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Denis Dufour lance des fleurs à Jean-Philippe Rameau

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Le Triton. 13-XI-2014. Giulio Caccini (1545-1618) : Amarilli, pour trois flûtes ; François Daudin Clavaud (né en 1959) : Shanghai’s Bund ; Jean-Philippe Rameau (1683-1764) : Air du Temple de la Gloire pour trois flûtes ; Denis Dufour (né en 1953) : Les Fleurs enchantées pour trois flûtes ; Antonio Vivaldi (1678-1741) : Adagio pour trois flûtes ; Thierry Pécou (né en 1965) : Fragments archéologiques pour trois flûtes. Trio d’argent : François Daudin Clavaud, Michel Boizot et Xavier Saint-Bonnet.

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PortraitDufourBuste_HamishHossain2Rien a priori ne semblait rapprocher de , compositeur et pédagogue zélé, très engagé dans la création d'aujourd'hui hors tout modèle de la tradition.

Néanmoins, c'est le théoricien visionnaire et le compositeur épris de rigueur autant que de liberté  qui fascine et inspire Dufour depuis très longtemps. Anniversaire oblige, il lui rend un hommage appuyé dans Les Fleurs enchantées, une commande du Trio d'Argent donnée ce soir en création mondiale.

Les trois œuvres au programme, toutes très récentes, sollicitaient une partie électroacoustique et, la mémoire de Rameau aidant, nos trois flûtistes avaient pris le parti, somme toute plus arbitraire que convaincant, de les introduire par une courte pièce baroque, provoquant parfois des chauds-froids très saisissants pour l'oreille de l'auditeur.

Ainsi passait-on de l'Amarilli de Giulio Caccini, un air célèbre du début du XVIIème siècle, arrangé pour le trio de flûtes, à… l'orchestre chinois du Conservatoire de Shanghai enregistré et retravaillé en studio par dans le début de sa pièce Shanghai's Bund. Le Bund, à Shanghai, c'est le bord du fleuve Yangzi jiang, un endroit très animé où, de cinq heures à dix heures du matin, la communauté chinoise vient y pratiquer Qigong et autres arts, physiques et artistiques, qui enchantent nos regards d'Occidentaux. Les trois flûtes basses convoquées dans la pièce entretiennent une simple trame élaborée sur l'échelle pentatonique au-dessus de laquelle s'inscrit la partie électroacoustique: des conversations (pour la beauté de cette langue à tons si singulière) et des timbres évocateurs qui viennent colorer le paysage sonore tout en contrastes.

Les premières secondes des Fleurs enchantées de court-circuitaient avec éclat l'introduction ramiste extraite du Ballet héroïque Le Temple de la gloire – scellant une des collaborations de Rameau avec Voltaire ; car si Dufour emprunte au matériau ramiste (celui de Zaïs, de Zoroastre, des Boréades, de Dardanus, de Platée…), il n'en conserve ni le langage ni les conventions d'époque. L'écoute du compositeur s'oriente d'avantage vers les figures et processus d'écriture les plus caractéristiques de son modèle, telles que répétition, balancement, attaque énergétique, rupture ou irruption impromptues, trait de virtuosité, saut de tessiture, tempi contrastés… qui forment autant de morphologies sonores dont il souligne la plasticité des profils et qu'il articule avec la même précision et la même hardiesse que dans ses ouvrages électroniques. Et quand, ici ou là, subsistent quelques citations inchangées du compositeur des Lumières, parfaitement intégrées à la partition, elles viennent nous en rappeler les audaces. Au sein de cette trajectoire étrange autant qu'inventive, faisant naître aux flûtes des charivaris d'oiseaux très animés, les haut-parleurs projettent par surprise quelques salves de « pétales argentés » – motifs de clavecin de Rameau traités par les moyens électroacoustiques – qui rehaussent ce tableau coloré et instillent une touche de Merveilleux cher aux esprits baroques.

Après les flûtes basses et flûtes en sol des premières pièces, le Trio d'Argent faisait sonner de belles flûtes en bois, y compris le piccolo, dans Fragments archéologiques de , annoncé par un Adagio « minute » de Vivaldi.

Écrite en 2011 pour le Trio d'Argent qui l'a créée, Fragments archéologiques repose sur un argument de science-fiction plutôt amusant, écrit par Pécou qui le date de… décembre 2758.

Avec cette énergie tribale qui habite toute l'œuvre du compositeur, les trois flûtes sont ici solidaires, formant des hétérophonies étranges tandis que la partie électroacoustique creuse l'espace et modifie le décor sonore. Le second mouvement gorge l'écriture de rythmes et de couleurs générant un autre charivari d'oiseaux, regardant cette fois vers les hauts-plateaux andins d'Amérique du Sud.

Dans son élan, et avec le même engagement, le Trio d'Argent bouclait cette trajectoire aventureuse avec, en bis, la pièce très sensible d'une jeune compositrice vietnamienne, Kim Nu'óc, précédée, très à propos cette fois, d'une courte séquence audio extraite du « jardin de sons » de .

Photo : Hamish Hossain : buste de par Florence Enders

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