La Scène, Spectacles divers

L’Antigone de Loïc Guénin, au-delà du mythe

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Metz. Arsenal. Studio du gouverneur. 10-XI-2022. Loïc Guénin (né en 1976) : Le Cri d’Antigone ; livret, composition, direction artistique, percussions, claviers analogiques, informatique, Loïc Guénin ; mise en scène, Anne Monfort ; Élise Chauvin, voix ; Vincent Lhermet, accordéon ; Eric Brochard, contrebasse, patch et informatique ; Alice Piérot, violon ; Fabrice Favriou, guitare électrique ; Maya Le Meur, artiste peintre ; Thierry Llorens, régie générale et technique ; Vincent Beaume, création et régie lumière ; Yoann Coste, régie son

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« Il faut un cri », chante dans le spectacle musical de où elle incarne le personnage d'Antigone. Avec sa partenaire et metteuse en scène , le compositeur du Cri d'Antigone réinterroge le mythe en questionnant l'identité de l'héroïne.

Pour , qui écrit son propre texte/livret, Antigone est aussi Élise (la chanteuse ), autrement dit une femme ressentie dans sa chair par une autre femme : la situation est inédite dans l'histoire du mythe qui n'a encore été approché que par des hommes, écrivains, dramaturges et compositeurs (Sophocle, Hölderlin, Honegger, Cocteau, Anouihl, Brecht, Bauchau, etc.), aime rappeler qui a choisi de travailler avec dont on connait l'engagement en direction des artistes femmes dans le spectacle public. L'idée de convoquer une artiste peintre (Maya Le Meur) qui accompagne cette proposition scénique en peignant à la brosse les six tableaux épousant la forme en ellipse de la scène est, en soi, aussi esthétique que symbolique. On a fait d'Antigone la figure emblématique de l'insoumise qui défie le pouvoir patriarcal alors même qu'elle se laisse enfermer par Créon dans cette « chambre tombale » qui la condamne à la mort. L'Antigone-Élise de Guénin endosse une personnalité plus complexe, avec ses contradictions, ses hésitations et ses tiraillements intérieurs, sa rage également qui traverse un corps et une voix qui éructent et libèrent, in fine, le cri.

Une trajectoire polystylistique

 

La musique de Loïc Guénin voyage entre l'écrit et le non-écrit, de la planche graphique (celles du projet longtemps porté de Walden) aux grilles harmonico-mélodiques qui laissent un espace aux interprètes. Sur scène, avec son set de percussions, d'accessoires divers et autres claviers numériques, le compositeur et interprète s'est entouré de quatre instrumentistes (violon et guitare électrique à sa droite, contrebasse et accordéon à sa gauche), quatre musiciens qui participent à la conception globale de la partition, amenés à prendre des décisions et à donner chacun à leur tour une touche personnelle au spectacle. Ainsi ce solo de la contrebasse (), méditation tendue où l'interprète tire de son instrument des sonorités exsangues, donnant lui-même de la voix tandis qu' remue le lit de feuilles mortes installé sur le plateau en faisant craquer-crisser la matière organique. Rien ne bouge, pas même le geste de la plasticienne, dans le long solo de la violoniste entendu au mitan de l'ouvrage, nouvelle plage introspective qui relaie la voix et aborde d'autres rivages sonores. Petites percussions et accessoires (crotale, bol, verre, archet, polystyrène, baguette, etc.) sont à portée de main de chaque instrumentiste. Ils sonnent dans le début du tableau 5, fine exploration sonore où Loïc Guénin et ses partenaires nous mettent à l'écoute de la rumeur du monde. Des voix se font entendre dans les rangs du public, les habitants de Thèbes (spectateurs complices recrutés sur place) qui se lèvent, micro en main, pour lancer leurs invectives et interpeller l'insoumise, accusations répercutées dans l'espace par un traitement électronique live. Mais qui donc est Antigone? La question est posée à chacun des participants du spectacle, compositeur compris, dans cette séquence radiophonique foisonnante du 5, montée, non sans humour, par Loïc Guénin pour nous mettre au cœur du débat.

Pieds nus, en jeans et t-shirt blanc, Élise Chauvin tient la scène, et avec quelle prestance, dans chacun des tableaux (excepté le 5, sans texte) : véritable rock star dans la chanson Am I just a body ? dont les distorsions et feedbacks de la guitare électrique (Fabrice Favriou) libèrent les décibels aux limites de la saturation. « Je sens naître au fond de mon âme un cri jusque-là retenu », chante Antigone-Élise dans l'Aria climactique du tableau 6 qui fait écho à celui du 1. Si l'écriture vocale manque à notre goût d'un certain galbe mélodique, elle ne s'impose pas moins au-dessus des strates instrumentales qui fonctionnent en boucle, galvanisées par une scansion implacable sur les peaux. Élise Chauvin chante et danse tandis que la peintre met la dernière touche à sa fresque. C'est l'accordéon (énergétique ) qui réamorce le mouvement avec ses blocs-accords en répétition, Loïc Guénin conduisant cette dernière scène tel un chaman et jusqu'à la transe.

Crédit photographique : © Sarah Franck

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