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Gustavo Dudamel et l’Orchestre de l’Opéra de Paris admirables dans Mahler

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Paris. Philharmonie. Grande Salle Pierre Boulez. 16-IX-2022. Gustav Mahler (1860-1911) : Symphonie n° 9 en ré majeur. Orchestre de l’Opéra National de Paris, direction : Gustavo Dudamel

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Interprète régulier des symphonies de avec différentes phalanges (Simon Bolivar, Los Angeles, Berlin ou Vienne…) les affinités entre et le compositeur autrichien ne sont plus à prouver en dépit de réalisations parfois peu concluantes.

C'est, ce soir, à la tête de l', dont il est directeur musical depuis un peu plus d'un an, qu'il nous livre sa vision de la Symphonie n° 9, avant de donner ce concert au Liceu de Barcelone et au Victoria Hall de Genève la semaine prochaine.

Véritable symphonie testamentaire, symphonie de l'Adieu et de l'acceptation, la Symphonie n° 9 possède, sans nul doute, une charge émotionnelle à nulle autre pareille. Qui ne se souvient de ce soir du 20 octobre 2010, salle Pleyel où Claudio Abbado en donnait une interprétation mémorable suivie de plusieurs minutes de silence pendant lesquelles le maestro restait la main levée tandis que les larmes coulaient sur les joues des musiciens figés… Moment de silence atteignant à l'ineffable, d'autant plus émouvant que le chef italien se savait condamné.

Pour l'heure, point de circonstances aussi tragiques mais une lecture également convaincante, originale, parfois surprenante, haute en couleurs, toujours d'une incomparable justesse de ton et d'une grande cohérence formelle, mêlant dans une subtile alchimie un lyrisme intense et un dramatisme douloureux exaltés par une splendide plastique orchestrale. Composée durant l'été 1909, la « neuvième » fut créée à Vienne en 1912 par Bruno Walter, un an après le décès du compositeur, sans avoir pu se soustraire à la malédiction qui toucha Beethoven, Schubert et Bruckner. Elle se décline en quatre mouvements qui se succèdent de façon peu orthodoxe : deux mouvements lents encadrant un Länder et un Rondo burlesque.

Le premier mouvement Andante Commodo est sans doute le plus délicat d'interprétation par son ambiguïté hésitant entre la vie et la mort, comme par le caractère récapitulatif de traits spécifiquement mahlériens déjà explorés dans les symphonies précédentes, fournissant ainsi à chaque chef qui le dirige la possibilité d'en donner une lecture différente…Loin de la vision prométhéenne, quasi expressionniste, d'un Bernstein par exemple, , plus mesuré, sur un tempo assez lent, y fait continuellement chanter l'orchestre dans un chant éminemment lyrique (cordes, cor, harpe) teinté de dramatisme (trombones, percussions) et d'inquiétude contenus. En fédérant les plans sonores, il développe un discours d'une rare cohérence capable, par la clarté de la texture orchestrale, de mettre au jour tous les détails de l'orchestration et de magnifiques contrechants, tout en conservant un flux musical continu d'une belle ampleur sonore où s'opposent dans de puissants contrastes des épisodes élégiaques (flute, violon solo) et des moments de musique désincarnée faite de fulgurance, de chaos, où l'orchestre ruiné se réduit à un poudroiement de timbres (où la mort rode…), avant qu'un émouvant retour au silence ne marque le premier pas vers l'acceptation finale.

Loin de son habituelle lourdeur caricaturale, le Ländler suivant séduit tant par sa rusticité, entretenu par des cordes râpeuses et un goguenard basson que par son caractère très dansant, presqu'élégant, riche en nuances, dont la valse bien typée constituera l'aboutissement. On y admire encore une fois la justesse des cuivres, le dialogue entre le pupitre de cors et la petite harmonie.

Le Rondo-Burleske impressionne, quant à lui, par sa dynamique pleine d'allant autant que par la rigueur de sa mise en place qui fait intervenir tous les pupitres (cordes, fanfare, petite harmonie, contrebasses) dans une densité polyphonique rare d'où émerge un superbe solo de flute calme et poétique avant que le mouvement ne s'achève sur un crescendo grandiose parfaitement mené.

Si le premier mouvement répondait aux « ewig » suspendus de l'Abschied du Chant de la Terre, l'Adagio final de cette ultime symphonie achevée apporte une réponse aux interrogations du premier mouvement, nous conduisant au moment rare où musique et silence fusionnent pour devenir moyen d'ascèse. Après une entame pathétique aux cordes, en fait une longue prière, aux accents brucknériens, profondément recueillie d'une ferveur douloureuse où s'associent tous les pupitres dans une alternance tendue d'épisodes agités et de passages plus méditatifs avant de nous laisser entrevoir dans un pianissimo final à faire pleurer les pierres ces lointains horizons bleutés vers lesquels la quête symphonique mahlérienne n'a cessé de tendre… Magnifique !

Crédit photographique : © Elisa Haberer

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