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Paris. Fondation Singer-Polignac. 8-VI-2025. Gérard Grisey (1946-1998) : Talea ou la machine et les herbes folles, pour cinq instruments ; Tristan Murail (né en 1947) : La barque mystique, pour cinq instruments ; Imsu Choi (née en 1991) : Blur, pour clarinette, violoncelle et piano ; Philippe Hurel (né en 1955) : Pour Luigi, pour cinq instruments. Ensemble Écoute : Samuel Casale, flûte ; Martin Adámek, clarinette ; Orlando Bass, piano ; Rachel Koblyakov, violon ; Emmanuel Acurero, violoncelle ; direction : Fernando Palomeque
Avec les artistes en résidence et durant quatre jours (du 5 au 8 juin), la 6ᵉ édition du festival de la Fondation Singer-Polignac a offert un florilège de concerts filmés et diffusés en direct sur la plateforme singer-polignac.tv ainsi que sur les réseaux sociaux de la Fondation.
La résidence des artistes s'étend sur six années durant lesquelles musiciens chambristes et ensembles peuvent répéter dans les salons de l'hôtel particulier et se produire lors des concerts du festival. Le but est de fournir à chacun d'eux des enregistrements professionnels utiles à leur promotion. La jauge du salon de musique étant très limitée, seuls quelques invités peuvent assister à ces séances d'enregistrement.
Phalange à géométrie variable dédiée à la musique d'aujourd'hui, l'Ensemble Écoute est fondé en 2015 par le compositeur argentin Alex Nante et le pianiste et chef d'orchestre, argentin également, Fernando Palomeque. L'ensemble est en résidence à la Fondation Singer-Polignac depuis 2024. Programmé ce dimanche 8 juin à 13 heures, il met à l'affiche quatre œuvres relevant toutes du courant spectral que les musiciens aiment particulièrement sonder.
Talea ou la machine et les herbes folles (1984-85) de Gérard Grisey est une œuvre emblématique et ô combien radicale de cette esthétique, partition exigeante pour chacun des cinq instrumentistes en lice, piano, clarinette, flûte, violon et violoncelle. Le compositeur y exalte l'énergie et le devenir du son à travers ce qu'il nomme « la synthèse instrumentale ». La concentration est maximale au sein du groupe et le piano d'Orlando Bass bouillonnant, qui met en résonance les graves de son instrument sur lesquels s'agrègent les partiels fragiles et colorés du son fondamental : instants d'une grande beauté qui sollicitent l'écoute aiguë de l'auditeur et la virtuosité solistique des musiciens.
La barque mystique (1993) pour cinq instrumentistes (la formation mythique du Pierrot lunaire) de Tristan Murail, fondateur du courant spectral avec son collègue et ami Gérard Grisey, n'est pas moins sophistiquée dans son écriture. Elle emprunte son titre à une série de pastels d'Odilon Redon dans laquelle figure la toile éponyme. Murail parle « d'orchestration miniaturisée » tant chaque instrument et son propre traitement acoustique (modes de jeu, sourdines, bruits de clés) contribuent à l'édification de formes globales. On « voit » l'image spectrale se déployer et se transformer. Elle renouvelle d'autant les profils microtonaux et les nuances colorées (pastel) sous le jeu et le geste d'une extrême précision des cinq instrumentistes et de leur chef.
Pour clarinette, violoncelle et piano, Blur (« se brouiller ») de la compositrice coréenne Imsu Choi, présente dans les rangs du public, n'est pas dirigée. La pièce, qui a été révisée pour l'occasion du concert, nous enchante via l'aura de mystère et d'inouï qu'elle dégage. Le piano est préparé et deux « i.bows » (archets électroniques) ont été installés sur les cordes, entretenant secrètement un bourdon sur lequel se dessinent les morphologies sonores : alchimie du timbre façonné par les techniques de jeu étendues sur les trois instruments, musique de la fragilité et de la fugacité, cette courte pièce est superbement restituée par nos trois musiciens en parfaite synergie.
Philippe Hurel est un post-spectral comme il aime à se définir. Ainsi poursuit-il l'écriture du timbre de ses aînés, à travers l'élaboration de complexes sonores inouïs tout en ramenant au sein de l'écriture la pulsation et l'intensité énergétique du rythme issu de cellules jazz et funky. Elles s'entendent dès les premières mesures de Pour Luigi (1993-94), une pièce composée pour les cinq mêmes instruments. Hurel joue sur la variété des temporalités, resserrée (début et fin) et étirée. Au mitan de l'œuvre, les nervures rythmiques disparaissent au profit d'une dimension essentiellement harmonique issue de calculs de spectres. La partition, au répertoire de l'ensemble, séduit, révélant, sous l'excellente conduite de Fernando Palomeque et l'engagement sans compter des cinq instrumentistes, toutes les facettes d'une écriture virtuose.
Sous les ors du Salon de musique et dans les ambiances colorées du réalisateur Guillaume Klein, le concert est à revoir en streaming sur le site de la Fondation et sur medici.tv jusqu'au 31 décembre 2025.
Crédits photographique : © ResMusica
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Paris. Fondation Singer-Polignac. 8-VI-2025. Gérard Grisey (1946-1998) : Talea ou la machine et les herbes folles, pour cinq instruments ; Tristan Murail (né en 1947) : La barque mystique, pour cinq instruments ; Imsu Choi (née en 1991) : Blur, pour clarinette, violoncelle et piano ; Philippe Hurel (né en 1955) : Pour Luigi, pour cinq instruments. Ensemble Écoute : Samuel Casale, flûte ; Martin Adámek, clarinette ; Orlando Bass, piano ; Rachel Koblyakov, violon ; Emmanuel Acurero, violoncelle ; direction : Fernando Palomeque