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Répertoire et création à l’Auditorium du CRR

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Paris. Auditorium du CRR
10-I-2022 : Wolfgang Rihm (né en 1952) : Duomonolog pour violon et violoncelle : Robert Piéchaud (né en 1969) : Métamorphoses pour cordes sur un thème de Wolfgang Rihm pour septuor à cordes ; Richard Strauss (1864-1949) : Metamorphosen , version pour septuor à cordes de Rudolf Leopold. Ensemble L’Itinéraire : Anne Mercier, Elsa Moatti, violons ; Lucia Peralta, Vladimir Percevic, altos ; Myrtille Hetzel, Lola Malique, violoncelles ; Hugo Abraham, contrebasse. Direction : Antonin Rey
11-I-2022 : José Manuel López López (né en 1956) : African Winds III, pour saxophone baryton et percussion ; Desde Dentro pour ensemble (CM) ; Bastien David (né en 1990) : Avec pour flûte, clarinette, cor et trio à cordes ; Alireza Farhang (né en 1976) : Anagrān pour flûte, clarinette, violon et violoncelle. Ensemble Court-Circuit ; direction : Jean Deroyer

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Deux ensembles de musique d'aujourd'hui, L'Itinéraire (l'un des plus anciens) et Court-Circuit (qui fête cette année ses trente ans) se sont succédés sur le plateau de l'Auditorium du CRR de Paris en ce début du mois de janvier 2022.

Au centre de l'affiche du premier s'inscrivent les Métamorphoses pour cordes sur un thème de pour septuor à cordes de ; en amont une pièce du compositeur allemand et pour refermer le concert, Metamorphosen de Strauss dans un arrangement pour septuor à cordes. C'est le programme bien ficelé que propose L'Itinéraire pour débuter la nouvelle année.

D'une seule voix ou en dialogue, le violon et le violoncelle de Duomonolog de enchaînent des séquences d'une grande diversité, renouvelant de manière très inventive les gestes, les dynamiques et la qualité des échanges. L'écriture est redoutable, puissante et exploratrice, superbement servie par les deux interprètes, et Myrtille Hetzel. Offensif voire violent, le discours se décante, le souffle s'altère dans une seconde partie saisissante, comme privée de son énergie.

La pièce de est au format des Alla breve/Création mondiale produites par Anne Montaron sur France Musique. Les cinq miniatures ont été enregistrées par les musiciens de L'Itinéraire au studio 106 de la Maison de la Radio en 2018. Le thème au départ des variations est emprunté aux Hölderlin Fragmente (n°14) de Rihm dont la citation se découvre dans le dernier mouvement. Les instruments (2 violons, 2 altos, 2 violoncelles) sont disposés symétriquement autour de la contrebasse. L'œuvre dirigée par est désormais au répertoire des musiciens qui en restituent très finement chacun des univers conçus dans des temporalités et des textures singulières : temps long du quatrième mouvement au lyrisme presque straussien qui s'oppose au scherzino mené par la contrebasse et les pizzicati de l'ensemble. Le courant circule entre les pupitres du 1 tandis que le mouvement se fige en une trame vibrante dans le 2 : l'invention le dispute à la séduction dans une pièce aussi concentrée que ciselée.

Le concert s'achève avec Strauss et les derniers feux du post-romantisme, à une époque (1945) où Pierre Boulez commence sa Première sonate pour piano. Les musiciens ont choisi d'interpréter Metamorphosen (arrangé pour septuor à cordes) sans chef et sous la belle autorité de la violoniste ; si la clarté des articulations et certaines respirations s'en trouvent un rien effacées, on bénéficie par contre d'une fluidité des lignes fort appréciable et d'une texture polyphonique singulièrement mouvante et chaleureuse, d'une intonation exemplaire et d'une écoute mutuelle exacerbée : en bref, une musique « qui nous prend comme une mer », pour paraphraser Baudelaire.

Les trois compositeurs au programme, le lendemain, sont présents et répondent aux questions de , directeur de l', dans un avant-concert fort sympathique fournissant quelques clés d'écoute pour les auditeurs.

Le compositeur , professeur de compositeur au CRR de Paris, est mis à l'honneur avec deux pièces écrites à trente ans d'écart, qui n'en traduisent pas moins, chacune à sa manière, la liberté du geste et l'énergie du son dispensées dans l'écriture de leur auteur.

African Winds III (1994) réunit dans un même élan le saxophone baryton de et la percussion (marimba et vibraphone) d'Adelaïde Ferrière qui remplace au pied levé (et avec quel brio !) Ève Payeur rattrapée par la covid 19. African Winds III est une pièce aussi virtuose que séduisante, combinant la dimension rythmique (slaps du saxophone) et le flux mélodique dans un déploiement spatial fulgurant et un filtrage harmonique qui modifie à mesure le spectre des couleurs. Le passage au vibraphone et son halo de résonance est une géniale trouvaille pour mieux fondre et confondre les deux sources sonores dans un nuage coloré du plus bel effet. Desde Dentro (De l'intérieur) donnée en création mondiale est une commande de Court-Circuit au compositeur qui convoque, dans cette pièce immersive et jubilatoire, un effectif de choc : quatre cuivres, la clarinette basse, la percussion, le piano et la contrebasse. C'est l'éloge de la polyphonie, nous dit le compositeur, avec ce qu'elle induit de richesse timbrale et rythmique, d'écriture combinatoire et d'inventions de couleurs. Dans cette partition, les instrumentistes s'entraident dans une démultiplication de gestes amenant des situations de jeu inédites : celle du pianiste () intervenant sur la timbale que joue Adelaïde Ferrière, ou celle des quatre cuivres délaissant leur instrument pour aller frotter les lames du vibraphone avec des archets dans une des séquences vibratoires les plus inouïes. Desde Dentro est une œuvre galvanisante qui réchauffe « de l'intérieur » corps et âme.

Avec est le titre qu'a choisi pour sa pièce en sextuor de 2018 où se croisent deux trios, à cordes et à vent. Les cordes sont préparées et les techniques de jeu non traditionnelles abondent dans cette pièce aux dynamiques peu contrastées où le compositeur fabrique le son à sa convenance, les cordes avec les vents, le fruité du son avec les instances bruitées. Éloge de la légèreté, Avec est une danse elfique, à la trame rythmique toujours dessinée, aux figures circulaires et fragiles, aux signaux elliptiques et autres frémissements passagers: une poésie de l'écoute restituée avec une sensibilité et une délicatesse merveilleuses par les musiciens de Court-Circuit sous la direction tout en finesse de .

Le piano de est souverain dans Anagrān du compositeur , une pièce pour cinq instruments dont la richesse spectrale et le raffinement du timbre captivent notre écoute. Le titre signifie « lumière infinie » en langue persane. L'œuvre débute par un solo somptueux de violoncelle – en vedette – traversé par les ondes lumineuses de la flûte et de la clarinette restées dans les coulisses. L'alchimie des sonorités qui fusionnent (clarinette et flûte basses) et l'étrange beauté des textures microtonales (le piano joué dans les cordes) suscitent les images et leur lumière spéciale projetées dans chacun des « tableaux ». L'œuvre figure en tête du tout nouveau CD monographique du compositeur gravé par l' et son chef sous le label Stradivarius .

Crédits photographiques : Photo 1 : DR ; © Claude Truong-Ngoc

 

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10-I-2022 : Wolfgang Rihm (né en 1952) : Duomonolog pour violon et violoncelle : Robert Piéchaud (né en 1969) : Métamorphoses pour cordes sur un thème de Wolfgang Rihm pour septuor à cordes ; Richard Strauss (1864-1949) : Metamorphosen , version pour septuor à cordes de Rudolf Leopold. Ensemble L’Itinéraire : Anne Mercier, Elsa Moatti, violons ; Lucia Peralta, Vladimir Percevic, altos ; Myrtille Hetzel, Lola Malique, violoncelles ; Hugo Abraham, contrebasse. Direction : Antonin Rey
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