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Un programme taillé sur mesure par la pianiste Marie Vermeulin

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La Grave / La Meije. 19-VII-2012. Claude Debussy (1862-1918) : Pour le piano ; Alain Louvier (né en 1945) : La Dormeuse et les oiseaux de nuit ; Bruno Ducol (né en 1949) : Six études de rythme (extraits) ; Olivier Messiaen (1908-1992) : La Fauvette des jardins. Marie Vermeulin, piano

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Pour son récital dans l'église de la Grave, avait concocté un programme taillé sur mesure pour cette 15ème édition du Festival Messiaen. Étaient à l'affiche de la soirée le Maître et deux de ses élèves, et . La pianiste fêtait également le 150ème anniversaire de la naissance de dont Messiaen a toujours revendiqué la filiation fertile.

Artiste aussi discrète qu'accomplie, se distingue en remportant en 2007 le second prix du Concours International où elle joue Les Oiseaux exotiques sous la direction de Pierre Boulez. Elle bénéficie alors des conseils de Roger Muraro, élève d'Yvonne Loriod, qui lui transmet cette tradition précieuse du piano de Messiaen acquise auprès de l'épouse du compositeur; c'est d'ailleurs avec Roger Muraro qu'elle partagera la scène dans Les Visions de l'Amen pour deux pianos qui viendront clore le Festival.

Elle débutait la soirée avec Pour le piano de Debussy, première pièce d'envergure écrite pour le clavier que le compositeur termine en 1901 ; c'est une œuvre assez rarement jouée – on entend davantage les Préludes – qui réclame une grande virtuosité digitale et une précision d'attaque au sein de la fluidité et de la souplesse de l'écriture debussyste ; elle regarde vers la suite baroque des clavecinistes avec ses trois mouvements, Prélude, Sarabande et Toccata. Si prend quelques libertés avec le texte du Prélude dont elle traduit par ailleurs l'extraordinaire courant qui le traverse, elle dose idéalement les sonorités de la Sarabande révélant une sensibilité très fine. Redoutable et pleine d'embûches, la Toccata manque un peu d'éclat même si elle est menée avec une belle lisibilité.

Au titre très évocateur, La Dormeuse et les oiseaux de nuit d' est dédiée à la pianiste et compagne du compositeur Marie-Paul Siguret dont les phonèmes du nom (a,i,o,i,u,é) forme une trame harmonique que le compositeur fait résonner durant toute la pièce grâce à la troisième pédale « sostenuto ». Marie Vermeulin tire de son piano autant de résonances et de couleurs pour restituer avec beaucoup d'intériorité « cette douce clarté » qui émane d'une écriture finement élaborée entre sonorités flottantes et attaques franches.

On sent chez une filiation directe avec le Maître à travers son obsession du rythme et des combinaisons qu'il peut susciter au sein d'une écriture fermement conduite et souverainement originale. En témoigne ce fascinant Perpetuum mobile, extrait des Six études de rythme opus 20, dont Ducol règle avec minutie les savants mécanismes pour impulser le mouvement d'une trajectoire pleine d'imprévus. Tout aussi étonnante, par l'énergie et la vigueur d'une écriture admirablement servie par Marie Vermeulin, Fulgurance qui lui succède subjugue par la concentration du propos et l'efficacité du geste instrumental qui propulse la sonorité dans l'espace.

Si Messiaen aimait s'arrêter à la Grave, descendant à l'hôtel du Castillan situé à l'entrée du village, il séjournait habituellement à Petichet, lieu de nature sauvage et préservé où il venait se ressourcer et composer pendant l'été. Ce sont ces espaces bruissants et enchanteurs (la Matheysine en Dauphiné) qu'il décrit dans le vaste « programme » de La Fauvette des Jardins, somme pianistique et synthèse de son « écriture oiseau » avec laquelle Marie Vermeulin terminait somptueusement son récital. D'une durée de 35′, La Fauvette des Jardins est écrite en 1970, douze ans après le Catalogue d'oiseaux. Autour de la/des fauvettes qui « chantent et rechantent inlassablement » au cours de neuf grands soli – n'évitant pas certaines longueurs! – Messiaen fait entendre d'autres oiseaux passagers et brosse un décor strié de couleurs (la montagne du grand Serre, le lac de Laffrey) au sein d'une grande forme balisée par des retours et épousant fidèlement le rythme d'une journée. Déployant un jeu lumineux et gorgé d'énergie qu'elle soutient à mesure et sans faillir, avec des contrastes et un relief étonnants, notre pianiste détaille autant d'évocations colorées investissant tous les registres de l'instrument ; et pour paraphraser Satie, ce fut l'instant délicieux entre 8 et 9 heures du soir qui retint particulièrement notre attention, moment d'épure sonore dont Marie Vermeulin traduit l'émouvante beauté avant que « tout s'enfonce dans l'ombre grandiose du souvenir ».

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