférenciées. L'amant, au-delà du désir et des méfaits de Fortune qui le torturent, chante le «doux regart» de l'aimée et les dons de l'Amour que sont «Doux Penser», «Plaisance» et «Espérance» sur des mélodies qui s'enlacent avec une virtuosité serpentine sans pareil. Les interprètes se jouent des embûches d'une écriture difficile, parvenant à traduire la suavité lumineuse, l'élégance de ces polyphonies.

L'originalié et la richesse du travail de consiste dans la recherche des agencements sonores appropriés à chacune des pièces ; la structure de la ballade s'y prête avec ses trois strophes tournant autour d'un vers-refrain. Machaut choisit un écriture musicale tantôt à deux, tantôt à trois ou quatre voix ; les paroles n'étant notées que sous la mélodie du Cantus, L. Kandel substitue le plus souvent aux autres voix différentes versions instrumentales sauf, bien sûr, pour les doubles ou triples ballades dont les textes se superposent. Ces multiples combinaisons font de chaque pièce une œuvre on oserait dire, de ce point de vue, aléatoire, le choix des instruments, pouvant varier d'une ballade à l'autre mais aussi à l'intérieur d'une ballade dont les trois strophes peuvent ne pas être interprétées à l'identique. Ainsi de la b. 19, à trois voix, dont la musique est entendue quatre fois : dans la str. I où le cantus est accompagné (assez librement) par la seule harpe gothique, puis dans une version instrumentale intercalée entre les strophes, puis dans la str. II où, au cantus, se joignent une flûte et une vièle et enfin dans la str. III, où deux voix sont accompagnées de la harpe gothique. Ainsi, on suit mieux à la fois le texte et les mélodies. Les voix chaudes et souples s'allient aux instruments issus des meilleurs ateliers avec une finesse exceptionnelle et on les écoute et les réécoute avec un plaisir inégalé. Soucieux de rendre ces pièces accessibles, «vivantes», L. Kandel en gomme les aspérités ; ainsi du Hoquet David, d'ordinaire chanté avec la Messe Notre Dame, ici purement instrumental, où les ruptures des «hoquets» ont quasiment disparu. Un balancement rythmique binaire ou ternaire selon le tempus et le mode de chaque ballade, est introduit dans les segments mélodiques, plus familier à nos oreilles que les subtilités de l'Ars Nova, quitte à ne pas trop marquer les changements de rythmes, les passages momentanés du ternaire au binaire et inversement, par ex. emple, dans la double ballade Quant Theseus/ Ne quier veoir. Dans cet esprit, Agathe Sultan, autre spécialiste attentive de Guillaume, modernise ici et là sa belle traduction. On peut regretter que celle du refrain varie parfois d'une strophe à l'autre et ne respecte pas la structure du texte. L'on s'étonne également de rencontrer des bizarreries graphiques, de la suppression systématique des apostrophes et, parfois, des majuscules, par exemple, sur la page de couverture, dabsalon pour d'Absalon, masseure pour m'asseure ( me rassure) et de l'introduction de points qui parsèment le texte original alors qu'il est construit sans coupure, en une seule phrase par strophe.

Cela ne gâche en rien cette interprétation d'une rare qualité et qui nous rend l'écriture de Machaut plus proche tout en faisant ressortir toute la richesse de ces pages trop peu connues.

Evénement attendu : un CD de la Messe Notre dame qui apportera du nouveau !

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Guillaume de Machaut (circa 1300 – 1377)  : Ballades. Ensemble Musica Nova ; direction et ténor : Lucien Kandel ; Christel Boiron et Marie- Claude Vallin, cantus ; Thierry Peteau, ténor ; Marc Busnel, bassus. Paul Marcos, Birgit Goris, vièles à archet ; Julien Martin, flûtes à bec ; Marie Bournisien, harpe gothique. 1CD Aeon AECD 0982. Codes-barres : 3 760058 369821. Enregistré à l’église de Labeaume en avril 2009. Notice trilingue (français, anglais, allemand). Traduction des textes : Agathe Sultan. Durée : 75’17’’

 
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