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Mirga Gražinytė-Tyla poursuit son exploration des symphonies de Weinberg

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Mieczysław Weinberg (1919-1996) : Symphonies n° 3 et n° 7 ; Concerto pour flûte et orchestre. Kirll Gerstein, clavecin ; Marie-Christine Zupancic, flûte ; City of Birmingham Orchestra ; Deutsche Kammerphilharmonie Bremen ; direction : Mirga Gražinytė-Tyla. 1 CD Deutsche Grammophon. Enregistré au Konzerthaus de Dortmund en décembre 2020 et au Symphony Hall de Birmingham, en mars et juin 2021. Notice en anglais et en allemand. Durée : 89:00

 
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Après un premier album inspiré réunissant les Symphonies n° 2 et n° 21 de Mieczysław Weinberg, la cheffe démontre dans ce second volume sa profonde affinité avec ce compositeur.

est-elle en route pour un cycle Weinberg avec le label jaune ? En tout cas, elle ne fait pas mystère en tout cas de sa fascination pour ce compositeur, pour sa capacité à explorer l'âme humaine, du plus profond désespoir à la plus grande joie, pour sa science compositionnelle où la technique est au service du but expressif. Nul doute aussi qu'en tant que musicienne lituanienne, elle soit particulièrement sensible au parcours de vie de Weinberg de sa Pologne natale à l'Union soviétique aussi bien stimulante (Chostakovitch et la pléiade de grands interprètes) que destructrice (les procès politiques, l'antisémitisme…).

Si les grands interprètes de l'époque soviétiques sont difficilement remplaçables dans la musique de Chostakovitch, tant il y a eu cette alchimie entre un musicien et un peuple, le champ est ouvert avec Weinberg. Il a eu sa place dans le monde musical soviétique dans les années d'après-guerre jusque dans les années 60 (marquées toutefois par son arrestation et sa détention en 1953), mais nul ne se fit le champion de son corpus orchestral. La cheffe a affirmé qu'un cycle discographique Weinberg serait bien plus utile qu'un énième cycle Beethoven, et on ne peut que lui donner raison.

Trois œuvres sont proposées dans cet album, qui appartiennent toutes à la première maturité du compositeur, et proposées par ordre inversement chronologique.

La Symphonie n°7 de 1964, jouée ici par le , est une sorte de concerto grosso pour clavecin (ici avec ) transposée à l'époque moderne. Elle est la manifestation du retour de cet instrument, alors bien oublié et méprisé. L'Union des Compositeurs Soviétiques, passage obligé pour obtenir le droit d'interpréter la partition publiquement, avait encensé le compositeur pour sa capacité à y combiner « la simplicité et la non-simplicité ». Et le fait est que cette symphonie est d'une grande finesse d'atmosphères, ce qui n'exclut pas des emportements de cordes sombres et tourmentées. Le dernier mouvement s'ouvre sur un moment suspendu, au clavecin, qui ressemble étrangement à une sonnerie de téléphone. Là où les versions antérieures interprètent ce passage de manière mélodique, en symbiose avec la cheffe, transforme ces notes en objet musical, anticipant Schnittke, et évoquant cette terreur vécue par les musiciens comme Chostakovitch recevant l'appel direct de Staline…

Le Concerto pour flûte et orchestre n°1 de 1961 varie lui aussi les ambiances, entre un premier mouvement virtuose, léger et néoclassique faisant place à un Largo d'une grande sensibilité et infinie nostalgie, avant un Allegro comodo en demi-teintes, on n'est jamais trop prudents sans doute dans l'expression de ses sentiments… L'occasion pour la cheffe de l'Orchestre de Birmingham de mettre en avant la flûtiste solo de la formation, , née et formée en Allemagne et qui fit partie pendant deux ans du Philharmonique de Berlin avant de rejoindre Birmingham. La complicité entre les musiciennes participe à la réussite de l'enregistrement.

La Symphonie n°3 compte parmi les pièces de jeunesse, composée en 1949/1950 et révisée substantiellement en 1959 pour sa première création publique. Elle s'ouvre par une ligne de chant d'une beauté indicible, qui la rattacherait par sa pureté aux grands espaces naturels de la musique nordique davantage qu'aux immensités russes. Une innocence qui se chargera rapidement de tensions dans ce premier mouvement. L'allegro giocosio et son caractère de danse folklorique polonaise apporte la nécessaire détente requise par les canons esthétiques soviétiques et ne manque pas de rythme ni de couleurs, avant un Adagio ténébreux zébré d'orages et aux accents mahlériens et un mouvement final motorique en forme de démonstration d'orchestre. La cheffe rend justice aux différents climats et atmosphères, et s'impose comme une référence d'interprétation, surtout si elle est en mesure de poursuivre dans sa lancée. A elle comme à son label et à ses musiciens, il faudra faire preuve de persistance, mais le jeu en vaut la chandelle !

Pour aller plus loin : 

Mieczysław Weinberg, portrait pour un premier centenaire

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Mieczysław Weinberg (1919-1996) : Symphonies n° 3 et n° 7 ; Concerto pour flûte et orchestre. Kirll Gerstein, clavecin ; Marie-Christine Zupancic, flûte ; City of Birmingham Orchestra ; Deutsche Kammerphilharmonie Bremen ; direction : Mirga Gražinytė-Tyla. 1 CD Deutsche Grammophon. Enregistré au Konzerthaus de Dortmund en décembre 2020 et au Symphony Hall de Birmingham, en mars et juin 2021. Notice en anglais et en allemand. Durée : 89:00

 
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