Giulietta e Romeo de Zingarelli, l’opéra de Napoléon en DVD
Le bel canto napolitain est à l'honneur avec cette production de l'opéra Giulietta e Romeo de Zingarelli, portée par des interprètes en terrain connu, que ce soit en fosse ou sur scène.
Tout comme le projet discographique de 2021 porté par les mêmes protagonistes, cette production scénique de 2023 mise tout sur l'attachement supposé de Napoléon à l'opéra Giulietta e Romeo de Niccolò Antonio Zingarelli. Exit donc Vérone et la trame shakespearienne du drame, bienvenue en France à l'époque du Directoire, période de création de cet opéra. Le metteur en scène Gilles Rico transforme même les Capulets en réactionnaires thermidoriens et les Montaigu en représentants du courant révolutionnaire Jacobin, explicitant sans détour cette transposition dans sa note d'intention. Le spectateur, lui, pourra même y voir Joséphine sous les traits de Giulietta et le Général Bonaparte en Roméo tant les superbes costumes de Christian Lacroix traduisent explicitement cette approche.
A part cette transposition, le metteur en scène semble ne pas s'être trop intéressé à une direction d'acteurs particulière, la pauvre Giulietta se suicidant même publiquement sans susciter de contestation particulière de la part de ceux qui l'entourent à ce moment-là. La parfaite captation de ce spectacle témoigne également du jeu théâtral un peu poussif de Roméo au premier acte, face à une Giulietta quelque peu effacée, même si les deux interprètes arrivent à rééquilibrer cette impression au fur et à mesure du visionnage : Adèle Chauvet devenant vibrante à partir de son grand air « Qual improvviso tremito » (Acte II, scène 7) et Franco Fagioli gagnant en sobriété dans les tumultueuses vocalises dont il a la charge.
Que le futur acquéreur de ce DVD ne s'attende surtout pas à retrouver le conflit politique entre les Capulet et les Montaigu, mais plutôt une toile de fond mettant à l'honneur l'amour interdit des jeunes héros face au devoir familial: des émois bien plus inspirants pour les artistes du XIXe siècle. Qu'il ne s'attende pas non plus à retrouver les grands moments de l'œuvre de Shakespeare, le livret s'appuyant bien plus sur la version italienne de Luigi da Porto : il n'y a plus de Mercutio, ni la célèbre scène du balcon par exemple.
Avec la chronique de la version en concert captée en 2021, et le compte-rendu très complet du spectacle en 2023 où les mêmes interprètes interviennent, nous nous attarderons plutôt sur la qualité de la captation menée pour ce DVD, qui permet d'apprécier au mieux le travail de ces artistes, et également de valoriser avec justesse l'approche scénique des décors à l'ancienne de Roland Fontaine. Ils sont en effet bien plus attractifs à l'image que ceux « historiquement informés » de Carmen à l'Opéra Comique, alors que la démarche se caractérise par les mêmes techniques dans ces deux productions. Cette impression est certainement dû au beau travail de lumières de Bertrand Couderc parfaitement rendu à l'image, qui reproduit finement les nombreux climats nocturnes de l'ouvrage.
On souligne enfin la présence dans le livret d'accompagnement de la note d'intention du metteur en scène Gilles Rico, comme c'est souvent l'usage, mais aussi celle de Roland Fontaine pour les décors, et de Bertrand Couderc pour les lumières, soit un traitement égal du travail de toutes les forces en présence. Un parti-pris particulièrement pertinent au regard du contenu de textes explicitant au mieux les démarches artistiques, qu'elles soient individuelles ou collectives. Il est d'ailleurs amusant de lire les explications du décorateur, qui défend le ré-emploi de ses décors pour d'autres productions par des arguments environnementaux, alors que cette pratique était largement répandue en 1796 pour des contraintes économiques, finalement toujours actuelles à notre époque.








