Le 3 juin 1875 à Bougival disparaissait Georges Bizet, trois mois après la création de l'opéra qui le rendit célèbre dans le monde entier, Carmen. Warner Classics-Erato, cent cinquante ans plus tard, participe aux commémorations en proposant, comme il l'a déjà fait pour beaucoup d'autres compositeurs français, une édition discographique de ses principales œuvres.

Les limites de l'initiative résident dans le fait que le compositeur étant mort assez jeune, on ne possède pas énormément d'œuvres musicales d'une part, et c'est d'autre part toujours un peu les mêmes qui sont enregistrées. D'où la question du choix des interprétations à retenir lorsqu'on dispose à son catalogue de quantités de versions de la même œuvre. Sans même parler de Carmen, Warner Classics dispose d'au moins quatre enregistrements, depuis les années 1950, des Pêcheurs de Perles. Le label réussit à choisir le moins intéressant vocalement, l'interprétation de Michel Plasson avec Barbara Hendricks, John Aler et Gino Quilico. Plus de chance avec La Jolie Fille de Perth, étant donné sa relative rareté, dans l'enregistrement de Georges Prêtre avec les forces de Radio France et une distribution de choc : les rôles principaux June Anderson et surtout Alfredo Kraus, et des rôles secondaires de luxe : José van Dam, Gabriel Bacquier. Reste Carmen, proposé dans deux versions : celle de Georges Prêtre avec Maria Callas en 1964, tragique à souhait dans le rôle-titre, un enregistrement à connaître certes, mais dommage d'avoir écarté celui de Sir Thomas Beecham avec Victoria de Los Angeles, Nicolai Gedda et Janine Micheau. Warner Classics a également retenu un enregistrement récent (Sir Simon Rattle, 2012) au casting très international assez peu idiomatique, une version qui n'est vraiment guère fondamentale. Réapparaissent en plus des extraits de Ivan IV dans l'enregistrement historique de Georges Tzipine, et pour l'opéra, en bonus quelques perles des débuts du XXe siècle avec notamment Suzanne Brohly, Léon Beyle, Emma Calvé ou Georges Thill. Mais pas de traces des opéras assez méconnus que sont Le Docteur Miracle, Don Procopio et Djamileh.

Les choix sont plus judicieux pour la partie orchestrale, en particulier la musique de scène de L'Arlésienne et la Symphonie en ut « dépoussiérées » par Sir John Eliot Gardiner lorsqu'il officiait à l'Opéra de Lyon. Mais dommage de ne proposer que des versions incomplètes des suites de Carmen (Seiji Ozawa avec l'Orchestre National de France). Compléments de qualité avec en particulier des pièces relativement rares (Ouverture en la, Marche funèbre, Roma…) par Michel Plasson (Orchestre du Capitole de Toulouse) et par Paavo Järvi (Orchestre de Paris).

Dans le répertoire pianistique, outre quelques arrangements de L'Arlésienne, le cycle pour quatre mains Jeux d'enfants sous les doigts de Michel Béroff et Jean-Philippe Collard. Mais malheureusement pas de Chants du Rhin ou de Variations chromatiques, pas au catalogue de Warner Classics, comme d'ailleurs les opéras méconnus cités plus haut, et même les mélodies à de rares exceptions près.

Le coffret est complété par des versions historiques (entre 1927 et 1943) en particulier le versant symphonique, dont le premier enregistrement de la Symphonie en ut, que l'on doit à Walter Goehr et au London Philharmonic peu de temps après la recréation de l'œuvre en 1935. Mais aussi des pages dirigées par Désiré-Émile Inghelbrecht, Sir John Barbirolli, Sir Thomas Beecham ou Antal Doráti.

Malgré ses choix discutables, les frustrations qu'elle suscite, voici une parution qui permet néanmoins de se plonger dans le corpus de ce génial compositeur disparu prématurément à l'âge de 36 ans et qui aurait sans doute été l'égal des Verdi ou Wagner dans le domaine de l'opéra s'il avait vécu plus longtemps.

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