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Stradivarius et la lutherie de Crémone. Jean-Philippe Echard. Éditions de la Philharmonie de Paris. 251 pages. 39 €. Avril 2022

Janine Jansen (violon), Antonio Pappano (piano) : « Falling for Stradivari », documentaire de Gerald Fox. Clara Schumann (1819-1896) : Romance n° 1. Fritz Kreisler (1875-1962) : Liebesleid. Josef Suk (1874-1935) : Chant d’amour. Sergueï Rachmaninov (1873-1943) : Andante de la sonate pour violoncelle et piano. Manuel de Falla (1876-1946) : Danse Espagnole, arrangement de Kreisler. Maurice Ravel (1875-1937) : Pièce en forme de Habanera. Piotr Ilitch Tchaïkovski (1840-1893) : Mélodie extrait de Souvenir d’un lieu cher. Edward Elgar (1857-1934) : Sospiri. Henri Vieuxtemps (1820-1881) : Désespoir extrait de Trois romances sans paroles. Robert Schumann (1810-1856) : Fantasiestücke n° 1 pour clarinette et piano. Karol Szymanowski (1882-1937) : La Fontaine d’Aréthuse, extrait de Mythes. Jerome Kern (1885-1945) : Yesterdays tiré de Roberta. 1 DVD/Blu-ray Arthaus Musik. Film en anglais, sous-titré en anglais, allemand et japonais. Durée : 131 minutes

 

Les Clefs d'or

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La parution simultanée d'un remarquable ouvrage aux Éditions de la Philharmonie de Paris et d'un superbe DVD de revivifie le mythe Stradivarius.

La notoriété d' est telle, plus de deux cent cinquante ans après sa naissance, que le nom même de Stradivarius sert à désigner un ouvrage parfait, un chef d'œuvre. Un remarquable ouvrage du Musée de la musique se sert des instruments détenus par ses collections pour analyser les raisons de ce mythe et sa naissance au XIXᵉ siècle.

En juin dernier, le violon ayant appartenu à Toscha Seidel était vendu aux enchères pour 15,3 millions de dollars, un peu en dessous du record historique attaché au « Lady Blunt » adjugé 15,9 millions en 2011. Point commun entre ces deux instruments, ils étaient tous deux issus de l'atelier d' (1648-1737), plus célèbre sous sa signature de Stradivarius. De tous les luthiers de Crémone, il reste le plus connu, celui dont les instruments sont le plus recherchés des grands solistes et ce alors que ses plus belles productions ont désormais plus de trois cents ans. Le livre que publie la Cité de la musique – Philharmonie de Paris et qui est dû à , conservateur des instruments à cordes frottées du Musée de la musique s'attache à cerner les raisons de cette notoriété qui confine au mythe. Il s'appuie sur les instruments que possède le musée, essentiellement à la suite de dons de collectionneurs principalement effectués au XIXᵉ siècle. Outre l'exceptionnelle qualité des illustrations, qui en fait un régal pour les yeux (citons en particulier la saisissante vue de l'intérieur d'un violoncelle de Garneri), il vaut par son érudition, sa connaissance de la technique propre au luthier (et il souligne judicieusement l'importance dévolue aux outils, formes et dessins préparatoires à la réalisation). La suprématie de Stradivarius sur ses contemporains et confrères apparaît due tant à sa longévité qu'à son caractère perfectionniste, au soin extrême apporté à la réalisation. Deux chapitres en particulier éveillent des réflexions passionnantes ; celui intitulé « aux grands hommes, la lutherie reconnaissante » met en valeur un texte fondateur « la chélonomie ou le parfait luthier » de l'abbé Sibire paru en 1806. On y trouve en effet exprimée l'idée que la lutherie a atteint un sommet insurpassable à Crémone au tournant du XVIIᵉ au XVIIIᵉ siècle et que toute tentative ultérieure doit limiter son ambition à s'approcher de cette perfection indépassable. Cette idée, qui coïncide avec le besoin ressenti par les grands virtuoses successifs, Viotti et surtout Paganini bien sûr, de disposer d'instruments puissants capables de projeter leur sonorité dans des salles de plus en plus vastes est d'autant plus marquante qu'elle contredit celle, valable dans les autres arts et les sciences d'un progrès continu. Tout aussi passionnant est le chapitre consacré aux « valeurs d'un violon de Crémone » qui montre bien comment la valeur d'un instrument est le fruit non seulement désormais de sa qualité propre, de son authenticité mais aussi de son histoire et des possesseurs illustres qui l'ont joué. Par la richesse de son texte, la beauté de ses illustrations, l'érudition de son auteur, c'est un ouvrage majeur susceptible d'intéresser non seulement les luthiers et les violonistes mais aussi les mélomanes à l'esprit curieux. En ce sens il complète harmonieusement un ouvrage collectif antérieur paru il y a dix ans dans la collection de l'Opéra de Dijon et auquel avait déjà collaboré : Le violon italien, une seconde voix humaine (Aparté).

Par une heureuse coïncidence paraît au même moment un passionnant DVD faisant entendre douze violons du grand luthier joués par , précédés d'un documentaire reposant sur l'érudition de Steven Smith, directeur général du grand marchand anglais J. and A. Beare.

Ce film documentaire en anglais seulement et sous-titré en anglais, allemand et japonais (mais pas français hélas) rend compte de l'expérience du marchand anglais J. et A. Beare qui a réuni sous la houlette de son directeur général Steven Smith douze « Strad » et les a confiés à . La violoniste joue elle-même sur un de ces douze Stradivarius, prêté comme c'est aujourd'hui presque toujours le cas par un généreux mécène, tant les prix stratosphériques atteints par ces instruments les rendent inaccessibles aux instrumentistes. La seconde partie du DVD/Blu-ray est ainsi dévolue à un récital donné avec Antonio Pappano au clavier dans Cadogan Hall à Londres sur ces instruments ; le résultat est d'ailleurs inégalement convaincant, autant le Liebesleid de Kreisler sur un violon ayant appartenu au compositeur s'avère merveilleusement émouvant, autant la Danse espagnole de Falla arrangée par le même sonne de façon assez agressive, tandis qu'on s'étonne du choix du mouvement lent de la Sonate de Rachmaninov pour violoncelle pour rendre hommage à Milstein. Autre sommet à saluer, la rare Romances sans paroles « désespoir » de Vieuxtemps sur son propre instrument. Et le récital, étonnant exercice, s'achève par un song de Jérome Kern sur le Shumsky que touche justement la soliste hollandaise. Quelques images d'archive (Milstein, Ida Haendel, Oscar Shumsky) enrichissent le documentaire où l'érudition et les remarques techniques de Steven Smith s'avèrent nettement plus riches que les exclamations d'enthousiasme de Janine Jansen devant chaque nouvel instrument.

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Stradivarius et la lutherie de Crémone. Jean-Philippe Echard. Éditions de la Philharmonie de Paris. 251 pages. 39 €. Avril 2022

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