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De la cantate profane à l’oratorio-bouffe avec Les Métaboles et Multilatérale

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Francis Poulenc (1899-1963) : Un soir de neige, cantate profane, pour chœur a cappella ; Quatre motets pour un temps de pénitence, pour chœur a cappella ; Exultate Deo, Motet pour les fêtes solennelles, pour chœur a cappella. Bernard Cavanna (né en 1950) : Messe un jour ordinaire (nouvelle version), pour voix solistes, chœur et ensemble. Noëmi Schindler, violon ; Isabelle Lagarde, soprano léger ; Émilie Rose Bry, soprano ; Kiup Lee, ténor ; Les Métaboles ; Ensemble Multilatérale, direction : Léo Warynski. 1 CD NoMadMusic. Enregistré à l’Arsenal, Cité musicale de Metz, en mai 2022. Durée : 57:14

 
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Ferveur religieuse et plénitude des voix a cappella chez , surenchère sonore et tension exacerbée chez : deux manières se profilent (« Le Moine et le Voyou » titre l'album) dans ce cinquième album des Métaboles auxquelles l' prête main forte en seconde partie de programme.

Le syllabisme est strict et l'écriture des voix le plus souvent synchrone dans les pièces chorales a cappella de qu'ont réunies Les Métaboles et leur chef : clarté de l'énonciation et justesse de la prosodie dans Un soir de neige, une cantate profane sur quatre poèmes de Paul Éluard restituée avec beaucoup de sensibilité par les interprètes. Poulenc joue sur la vitesse du débit vocal, les contrastes de dynamiques, le jeu de relais des voix pour donner son relief au très beau texte d'Éluard : autant de stratégies respectées à la lettre et toujours dans l'anticipation par un ensemble vocal dont on apprécie l'homogénéité des pupitres et la pureté de l'intonation.

Les Quatre motets pour un temps de pénitence sont chantés en latin avec le même soin accordé à la déclamation et une palette de dynamiques dont fait entendre toute la richesse. Il arrive que les voix se divisent au début d'un vers, aussitôt regroupées pour appréhender le texte dans sa dimension apollinienne. Le madrigalisme sur Et inclinato capite (j'ai baissé la tête) est mis en valeur tout comme l'accélération sur vos fugam capietis (tu prendras ton envol) dans le très beau Tristis est anima mea, introduit par le soprano lumineux d'Anne-Claire Baconnais. Esquissant au départ un double canon, le Motet pour les fêtes solennelles Exultate Deo (Psaume 80) est un bijou dûment ciselé par le maestro Warynski dans la finesse et le juste équilibre des forces.

Musique de l'urgence, dominée par la résonance funèbre des cloches tubes, marqueur du tragique cavannien, Messe un jour ordinaire (1993-1995) de fait l'événement lors de sa création par l'ensemble Ars Nova sous la direction de Philippe Nahon qui grave l'œuvre en 1998. Le texte est établi par le compositeur, confrontant les mots simples et la parole fragile de Laurence, jeune toxicomane sortant de prison, aux prières de l'Ordinaire de la messe dont Cavanna ne conserve que les quatre premières parties (Kyrie, Gloria, Credo, Sanctus) et auxquelles il réserve un traitement sans merci ! Un soprano léger, celui d' (déjà présente à la création), oscillant entre voix parlée et chantée – inimitable déclamation cavannienne – tente de se faire entendre au côté des deux voix opératiques dominantes : un ténor héroïque et une soprano lyrique scandent en effet, hauts et fiers, les mots latins, écorchés, démantelés, substitués, au gré de l'humour cavannien. Le chœur, dont le compositeur a enrichi l'écriture pour les voix professionnelles des Métaboles, participe à ce rituel étrange quand les instruments (des vents pugnaces, un orgue, trois accordéons, une harpe, une contrebasse et un set de percussions actif) entretiennent la tension, texturent l'espace et lancent leurs invectives avec cette raideur dogmatique et militaire qui affleure toujours, menaçante, dans la musique du compositeur.

Moins farouche peut-être que la version d'Ars Nova mais bénéficiant de meilleures conditions d'enregistrement, Messe un jour ordinaire est défendue bec et ongles par les solistes, le chœur des Métaboles et les musiciens de Multilatérale sous la direction de . Si , sur scène à la création, connaît son rôle de l'intérieur, qu'elle défend avec la même conviction, Émilie Rose Bry a l'ampleur lyrique et la projection idéales pour rivaliser avec un ensemble instrumental souvent très offensif. est un superbe ténor verdien qui sait se faire entendre dans un Gloria très chahuté. Porte-parole de Laurence dans son solo aussi virtuose qu'éloquent, le violon de (emblématique de l'écriture cavannienne) s'exprime en majesté au mitan du Gloria, imposant le silence à toute la communauté !

Fort de ses trente ans d'âge, l'oratorio bouffe de Cavanna n'a pas pris une ride, charriant avec la même efficacité ce mélange d'effroi et de dérision au sein duquel se glisse le tragique cavannien.

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